Rappel des nouvelles obligations concernant les cookies et des démarches à effectuer en cas de violation de données

31 mars 2021 : date limite de la mise en conformité en matière de cookies

Pour rappel, le délai raisonnable accordé par la CNIL pour mettre en conformité vos sites web et applications mobiles aux nouvelles règles en matière de cookies et autres traceurs contenues dans ses lignes directrices et sa recommandation publiées le 1er octobre 2020 expire le 31 mars 2021 au soir.

Compte tenu de ce calendrier, la CNIL a indiqué qu’elle procédera à des contrôles formels à compter du mois d’avril 2021 et qu’elle n’hésitera pas à prononcer des sanctions en cas de non-conformité.

Il est donc vivement conseillé aux acteurs de procéder à un audit des cookies et autres traceurs utilisés afin, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour respecter les exigences de la réglementation.

Pour mémoire, certains cookies ne nécessitent pas le recueil du consentement comme les cookies fonctionnels et certains cookies de mesure d’audience si ces derniers respectent les conditions rappelées récemment par la CNIL le 8 mars 2021.

Pour les cookies nécessitant le recueil du consentement, notamment utilisés pour le marketing ciblé, les principes suivants doivent notamment être respectés :

Principe 1 : la simple poursuite de la navigation ne peut plus être considérée comme une expression valide du consentement de l’utilisateur.

Principe 2 : les personnes doivent consentir au dépôt de traceurs par un acte positif clair (comme le fait de cliquer sur « j’accepte »). Si elles ne le font pas, aucun traceur non essentiel au fonctionnement du service ne pourra être déposé sur leur appareil.

Principe 3 : les utilisateurs devront être en mesure de retirer leur consentement, facilement, et à tout moment.

Principe 4 : refuser les traceurs doit être aussi aisé que de les accepter.

Principe 5 : les personnes doivent être clairement informées des finalités des traceurs avant de consentir, ainsi que des conséquences qui s’attachent à une acceptation ou un refus de traceurs.

Principe 6 : les personnes doivent également être informées de l’identité de tous les acteurs utilisant des traceurs (y compris les cookies tiers) soumis au consentement.

Principe 7 : les organismes exploitant des traceurs doivent être en mesure de fournir, à tout moment, la preuve du recueil valable du consentement libre, éclairé, spécifique et univoque de l’utilisateur.

Ces principes doivent être suivis scrupuleusement par les acteurs car les sanctions en cas de non-conformité peuvent être particulièrement lourdes.

Ainsi, le 7 décembre 2020, la CNIL a condamné respectivement Amazon et Google à une amende de 35 millions pour la première et 100 millions d’euros pour la seconde en raison de manquements constatés notamment à leurs obligations de recueil du consentement et d’information préalables au dépôt de cookies publicitaires. Malgré un recours formé par Google devant le Conseil d’Etat, ce dernier a validé le 4 mars dernier la légalité de la décision de la CNIL, renforçant ainsi son pouvoir de sanction.

Notification d’une violation de données personnelles

Par ailleurs, l’incendie du datacenter de la société OVH à Strasbourg survenu le 10 mars dernier et ses conséquences potentielles sur les données personnelles traitées (perte, endommagement) sont l’occasion de rappeler les obligations posées par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) dans ce genre de situation, lequel impose aux responsables de traitement, entre autres, de :

notifier dans les meilleurs délais et, si possible, 72 heures au plus tard après en avoir pris connaissance, les violations présentant un risque pour les droits et libertés des personnes à la CNIL (article 33) et, lorsque le risque est élevé, directement aux personnes concernées (article 34),

documenter, en interne, les violations de données personnelles, en indiquant les faits concernant la violation des données à caractère personnel, ses effets et les mesures prises pour y remédier.

Pour sa part, le sous-traitant doit notifier au responsable du traitement toute violation de données à caractère personnel dans les meilleurs délais après en avoir pris connaissance.

Dès lors, la situation diffèrera en fonction du rôle de chacun dans le traitement des données à caractère personnel (responsable de traitement, sous-traitant ou responsable conjoint de traitement). A titre d’illustration, les contrats conclus avec des sous-traitants contiennent généralement des dispositions relatives à la gestion des incidents et des données personnelles qui traitent de cette question en pratique.

Lorsque des manquements au RGPD ou à la loi sont portés à sa connaissance, la formation restreinte de la CNIL peut :

• Prononcer un rappel à l’ordre ;

• Enjoindre de mettre le traitement en conformité, y compris sous astreinte ;

• Limiter temporairement ou définitivement un traitement ;

• Suspendre les flux de données ;

• Ordonner de satisfaire aux demandes d’exercice des droits des personnes, y compris sous astreinte ;

• Prononcer une amende administrative.

Dans le cas du non-respect de l’obligation de notification, la formation restreinte de la CNIL peut condamner le responsable de traitement et/ou le sous-traitant à des amendes administratives pouvant s’élever jusqu’à 10 millions d’euros ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu.

Les avocats d’Alerion du Département Protection des données personnelles peuvent accompagner et assister leurs clients pour le respect de leurs obligations au titre de la mise en conformité au RGPD, plus particulièrement avec la réglementation sur les cookies et autres traceurs avant le 1er avril prochain.

Corinne Thiérache, Associée, et Alice Marie, Avocat du Département Droit des technologies et du numérique.

Condamnation de la société NESTOR pour prospection commerciale fondée sur l’intérêt légitime du responsable de traitement – Quels enseignements en tirer ?

Par une délibération du 8 décembre 2020, la CNIL réaffirme que l’intérêt légitime du responsable de traitement ne peut être une base légale aux opérations de prospection commerciale.

Des opérations de prospection commerciale litigieuses

Société spécialisée dans la préparation et la livraison de repas à destination d’employés de bureaux, la société NESTOR procédait, avec l’aide d’autres sociétés, à des collectes de données personnelles à partir du site internet d’un réseau social professionnel, afin de mener des opérations de prospection commerciale. Une première société établissait une liste de prospection contenant les noms et prénoms des prospects, grâce à un service proposé par la société gérant le réseau social professionnel qui collectait ces données. Une autre société enrichissait le fichier en ajoutant notamment l’adresse électronique professionnelle des prospects. Enfin, une dernière société envoyait les courriels de prospection pour le compte de la société NESTOR.

Saisie de plaintes, la CNIL a mené plusieurs missions de contrôle. La formation restreinte de la Commission a finalement condamné, le 8 décembre 2020, la société NESTOR à une amende administrative de 20 000 euros et a prononcé à son encontre une injonction, assortie d’une astreinte, de se mettre en conformité avec les obligations s’imposant à elle.

Les manquements reprochés

Le défaut de consentement préalable à la prospection

Cette amende fut tout d’abord prononcée en raison du manquement de la société NESTOR à l’article L. 34-5 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE). Cet article prohibe la prospection commerciale réalisée notamment au moyen de courriers électroniques envers une personne qui n’a pas exprimé préalablement son consentement à recevoir des prospections par ce moyen.

La société NESTOR avait mis en avant l’intérêt légitime du responsable du traitement ayant pour finalité la prospection commerciale des personnes. Elle précisait qu’il était vital pour elle d’acquérir une base de clients professionnels potentiels puisqu’elle avait pour ambition de devenir la société de référence en matière de livraison de déjeuners d’affaires dans les locaux professionnels des clients. Elle a ainsi indiqué dans un premier temps qu’elle n’avait pas à recueillir le consentement des personnes puisque les envois des courriels de prospection intervenaient strictement dans un cadre professionnel. Pourtant, l’article L. 34-5 du CPCE applicable en l’espèce n’écarte pas l’exigence du consentement préalable lorsque la prospection intervient dans un tel cadre.

Si la société NESTOR invoquait ainsi son propre intérêt, le caractère légitime ne s’apprécie pas au regard du seul intérêt du responsable du traitement. Ce dernier doit en effet être mis en balance avec le propre intérêt des personnes concernées par le traitement et doit prendre en compte leurs droits et libertés fondamentaux. De plus, des garanties doivent être offertes aux personnes concernées par le responsable du traitement afin de limiter les incidences injustifiées à leur encontre et modifier l’équilibre des droits et intérêts en cause. Il n’est pas indiqué si la société NESTOR avait en réalité bien pris en compte les intérêts et les droits et libertés fondamentaux des personnes concernées, ni mis en place des garanties renforcées, pour de cette manière prendre toute la mesure des obligations induites par le choix de l’intérêt légitime comme base légale.

En réponse au rapport de sanction, la société NESTOR a ensuite affirmé qu’elle s’assurait que les personnes concernées consentaient à l’utilisation de leurs données personnelles à des fins de ciblage publicitaire. En effet, la politique de confidentialité de la société gérant le réseau social professionnel à partir duquel les données à caractère personnel étaient collectées prévoyait que les données personnelles de ses membres pouvaient faire l’objet d’une communication à des annonceurs. Dès lors, puisque cette société agissait au nom et pour le compte de la société NESTOR, cette dernière pouvait se prévaloir du consentement ainsi recueilli pour son compte par la société gérant le réseau social.

La CNIL a quant à elle considéré que les messages de prospection commerciale n’avaient que peu de lien avec l’activité professionnelle des prospects, que ces derniers n’avaient pas été informés de la collecte de leurs données personnelles par la société NESTOR et que les opérations de prospection avaient été effectuées sans que leur consentement préalable n’ait été recueilli par la société NESTOR.

De plus, la prospection commerciale litigieuse entrant dans le champ d’application de l’article L. 34-5 alinéa 1 du CPCE, elle a retenu que la base légale spécifique prévue par cet alinéa, à savoir le consentement, devait s’appliquer, de sorte que l’intérêt légitime de la société NESTOR ne pouvait être retenu. Or cette dernière n’avait pas recueilli le consentement préalable, libre, spécifique et informé des personnes concernées à recevoir des courriers électroniques de prospection.

Le considérant 47 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) énonce pourtant que «Le traitement de données à caractère personnel à des fins de prospection peut être considéré comme étant réalisé pour répondre à un intérêt légitime ».

Le considérant 47 du RGPD ne fournit toutefois pas plus de précisions sur les conditions permettant de fonder un traitement de données à caractère personnel sur l’intérêt légitime dans le cadre d’opérations de prospection commerciale. De plus, le recours à l’intérêt légitime comme base légale pour un traitement de données à caractère personnel pour réaliser des opérations de prospection commerciale n’apparaît que comme une simple possibilité. En réalité, l’alinéa 4 de l’article L. 34-5 du CPCE prévoit qu’en cas de prospection à l’égard de clients pour la vente de produits ou de fourniture de services analogues à ceux qui leur avaient été précédemment fournis, la prospection directe par courrier électronique est autorisée si notamment le destinataire se voit offrir la possibilité de s’y opposer. Ce qui peut s’apparenter au recours à l’intérêt légitime sous réserve d’avoir procédé à la balance des intérêts en présence.

Cette délibération illustre néanmoins la difficulté de recourir à l’intérêt légitime pour fonder un traitement de données à caractère personnel voire l’impossibilité en cas de prospection à l’égard de simples prospects.

En outre, la CNIL a constaté un autre manquement à l’article L. 34-5 du CPCE car la société NES-TOR n’avait mis en place, lors de la création d’un compte sur son site web ou son application, aucun procédé visant à recueillir le consentement des personnes à la collecte et au traitement de leurs données à des fins de prospection commerciale par courriers électroniques. Toutefois, la société NESTOR ayant inséré au cours de la procédure un mode d’obtention du consentement sur son site internet et son application, la CNIL a considéré qu’elle s’était complètement mise en conformité avec cet article à la date de clôture de l’instruction.

L’analyse ne devrait pas être différente avec l’adoption du règlement « vie privée et communications électroniques » (dit « règlement e-Privacy ») abrogeant la directive 2002/58/CE. En effet, la dernière version du projet de règlement présentée le 10 février 2021 énonce en son article 16 paragraphe 1 qu’il est fait interdiction aux personnes physiques ou morales d’utiliser des services de communications électroniques pour l’envoi de communications de prospection directe aux utilisateurs finaux personnes physiques à moins qu’ils n’aient donné leur consentement préalable. Aux termes de ce texte, le consentement des personnes concernées apparaît donc toujours comme une condition nécessaire à la réalisation d’opérations de prospection au moyen de services de communications électroniques. Le paragraphe 2 de ce même article accorde toutefois la possibilité d’utiliser les coordonnées électroniques d’utilisateurs finaux clients à des fins de prospection directe pour des produits et services analogues à ceux précédemment délivrés, à la condition notamment que le destinataire se voit offrir la possibilité de s’y opposer.

Une information insuffisante

Des manquements aux articles 12 et 13 du RGPD étaient également reprochés à la société NES-TOR. Ce premier impose notamment au responsable du traitement de fournir aux personnes concernées toute information visée aux articles 13 et 14 du RGPD. Le second lui impose de fournir, au moment de la collecte, diverses informations telles que son identité et ses coordonnées, les finalités du traitement et sa base juridique, les destinataires ou les catégories de destinataires des données à caractère personnel, le cas échéant les transferts de données à caractère personnel, la durée de conservation des données à caractère personnel, les droits dont bénéficient les personnes ainsi que le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Considérant que certaines de ces informations n’étaient pas fournies aux personnes concernées, la formation restreinte a constaté un manquement aux articles du RGPD précités, tout en remarquant que la société NESTOR s’était mise en conformité à la clôture de l’instruction. En effet, la politique de confidentialité contenait alors l’intégralité des informations exigées par l’article 13 du RGPD et était accessible via un lien lors de l’inscription.

Un droit d’accès non respecté

De plus, l’article 15 du RGPD dispose que la personne concernée dispose du droit d’obtenir du responsable de traitement l’accès aux données à caractère personnel la concernant. Or, la formation restreinte de la CNIL a considéré que la société NESTOR n’avait pas convenablement fait droit aux demandes d’accès qui lui avaient été faites par deux personnes et qu’à la date de la clôture de l’instruction, elle ne s’était toujours pas mise en conformité.

Une robustesse insuffisante des mots de passe

Si la formation restreinte a constaté un manquement à l’article 32 du RGPD portant obligation d’assurer la sécurité des données à caractère personnel, caractérisé par la robustesse trop faible des mots de passe admis lors des créations de comptes, elle ne prononça pas d’injonction à cet égard en raison de la mise à jour par la société NESTOR des mesures relatives à la gestion des mots de passe de connexion aux comptes des utilisateurs.

Les mesures prises par la CNIL

Outre une amende administrative de 20.000 euros, la CNIL a prononcé à l’encontre de la société NESTOR une injonction de se mettre en conformité avec les obligations résultant des articles L. 34-5 du CPCE et 15 du RGPD. Plus précisément, en raison du manquement à l’article L. 34-5 du CPCE, il lui fut enjoint de justifier de la suppression de l’ensemble des données à caractère personnel antérieurement collectées sans le consentement des prospects. Du fait du manquement à l’obligation de respecter le droit d’accès, prévu à l’article 15 du RGPD, il lui fut enjoint de satisfaire pleinement aux demandes de droits d’accès en communiquant aux demandeurs l’ensemble de leurs données à caractère personnel, de même que les informations relatives à la source d’où proviennent leurs données. Cette injonction était assortie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard.

A l’occasion de cette affaire, la CNIL a pu ainsi entrer en voie de condamnation, en rappelant qu’elle dispose du pouvoir de sanctionner, sans mise en demeure préalable, un responsable de traitement dont les manquements aux obligations qui lui incombent ne sont pas susceptibles d’être régularisés, soit (i) qu’ils soient insusceptibles de l’être, soit (ii) qu’il y ait déjà été remédié, écartant ainsi l’argumentaire de défense de la société NESTOR selon lequel seuls des manquements persistants peuvent donner lieu au prononcé de sanctions.

Cette nouvelle décision de la CNIL ne manquera pas de provoquer une nouvelle fois des adaptations nécessaires chez certaines entreprises qui avaient tendance à prendre trop de libertés dans le cadre de leurs prospections commerciales.

Corinne Thiérache, Associée du Département IP/IT d’Alerion avec les remerciements à Baptiste Piljan, Stagiaire du Département IP/IT.

CNIL : avez-vous déjà fait le nécessaire ?

• Incendie d’OVH : notification d’une violation de données personnelles

Cinq jours après l’incendie qui a ravagé une grande partie du datacenter de la société OVH à Strasbourg, de très nombreux acteurs de l’univers numérique français et européen ont été touchés. Cet incident arrive au moment même où le leader français de l’hébergement de sites internet et spécialiste du Cloud envisageait une introduction en bourse.

Dans le cas où des données personnelles que vous traitiez ont été perdues ou endommagées lors de cet incident, nous vous invitons à vous poser rapidement la question de savoir si vous avez également à notifier la violation à la CNIL avant la fin du délai de 72h, par le biais de son téléservice, en raison notamment du fait que cette violation présente un risque pour les droits et libertés des personnes concernées.

• 31 mars 2021 : date limite de la mise en conformité en matière de cookies

Pour mémoire, le délai raisonnable pour mettre en conformité les sites web et applications mobiles aux nouvelles règles en matière de cookies contenues dans les lignes directrices et la recommandation de la CNIL publiées le 1er octobre 2020 ne saurait excéder le 31 mars 2021.

Compte tenu de ce calendrier, la CNIL a indiqué qu’elle procédera à des contrôles formels à compter du mois d’avril 2021 et qu’elle prononcera des sanctions en cas de non-conformité. A cet égard, elle invite vivement les acteurs à procéder à un audit des cookies et traceurs utilisés afin, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour respecter les exigences de la réglementation.

Les avocats d’Alerion du Département Protection des données personnelles peuvent accompagner et assister leurs clients dans le respect de leurs obligations vis-à-vis de la CNIL.

Corinne Thiérache, Associée, et Alice Marie, Avocat du Département Droit des technologies et du numérique.

Cookies et publicité ciblée : l’étau se resserre autour des géants du Web

• Le Conseil d’Etat confirme la légalité de la sanction infligée à Google par la CNIL

Dans une décision prononcée le 4 mars 2021, le Juge des référés du Conseil d’État a rejeté la requête introduite par les sociétés Google LLC et Google Ireland Limited visant à obtenir la suspension de l’exécution de la délibération de la formation restreinte de la CNIL du 7 décembre 2020. Pour mémoire, une amende record de 100 millions d’euros avait été prononcée à leur encontre à la suite de manquements constatés notamment à leurs obligations de recueil du consentement et d’information préalables au dépôt de cookies publicitaires.

En particulier, les requérantes contestaient la compétence de la CNIL pour édicter une injonction, en raison du mécanisme du guichet unique prévu par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Dès lors, selon les requérantes, l’autorité de contrôle compétente aurait dû être l’autorité irlandaise, la société Google Ireland Limited étant l’établissement principal de Google en Europe. La CNIL aurait ainsi commis une erreur de droit et de qualification juridique, créant un doute sérieux sur la légalité de la décision.

Pour justifier le rejet de la requête après avoir entendu les parties lors d’une audience publique le 11 février 2021, le Conseil d’État a jugé que :

« les conditions de recueil du consentement de l’utilisateur prévues par le règlement du 27 avril 2016 sont applicables aux opérations de lecture et d’écriture dans le terminal d’un utilisateur. Ces dispositions ne prévoient pas, en revanche, l’application du mécanisme dit du guichet unique prévu à l’article 56* de ce règlement aux mesures de mise en œuvre et de contrôle de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 qui relèvent de la compétence des États membres en application des dispositions de l’article 15 bis de cette directive. L’existence de ces dispositions spécifiques fait obstacle à ce que les dispositions du règlement du 27 avril 2016 sur le mécanisme du guichet unique puissent s’appliquer. »

Le Conseil d’État ne s’est donc pas prononcé sur le reste des arguments des requérants qui justifiaient l’urgence de la décision.

• Google confirme officiellement la suppression future des cookies tiers

Hasard du calendrier, Google a annoncé sur son blog le 3 mars dernier que les cookies tiers seront officiellement supprimés d’ici à deux ans et remplacés par de nouveaux outils. Parmi eux, la plateforme Federated Learning of Cohorts (FLoC), actuellement en développement, vise à supprimer les identifiants individuels en ciblant des groupes de personnes ayant des intérêts communs.

Ce changement sera à surveiller avec attention car il risque de donner un avantage certain aux GAFAM qui ont, par définition, accès à des informations qui leur permettent, en les croisant, de cerner les groupes de personnes ayant des intérêts communs grâce à leurs services (moteur de recherche, réseaux sociaux, applications diverses, etc.) sans passer par les cookies.

Ce mouvement de recherche de solutions alternatives aux cookies appelées également des solutions « cookieless » remet d’actualité pour d’autres acteurs, éditeurs de sites ou d’applications mobiles, la publicité contextuelle qui permettrait de s’affranchir de la nécessité de recueillir le consentement des utilisateurs pour la dépose des cookies.

• Une plainte déposée contre Apple devant la CNIL

Preuve que la contestation de certains comportements des grands acteurs du numérique est au cœur de l’actualité, l’association France Digitale annonce avoir déposé mardi 9 mars 2021 une plainte contre Apple devant la CNIL.

France Digitale, qui représente plus de 1800 start-up et investisseurs dans le numérique, estime que l’entreprise américaine viole le RGPD en imposant de la publicité ciblée aux utilisateurs sans leur consentement via une activation « par défaut » du ciblage publicitaire depuis la mise à jour iOS 14. La réponse de la CNIL devra dès lors être suivie de très près.

Cette plainte s’ajoute aux autres accusations dont Apple fait l’objet en Europe : en novembre 2020, l’association de protection des droits numériques None of your business (NOYB), présidée par le militant Max Schrems, a déposé deux plaintes devant les autorités de régulation allemande et espagnole. Elle accuse Apple de violer la législation européenne avec l’Apple’s Identifier for Advertisers (IDFA), sorte de « code de suivi » permettant à Apple ainsi qu’à toutes les applications du téléphone de suivre un utilisateur sans son consentement et de combiner des informations sur son comportement.

Cette actualité devrait donc inciter encore davantage l’ensemble des acteurs concernés à se mettre en conformité avec la réglementation sur les cookies et la publicité ciblée sans délai. Ceci est d’autant plus urgent que des groupes et associations veillent à ce qu’une situation de « deux-poids deux-mesures » ne s’installe pas sur le marché de la publicité en ligne au profit des géants du Web… Pour rappel, les acteurs ont jusqu’au 31 mars 2021 pour se mettre en conformité avec les lignes directrices et la recommandation concernant les cookies et autres traceurs publiées le 1er octobre 2020.

Corinne Thiérache, Associée, et Alice Marie, Avocat du Département Droit des technologies et du numérique.

Restructurations : Les leçons à tirer du dossier BVA

La Cour d’appel de Toulouse a statué le 13 janvier 2021, dans un arrêt riche d’enseignement, sur l’issue du redressement judiciaire de la société BVA.

Contexte – Cette affaire a été le théâtre d’une féroce concurrence pour la reprise des actifs de la société (et de ceux de trois autres entités du groupe) entre les différents candidats, au rang desquels figuraient (i) Alcentra, un créancier important du groupe (ayant accordé en 2017 un financement unitranche de 140 000 000 EUR), dont l’offre avait été choisie en première instance et (ii) les dirigeants actuels et les principaux actionnaires du groupe, qui avaient présenté leur propre offre de reprise par l’intermédiaire d’un véhicule ad hoc nommé XPage et dont l’offre a finalement eu la préférence de la Cour d’Appel de Toulouse.

• Il est assez inhabituel de voir des créanciers présenter des offres de reprise dans le cadre d’une procédure collective, d’autant plus qu’ils ne sont pas autorisés à réaliser une compensation entre le prix qu’ils proposent pour la reprise et les créances qu’ils ont déclarées au passif de la société. Il est plus fréquent de voir les prêteurs prendre le contrôle de la société à un stade précoce des difficultés financières, par un debt-to-equity swap (conversion de la dette en capital).

• Il est également peu fréquent de voir des dirigeants être autorisés à présenter une offre de reprise sur les actifs de leur société. Le Code de commerce le leur interdit expressément, sauf s’ils obtiennent une autorisation spécifique du tribunal qui ne peut être accordée que sur requête du ministère public (cette règle a été temporairement modifiée pendant la crise Covid, jusqu’au 31 décembre 2020, afin que les dirigeants eux-mêmes ou l’administrateur judiciaire soient autorisés à présenter cette requête).

Jugement de première instance – Par une décision en date du 15 septembre 2020, le Tribunal de Commerce de Toulouse avait retenu l’offre de reprise de Alcentra. Il est intéressant de noter que dans le cadre du redressement judiciaire de BVA, en juillet 2020, Alcentra avait déjà pris le contrôle de certains actifs américains du groupe, en réalisant les sûretés dont elle bénéficiait.

• L’hypothèse d’une infirmation en appel pouvait paraître a priori peu probable, car le droit d’interjeter appel d’une décision approuvant une offre de reprise est très restreint par la loi et doit être exercé dans les dix jours suivant la décision. Les repreneurs non retenus, tels que XPage en l’espèce, ne peuvent interjeter appel.

Appel du ministère public – Pourtant, de manière assez exceptionnelle, le Ministère Public a décidé d’interjeter appel de cette décision.

• Le fait que l’appel ait été interjeté par le Ministère Public est crucial, car un appel interjeté par une autre partie n’aurait pas suspendu l’exécution de cette décision, et Alcentra serait immédiatement entrée en jouissance de l’entreprise jusqu’à la décision de la Cour d’Appel.

Appel de BVA – BVA a également interjeté appel.

• L’appel du ministère public a finalement été déclaré irrecevable (en raison d’une faille procédurale) mais la Cour d’Appel de Toulouse est néanmoins restée en mesure de statuer sur l’affaire en raison de l’appel interjeté par BVA elle-même.

Arrêt d’appel – La Cour d’Appel de Toulouse a finalement infirmé le jugement de première instance et retenu l’offre de XPage, aux motifs qu’ (i) elle bénéficiait du soutien des salariés du groupe et que (ii) la gouvernance qu’Alcentra prévoyait de mettre en place serait potentiellement préjudiciable à l’ancrage français du groupe et au maintien des emplois en France. La Cour d’appel de Toulouse a également considéré que l’offre de XPage était supérieure à celle d’Alcentra en termes de prix de cession.

• Au-delà des aspects purement juridiques de l’affaire, cette décision constitue un nouvel exemple de la tendance actuelle à l’interventionnisme des pouvoirs publics français dans les situations où l’acquisition d’une entreprise française importante est envisagée par des investisseurs étrangers ; en particulier dans un contexte où les entreprises françaises sont affaiblies par la crise Covid.

Gilles Podeur, Associé, Louis Renucci, Avocat et Yann Aubert, Elève-avocat en Restructuring et Procédures collectives.

Loi de finances 2021

Les lois de finances sont traditionnellement l’expression de la volonté politique du Gouvernement. La loi de finances pour 2021 ne déroge pas à cette règle et témoigne des difficultés auxquelles doit faire face le Gouvernement : pas de grandes annonces, des mesures techniques pour certaines issues du droit communautaire et bien évidemment des mesures destinées à favoriser la relance.

Impôts sur les sociétés

Crédit d’impôt en faveur des bailleurs

La loi de finances pour 2021 instaure un crédit d’impôt en faveur des bailleurs (personne physique ou personne morale) qui abandonneraient, avant le 31 décembre 2021, les loyers dus au titre du mois de novembre 2020.

Ce crédit d’impôt est accordé en contrepartie des abandons de loyers consentis au profit d’un locataire qui :

• Emploie moins de 5.000 salariés (il est tenu compte de l’ensemble des salariés des entités liées lorsque l’entreprise locataire contrôle ou est contrôlée par une autre personne morale) ;

• Loue des locaux qui font l’objet d’une interdiction d’accueil du public à la suite du second confinement (30 octobre 2020) ou qui exerce son activité dans les domaines de l’hôtellerie, la restauration ou la culture et l’évènementiel ;

• N’étaient pas en difficulté au 31 décembre 2019 ;

• N’étaient pas en liquidation judiciaire au 1er mars 2020.

Il est égal à :

• 50 % des sommes abandonnées, lorsque le locataire emploie moins de 250 salariés ;

• 50 % des sommes abandonnées, dans la limite des deux tiers du montant du loyer, lorsque le locataire emploie entre 250 et 5 000 salariés.

Le montant du crédit d’impôt ne peut pas excéder 800.000 euros par locataire.

Le crédit d’impôt s’impute sur l’impôt sur les sociétés ou sur l’impôt sur le revenu dû par le bailleur au titre de l’exercice ou de l’année au cours duquel les abandons ou renonciations définitifs de loyers ont été consentis. Si le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de cet exercice/année, l’excédent est restitué.

Pour bénéficier du crédit d’impôt, les bailleurs devront déposer une déclaration conforme à un modèle établi par l’administration dans les mêmes délais que la déclaration annuelle d’impôt sur les sociétés.

En parallèle de ce dispositif, le législateur a prorogé, jusqu’au 30 juin 2021, les mesures, instaurées par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, autorisant la déduction des abandons de loyers.

Conséquences fiscales de la réévaluation libre des actifs

La loi de finances pour 2021 introduit un régime de différé des conséquences fiscales de la réévaluation des actifs au bilan d’une entreprise.

Ce dispositif temporaire est applicable sur option aux opérations de réévaluation réalisées au cours des exercices clos entre le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2022.

Les opérations de réévaluation d’actifs entraînent en principe l’imposition immédiate des plus-values latentes résultant de l’accroissement de valeur des actifs.

L’imposition des plus-values peut désormais être différée selon les modalités suivantes :

Pour les immobilisations amortissables, l’écart de réévaluation est réintégré dans le résultat imposable de la société par fractions égales sur 15 ans pour les constructions et sur 5 ans pour les autres immobilisations.

Pour les immobilisations non-amortissables, l’écart de réévaluation est placé en sursis d’imposition jusqu’à la cession ultérieure de l’actif concerné par l’entreprise.

Ce dispositif temporaire vise à encourager les entreprises à réévaluer leurs actifs afin d’accroître leurs capacités de financement en offrant une image plus fidèle de leur patrimoine.

Taux réduit d’IS en faveur des PME

La loi de finances pour 2021 étend le champ d’application du taux réduit d’impôt sur les sociétés pour les PME.

Le taux réduit d’impôt sur les sociétés, jusqu’alors réservé aux entreprises dont le chiffre d’affaires était strictement inférieur à 7.630.000 euros HT, voit son champ d’application étendu aux sociétés réalisant un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 10.000.000 euros HT pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021.

Nous rappelons que le taux réduit est de 15 % et qu’il n’est applicable que dans la limite de 38.120 euros de bénéfices imposables par exercice.

Pour mémoire, le taux de droit commun d’impôt sur les sociétés passe à compter du 1er janvier 2021 à 26,5% (27,5% pour les sociétés dont le CA dépasse 250M€).

Etalement de la plus-value réalisée sur les opérations de lease back d’immeubles par les entreprises

La loi de finances pour 2021 rétablit un dispositif qui avait été mis en œuvre entre 2009 et 2012 et qui a pour objet de permettre aux entreprises de dégager de la trésorerie en facilitant le refinancement des actifs immobiliers dont elles sont propriétaires.

L’opération visée est celle par laquelle une entreprise cède un immeuble qu’elle détient à une société de crédit-bail, recevant ainsi la trésorerie correspondant à la valeur de l’immeuble, tout en récupérant immédiatement la jouissance de l’immeuble par un contrat de crédit-bail qui lui permettra, à terme, d’en redevenir propriétaire (opération de lease back).

Le régime optionnel prévu par la loi de finances pour 2021 permet à l’entreprise d’étaler l’imposition de la plus-value dégagée lors de la cession de l’immeuble, ceci afin que la trésorerie dégagée par l’opération ne soit pas immédiatement diminuée du montant de l’impôt sur la plus-value.

Ce régime d’étalement s’applique aux contribuables dont les résultats sont soumis à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) ou des bénéfices agricoles (BA).

Contrairement au dispositif qui avait mis en place à la fin des années 2000, le législateur a prévu des restrictions quant au type d’immeuble pouvant bénéficier du dispositif.

Ainsi, la cession doit porter sur un immeuble bâti ou non bâti affecté par le crédit preneur à son activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale. Les immeubles de placement (immobilier locatif) sont donc exclus du dispositif.

Toutefois, cette restriction relative aux immeubles donnés en location ne s’applique pas si l’immeuble est loué par le crédit preneur à une société avec laquelle il entretient des liens de dépendance (détention de l’une par l’autre ou détention par une holding commune). Cette exception permet de faire bénéficier du dispositif les groupes dans lesquels les immeubles d’exploitation sont regroupés au sein d’une structure qui les loue aux autres sociétés du groupe.

Le cessionnaire doit nécessairement être une société de crédit-bail et l’entreprise doit immédiatement récupérer la jouissance de l’immeuble dans le cadre d’un contrat de crédit-bail.

L’imposition de la plus-value, déterminée dans les conditions de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu selon le régime applicable au cédant, peut être étalée sur la durée du contrat de crédit-bail sans que la durée d’étalement ne puisse excéder 15 ans.

Il est obligatoirement mis fin à l’étalement, ce qui rend le solde de la plus-value imposable, lorsque l’entreprise rachète l’immeuble ou en cas de résiliation ou de cession du contrat de crédit-bail.

Le régime d’étalement s’applique aux immeubles pour lesquels un accord de financement est accepté par le crédit-preneur à compter du 28 septembre 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022 et dont la cession à la société de crédit-bail intervient entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2023.

Crédit d’impôt recherche et sous-traitance « publique »

La loi de finances pour 2021 harmonise les modalités de prise en compte des dépenses relatives à des opérations de recherches confiées à des organismes externes.

En principe, les entreprises peuvent prendre en compte dans l’assiette du Crédit d’impôt recherche (« CIR ») les dépenses de recherches confiées aux organismes publics ou privés agréés (CGI art. 244 quater).

Les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de recherche confiées aux organismes publics et assimilés étaient retenues dans l’assiette du CIR pour le double de leur montant. En outre, l’ensemble des dépenses de recherche confiées aux organismes publics comme privés agréés, ne sont prises en compte par l’entreprise donneuse d’ordre dans l’assiette du CIR que dans la limite de 10 millions d’euros par an en l’absence de lien de dépendance entre le donneur d’ordre et le sous-traitant. Ce plafond était majoré de 2 millions d’euros à raison des opérations relevant de la sous-traitance publique.

Dans un souci d’harmonisation des modalités de prise en compte des dépenses relatives à des opérations de recherche confiées à des organismes tiers, publics ou privés, la loi de finances supprime pour les dépenses exposées à compter du 1er janvier 2022, le régime propre à la sous-traitance « publique » entrainant la disparition du doublement de l’assiette du CIR et de la majoration du plafonnement global.

Ce mécanisme avait fait l’objet de critiques par la Cour des comptes en 2013 et d’une plainte formelle présentée à la Commission européenne le 1er octobre 2019 dans la mesure où le doublement d’assiette était de nature à créer une distorsion entre les organismes éligibles à la sous-traitance « publique » et les autres opérateurs.

Intégration fiscale et extension du mécanisme d’imputation sur une base élargie

La loi de finances pour 2021 étend le dispositif d’imputation du déficit sur une base élargie applicable en cas d’opérations de restructurations dans les groupes fiscalement intégrés.

Les opérations de restructuration (absorption, scission, prise de contrôle à plus de 95%) qui affectent la société mère d’un groupe d’intégration fiscale entraine la cessation du groupe d’intégration. Le déficit d’ensemble peut être transféré à la nouvelle société mère, sous réserve de faire une demande d’agrément, ou être conservé par l’ancienne société mère. Ce déficit devient imputable sur les seuls résultats propres de la société mère. Toutefois, par exception, le mécanisme de la base élargie autorise l’imputation du déficit d’ensemble sur les résultats des filiales, ayant contribué à ce déficit, qui rejoindraient le nouveau groupe.

La loi de finances permet d’imputer sur une base élargie la fraction du déficit d’ensemble de l’ancien groupe correspondant au déficit des sociétés qui ont été absorbées ou scindées, avant la cessation du groupe, par une société membre de l’ancien groupe qui rejoindrait le nouveau groupe.

La fusion ou la scission doit être placée sous le régime de faveur prévu par l’article 210 A du CGI et la société absorbante ou bénéficiaire des apports doit être retenue dans le périmètre de la base élargie.

Cette nouvelle mesure s’applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2020.

Taxe sur la valeur ajoutée

Création d’un régime de groupe TVA

Les assujettis établis en France, quel que soit le secteur économique, pourront constituer un groupe de TVA à compter du 1er janvier 2023 dès lors qu’ils ont entre eux des liens étroits sur le plan financier, économique et de l’organisation.

Ce groupe de TVA agira à l’égard des tiers comme un assujetti unique, identifié par un numéro individuel d’identification à la TVA, chargé de souscrire les déclarations de TVA au titre de toutes les opérations réalisées par l’ensemble des membres avec des tiers, et de payer la TVA correspondante.

Chaque membre du groupe perdra sa qualité d’assujetti à la TVA, tout en conservant son numéro d’identification à la TVA. Les membres du groupe devront continuer à respecter leurs obligations comptables. Ils resteront tenus solidairement avec l’assujetti unique du paiement de la TVA et des majorations, en proportion des droits et pénalités dont ils seraient redevables en l’absence d’option.

Chaque membre du groupe constituera un secteur d’activité distinct de l’assujetti unique, les opérations entre entités du groupe étant traitées comme des opérations internes sans incidence pour l’application de la TVA.

Pour plus de détails, nous renvoyons à notre newsletter du mois d’octobre 2020.

Facturation électronique

La loi de finances pour 2021 prévoit une mise en place progressive de la facturation électronique pour toutes les entreprises entre 2023 et 2025.

La facturation électronique est actuellement facultative (sauf entre personnes publiques et fournisseurs) et la mise à disposition de facture électronique est soumise à l’acceptation du destinataire.

Ce nouveau texte autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de :

• généraliser le recours à la facturation électronique ;

• instituer une obligation de transmission dématérialisée à l’administration d’informations relatives aux opérations réalisées par des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée qui ne sont pas issues des factures électroniques.

Cette habilitation permettrait au Gouvernement de mettre en place progressivement :

• à compter de 2023, une obligation de réception des factures électroniques ;

• entre 2023 et 2025, selon la taille des entreprises, une obligation d’émission des factures sous format électronique et de transmission des données sous le même format : (i) dès 2023 pour les grandes entreprises, (ii) à compter 2024 pour les entreprises de taille intermédiaire, (iii) à compter de 2025 pour les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises.

L’ordonnance doit être prise dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi.

Mesures concernant la rémunération des personnes physiques

Imputation des moins-values résultant d’une réduction totale de capital

La loi de finances pour 2021 étend la possibilité d’imputer les pertes résultant d’une annulation de titres aux hypothèses de réduction totale du capital visant à reconstituer les capitaux propres de la société.

Tirant les conséquences d’une décision rendue le 22 novembre 2019 par le Conseil d’Etat (n°431867), ce texte ajoute une nouvelle hypothèse d’imputation des pertes résultant d’une annulation des titres d’une société lorsque celle-ci intervient dans le cadre d’une réduction totale du capital de la société en application de la procédure prévue par les articles L. 223-42 et L. 225-248 du code de commerce.

Le Conseil d’Etat avait en effet jugé que l’impossibilité d’imputer les pertes constatées dans ces opérations, alors qu’en revanche l’imputation des pertes est autorisée en cas d’annulation dans le cadre d’une procédure collective, instituait une différence de traitement non justifiée portant atteinte à la Convention européenne des droits de l’Homme.

En l’absence de précision, ces dispositions sont applicables aux moins-values réalisées depuis le 1er janvier 2020. S’agissant des pertes réalisées à une date antérieure, une réclamation fondée sur la décision du Conseil d’Etat précédemment évoquée peut être déposée par les contribuables concernées dans la limite du délai de réclamation.

Exonération de contribution patronale sur les AGA

La loi de finances pour 2021 prévoit une extension de l’exonération de la contribution patronale sur les AGA aux ETI qui était déjà applicable pour les PME.

Pour bénéficier de cette exonération, la société devra (i) employer moins de 5.000 salariés, (ii) disposer d’un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 milliard d’euros ou disposer d’un total bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros et (iii) ne jamais avoir versé de dividendes depuis sa création. A l’exception de la condition (iii), ces données sont appréciées au niveau de la société qui attribue les AGA en intégrant les données des sociétés qui lui sont liées.

La valeur des actions gratuites attribuées par bénéficiaire ne doit pas dépasser le plafond annuel de la sécurité sociale (soit 41.136 euros pour l’année 2020). Cette limite s’apprécie en faisant masse des actions gratuites dont l’acquisition est intervenue pendant l’année en cours et les trois années précédentes. Si la valeur des actions attribuées dépasse ce plafond, l’exonération est perdue en totalité.

Cette exonération ne concerne que les attributions d’actions gratuites autorisées par une assemblée générale extraordinaire intervenue à compter du 1er janvier 2021.

Retenue à la source sur les salaires, pensions et rentes viagères des non-résidents

La loi de finances pour 2021 abroge les mesures prises par le législateur dans la loi de finances pour 2019 (article 13 : suppression du barème d’imposition à trois tranches et retenue à la source non libératoire) et la loi de finances pour 2020 (Article 12 : report des mesures instaurées par la LF2019) sur le régime de la retenue à la source sur les salaires, pensions et rentes viagères des non-résidents.

La loi de finances pour 2021 prévoit donc le maintien du barème de la retenue à la source (0%, 12% et 20%). Seules les tranches du barème ont été revalorisées. La retenue à la source reste partiellement libératoire de l’impôt sur le revenu.

Taxes locales

Révision de l’évaluation comptable des établissements industriels

La loi de finances pour 2021 diminue de moitié les taux d’intérêts servant à la détermination de la valeur locative comptable des établissements industriels.

En l’état actuel du droit, la valeur locative des établissements industriels, servant de base au calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises, est évaluée dans la plupart des cas selon une méthode spécifique dite « comptable ». Dans le cadre de cette méthode « comptable », la valeur locative est calculée à partir du prix de revient des éléments des immobilisations industrielles auquel est appliqué différents taux dits « d’intérêt » :

• 8% pour les sols et les terrains ;

• 12% pour les constructions et les installations.

Des correctifs sont applicables en fonction de la nature et de la date d’acquisition des biens.

Afin d’alléger l’imposition des établissements industriels, l’article 29 de la loi de finances pour 2021 diminue de moitié les taux d’intérêt applicables en les ramenant à :

• 4% pour les sols et les terrains ;

• 6% pour les constructions et les installations.

Cette réduction de moitié des valeurs locatives des locaux industriels s’appliquera aux impositions établies à compter de 2021. Les contribuables peuvent anticiper l’application des nouveaux taux d’intérêts en réduisant le montant de leurs acomptes ou prélèvement mensuels.

A noter que pour les locaux industriels bénéficiant du mécanisme de lissage en cas de variation de plus de 30% de la valeur locative consécutive à un changement de méthode d’évaluation d’un bâtiment ou terrain industriel ou à un changement d’affectation d’un local industriel nouvellement affecté à une activité professionnelle et inversement, le lissage est recalculé, pour les années restant à courir, eu égard à l’allègement de la valeur locative comptable à compter de l’année 2021.

Retrouvez ici la version imprimable de notre newsletter.

La Grèce, un nouvel eldorado fiscal européen ?

Dans la liste des pays européens attractifs fiscalement, la Grèce n’est pas le premier à venir à l’esprit. En témoigne son barème d’imposition à l’impôt sur le revenu, aux taux élevés et à la progressivité rapide : 22 % pour la tranche de revenus entre 10.000 et 20.000 €, 28 % pour la tranche de revenus entre 20.001 et 30.000 €, 36 % pour la tranche de revenus entre 30.001 et 40.000 €, et 44 % pour les revenus supérieurs à 40.000 €, auquel s’ajoute une contribution fiscale de solidarité dont le taux est progressif et atteint 10% au-delà de 220.000 €.

Pour autant, la Grèce a décidé d’instaurer des mesures incitatives en faveur des personnes non domiciliées fiscalement sur son territoire et s’engageant à y résider, à l’instar du Portugal ou de l’Italie.

Ces dispositifs viennent renforcer l’arsenal grec qui connaissait déjà des mesures fiscales favorables. On peut citer par exemple des droits de succession relativement faibles (taux allant de 0 à 5 % pour les premiers 600.000 € pour les successions entre parents et enfants et petits-enfants, puis 10 % au-delà, contre un taux marginal de droits de succession de 45 % en France) et une absence d’impôt sur la fortune. Les revenus financiers sont également faiblement taxés : 5% pour les dividendes, 15% pour les intérêts et plus-values sur titres, à l’exception des plus-values boursières qui sont totalement exonérées si le cédant détient moins de 0,5% du capital de la société cotée. Ces revenus sont toutefois soumis également à la contribution fiscale de solidarité.

Ainsi, en l’espace d’un an, ce ne sont pas moins de trois régimes incitatifs en faveur des impatriés que le pays a instaurés.

Tour d’horizon sur les différents régimes mis en place récemment.

Le régime de faveur envers les bénéficiaires de pensions de retraite

Entré en vigueur le 31 juillet 2020, ce dispositif permet aux bénéficiaires d’une pension de retraite d’un pays autre que la Grèce d’être imposés, sur ladite pension et tous leurs autres revenus de source étrangère, à un taux forfaitaire de 7%, tout en étant exonérés de la contribution fiscale de solidarité et ce, pendant une durée totale de 15 ans. En revanche, les droits de donation et de succession relatifs aux biens détenus à l’étranger et les revenus de source grecque ne sont pas couverts par ce dispositif.

Pour être éligible à ce régime, il faut :

– Percevoir une pension de retraite de l’étranger ;

– Ne pas avoir été résident fiscal grec pendant au moins 5 ans sur les 6 années précédant le transfert du domicile fiscal en Grèce ;

– Transférer sa résidence fiscale en provenance d’un pays ayant conclu avec la Grèce une convention d’assistance administrative en matière fiscale.

Pour bénéficier de ce dispositif, la demande doit être adressée à l’administration grecque avant le 31 mars de l’année au titre de laquelle l’application du régime est sollicitée pour la première fois. L’impôt forfaitaire de 7% doit ensuite être payé chaque année, en un unique versement, au plus tard le dernier jour ouvrable de juillet.

Le régime en faveur des personnes disposant d’un patrimoine important

Si le dispositif précédent visait spécifiquement les titulaires de pensions de retraite (« high-net-worth pensioners »), celui présenté ci-dessous est destiné plus généralement à toute personne disposant d’un patrimoine important (« high-net-worth individuals »).

Ce régime permet, pendant une durée totale de 15 ans, de payer un impôt annuel forfaitaire de 100.000 € pour tous les revenus de source étrangère (les revenus de source grecque sont donc imposés séparément, selon les principes généraux de la loi grecque). De plus, il est possible sur option de l’étendre aux membres de sa famille, en s’acquittant d’une somme supplémentaire 20.000 € par an et par personne. Enfin, les personnes bénéficiant de ce régime sont également exonérées de droits de donation et succession sur leurs actifs situés à l’étranger.

Les conditions à remplir sont les suivantes :

– Ne pas avoir été résident fiscal grec pendant au moins 7 ans sur les 8 années précédant le transfert du domicile fiscal en Grèce ;

– Investir, dans un délai de 3 ans à compter de la demande faite pour bénéficier du dispositif, un minimum de 500.000 € en Grèce : immobilier, titres de sociétés grecques…

Pour bénéficier de ce régime, il est nécessaire d’en faire la demande auprès de l’administration fiscale grecque au plus tard le 31 mars de l’année au titre de laquelle on souhaite qu’il s’applique, et tout document nécessaire devra être fourni à l’administration dans un délai maximal de 60 jours à compter de la demande.

L’administration du pays d’origine du bénéficiaire sera informée de la demande de ce dernier par les autorités grecques.

Enfin, il est à noter que l’impôt forfaitaire (100.000 € + les éventuels suppléments de 20.000 €) doit être payé en un seul versement avant le dernier jour ouvrable de juillet. S’il n’est pas réglé au 31 décembre, la personne concernée perd son statut de résidente non-domiciliée en Grèce et sera imposée sur tous ses revenus selon les règles générales du droit fiscal grec.

Le régime de faveur des salariés et commerçants étrangers

Enfin, un troisième régime, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2021 et ne vise que les nouvelles prises de fonctions, permet aux salariés et aux commerçants étrangers de bénéficier d’un allégement de 50% de l’impôt sur le revenu et de la contribution fiscale de solidarité.

Cet abattement ne concerne que les revenus salariés et commerciaux de source grecque. Par conséquent, les autres revenus de source grecque ainsi que les revenus de toute nature de source étrangère restent imposés selon les dispositions générales de la loi grecque.

Pour prétendre à ce nouveau régime, il faut :

– Ne pas avoir été résident fiscal grec pendant au moins 7 ans sur les 8 années précédant le transfert du domicile fiscal en Grèce ;

– Transférer sa résidence fiscale en provenance d’un pays de l’UE, de l’EEE ou d’un pays ayant conclu avec la Grèce une convention d’assistance administrative en matière fiscale ;

– Avoir un emploi salarié chez un employeur grec (une entité juridique grecque ou un établissement stable grec d’une société étrangère) ou exercer une activité commerciale en Grèce ;

– S’engager à résider en Grèce pour au moins 2 ans.

Ce régime s’applique pour une durée de 7 ans, sans prorogation possible.

Comment le cabinet ALERION peut vous aider ?

Avant votre départ :

• Préparer votre expatriation en analysant l’impact fiscal d’une telle décision sur vos revenus et votre patrimoine ;

• En cas d’expatriation, s’occuper des formalités liées à l’Exit tax ;

• Vous mettre en relation avec l’un de nos partenaires locaux pour sécuriser le bénéfice de l’un des régimes fiscaux incitatifs.

Après votre départ :

• Vous accompagner tout au long de votre expatriation eu égard à vos obligations déclaratives en France ;

• Préparer votre retour.

Philippe Pescayre, Associé, avec la contribution de Elie Kandemir, Elève-Avocat.

Brexit et protection des données personnelles : le RPGD demeure applicable au Royaume-Uni jusqu’au 1er juillet 2021, à l’exception du mécanisme du « guichet unique »

• Maintien provisoire du RGPD au Royaume-Uni

L’accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, finalement conclu le 24 décembre 2020 après de nombreux mois de négociation intense et seulement quelques jours avant la date fatidique de l’Exit Day du 31 décembre 2020, est entré en application provisoire le 1er janvier 2021.

En vertu de cet accord, le règlement européen pour la protection des données personnelles (RGPD) reste applicable de manière transitoire au Royaume-Uni pour une durée supplémentaire de 4 mois, prolongée de 2 mois (sauf si le Royaume-Uni ou l’Union européenne s’y oppose), soit jusqu’au 1er juillet 2021 au plus tard, et à condition que :

o la législation en matière de protection des données incorporée dans le droit britannique par le European Union Act 2018 et telle que modifiée par la réglementation de 2019 sur la protection des données, la vie privée et les communications électroniques continue de s’appliquer ;

o le Royaume-Uni ne modifie pas cette législation sans une procédure de consultation ayant débouché sur l’approbation de la modification par l’Union européenne.

Passé ce délai, et à défaut de décision de la Commission européenne autorisant de façon générale les transferts de données personnelles (décision dite « d’adéquation »), toute communication de données personnelles vers le Royaume-Uni devra être considérée comme un transfert de données vers un pays tiers, c’est-à-dire situé hors de l’Union européenne.

Pour transférer des données personnelles en dehors de l’Union européenne, il conviendra alors de suivre les recommandations édictées par le Comité européen de la protection des données (EDPB), dont la version finale n’est toujours pas publiée à ce jour malgré la clôture de la consultation publique le 21 décembre 2020, et prises à la suite de l’invalidation du Privacy Shield par la Cour de justice de l’Union européenne le 16 juillet dernier. En particulier, la mise en place de garanties appropriées sera nécessaire (mesures techniques, contractuelles et organisationnelles) et les ressortissants européens devront disposer de droits opposables et de voies de droit effectives, conformément aux dispositions de l’article 46 du RGPD.

• Fin de l’application du mécanisme de « guichet unique » au Royaume-Uni

Malgré la conclusion de cet accord, le mécanisme de supervision et de coopération réglementaire du « guichet unique », qui a vocation à faciliter les démarches pour les entreprises établies dans l’Union européenne en s’appuyant sur une autorité chef de file, n’est plus applicable au Royaume-Uni depuis le 1er janvier 2021 ; l’autorité britannique de protection des données (ICO) ne pourra donc plus y participer.

Dès lors, les responsables de traitement et les sous-traitants établis uniquement au Royaume-Uni et dont les activités sont soumises au RGPD sont tenus depuis le 1er janvier 2021 de désigner un représentant, c’est-à-dire une personne physique ou morale établie au sein de l’Union européenne mandatée pour être « la personne à qui, notamment, les autorités de contrôle et les personnes concernées doivent s’adresser, en plus ou à la place du responsable de traitement ou du sous-traitant, pour toutes les questions relatives au traitement », conformément aux dispositions de l’article 27 du RGPD.

Bien que ce « sursis » soit appréciable pour les responsables de traitement, les avocats d’Alerion du Département Protection des données personnelles peuvent assister leurs clients dans l’encadrement des transferts de données effectués vers le Royaume-Uni dans l’hypothèse où aucune décision d’adéquation ne serait prise avant le 1er juillet 2021.

Pour connaître les impacts du Brexit sur vos droits de propriété intellectuelle, nous vous invitons à consulter notre article du 14 décembre dernier.

Corinne Thiérache, Associée, et Alice Marie, Avocate.

Impacts du Brexit sur vos droits de propriété intellectuelle : ce qui changera assurément au 1er janvier 2021

Cela ne fait plus de mystère : depuis le 1er février 2020, le Royaume-Uni est devenu un « pays tiers » de l’Union européenne, bien que l’accord de retrait signé le 24 janvier 2020 et ratifié le 29 janvier 2020 par le Parlement européen (ci-après « l’accord de retrait ») ait ménagé une période de transition prenant fin le 31 décembre 2020 (aussi dénommé « Exit Day ») pour laisser à tous le temps de se préparer.

Le point final de ce feuilleton à rebondissements débuté en juin 2016, qui devait être mis ce dimanche, a encore une fois été repoussé mais cela ne remettra pas en cause les développements présentés ci-après.

La date fatidique de l’Exit Day se rapprochant à grands pas, la question du sort de vos droits de propriété intellectuelle se pose donc tout particulièrement en cette fin d’année 2020, que vous soyez titulaires de marques ou de dessins ou modèles (1), de brevets, de certificats complémentaires de protection ou d’indications géographiques (2).

1. Le sort des marques de l’Union européenne et des dessins ou modèles communautaires enregistrés et non enregistrés

Après la fin de la période de transition, les conséquences du Brexit sur les marques de l’Union européenne et les dessins ou modèles communautaires enregistrés (« DMCE ») et non enregistrés seront multiples et dépendront du stade de la procédure auquel se trouve votre demande au 31 décembre 2020.

a) Pour les demandes en cours à la fin de la période de transition

• Les demandes de marques de l’Union européenne ou de DMCE en cours à la fin de la période de transition ne couvriront plus le Royaume-Uni.

Toutefois, un droit de priorité de 9 mois à compter de la fin de la période de transition sera accordé au demandeur pour déposer une demande identique au Royaume-Uni (même dessin ou modèle ou même marque pour des produits ou services identiques ou contenus dans la demande initiale), à condition qu’une date de dépôt ait été octroyée (article 59, paragraphe 1 de l’accord de retrait).

Cette nouvelle demande sera réputée bénéficier de la même date de dépôt et de la même date de priorité que la demande initiale.

A cet effet, il conviendra de prévoir le cas échéant la désignation d’un mandataire bénéficiant d’une adresse au Royaume-Uni afin de suivre la procédure devant l’Office britannique (IPO).

• Les dessins ou modèles communautaires non enregistrés (DMCNE) divulgués au public n’auront d’effets que dans les Etats membres de l’Union européenne.

Pour autant, la protection au Royaume-Uni des DMCNE ayant pris naissance avant la fin de la période de transition sera maintenue par l’octroi automatique d’un droit de propriété intellectuelle exécutoire, en vertu du droit du Royaume-Uni, qui offre le même niveau de protection, et ce pour une durée au moins égale à la durée restante de protection du DMCNE correspondant (article 57 de l’accord de retrait).

b) Pour les titres enregistrés avant la fin de la période de transition

• Le titulaire d’une marque de l’Union européenne enregistrée avant la fin de la période de transition deviendra, sans réexamen et gratuitement, titulaire d’une marque constituée du même signe pour les mêmes produits et services, enregistrée et exécutoire en vertu du droit du Royaume-Uni, avec les caractéristiques suivantes :

– bénéficiant de la même date du dépôt ou date de priorité et, le cas échéant, de l’ancienneté d’une marque du Royaume-Uni revendiquée en vertu de l’article 39 ou 40 du Règlement (UE) 2017/1001,

– non susceptible de déchéance au motif que la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire du Royaume-Uni avant l’Exit Day.

• Le titulaire d’un DMCE et, le cas échéant, publié à la suite d’un ajournement de publication avant la fin de la période de transition deviendra, sans réexamen et gratuitement, pour le même dessin ou modèle, titulaire d’un droit enregistré et exécutoire en vertu du droit du Royaume-Uni, avec les caractéristiques suivantes :

– la durée de protection de ce droit enregistré en vertu du droit du Royaume-Uni sera au moins égale à la durée restante de protection pour le DMCE correspondant,

– la date de dépôt ou la date de priorité de ce droit enregistré en vertu du droit du Royaume-Uni sera celle du DMCE correspondant.

ATTENTION : si une marque de l’Union européenne ou un DMCE est déclaré(e) nul(le) ou frappé(e) de déchéance dans l’Union européenne au terme d’une procédure qui était en cours le dernier jour de la période de transition, le droit correspondant au Royaume-Uni sera également déclaré nul ou frappé de déchéance, avec la même date d’effet.

• Les enregistrements internationaux ayant désigné l’Union européenne avant la fin de la période de transition ne seront plus valides au Royaume-Uni.

L’accord de retrait impose au Royaume-Uni de prendre des mesures avant la fin de la période de transition pour que la protection demeure valable sur son territoire (article 56 de l’accord de retrait).

Il est à noter qu’un délai supplémentaire de 3 ans est laissé aux titulaires pour désigner un mandataire au Royaume-Uni, soit jusqu’au 31 décembre 2023.

c) La question des formalités de renouvellement et d’inscription

• Renouvellement : Un droit lié à une marque ou à un dessin ou modèle enregistré au Royaume-Uni aura pour première date de renouvellement la date de renouvellement du droit de propriété intellectuelle correspondant enregistré au niveau de l’Union européenne.

ATTENTION : il faudra renouveler les nouvelles marques britanniques qui en découlent directement auprès de l’IPO car le renouvellement de la marque européenne n’emportera pas renouvellement de la marque britannique. Ceci est également valable pour les marques européennes qui auraient été renouvelées avant la date de sortie mais dont la période de renouvellement courait toujours à cette date.

Pour les renouvellements qui doivent avoir lieu après la fin de la période de transition, l’Office britannique va envoyer des rappels aux titulaires de marques (ou aux mandataires inscrits). Si le rappel a lieu après la date d’échéance, un délai de grâce de 6 mois s’ouvrira pour procéder au renouvellement, et ce sans taxe de retard.

• Inscriptions aux registres : Les inscriptions effectuées auprès de l’Office européen (EUIPO) ou auprès de l’Organisation mondiale (OMPI) pour les marques internationales désignant l’Union européenne ne seront pas automatiquement prises en compte par l’Office britannique (sauf pour les inscriptions déjà publiées).

Il faudra donc faire une inscription spécifique auprès de l’Office britannique pour que l’inscription soit prise en compte.

Concernant les actions en cours (actions en nullité, déchéance, etc.), elles ne sont applicables au Royaume-Uni que si elles sont devenues définitives avant l’Exit Day.

• Usage et déchéance : Les marques qui ont acquis une renommée au sein de l’Union Européenne avant la fin de la période de transition pourront toujours jouir de cette renommée au Royaume-Uni. Ensuite, il faudra prouver que la marque est bien notoire au Royaume-Uni afin de pouvoir continuer à bénéficier de ce statut.

Quant aux actions en déchéance, elles concernent les marques qui n’ont pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans à compter de leur date d’enregistrement. Toutefois, si cette période comprend une période antérieure à l’Exit Day, l’usage de la marque devra être pris en compte, qu’il concerne ou non le Royaume-Uni.

d) La question de la représentation devant les offices

Après la fin de la période de transition, les personnes physiques ou morales qui sont domiciliées au Royaume-Uni ou qui y ont leur siège devront être représentées devant l’EUIPO dans toutes les procédures, autres que le dépôt d’une demande de marque ou de dessin ou modèle, par des personnes satisfaisant aux conditions énoncées à l’article 120 du règlement (UE) 2017/1001 et à l’article 78 du règlement (CE) nº 6/2002.

Toutefois, lorsque, avant la fin de la période de transition, une personne autorisée à représenter une personne physique ou morale devant l’EUIPO représentait une partie dans une procédure engagée devant l’Office, ce représentant peut continuer à représenter cette partie à tous les stades de ladite procédure (article 97 de l’accord de retrait).

2. Le sort des brevets, certificats complémentaires de protection et des indications géographiques

• Le brevet européen : L’Office Européen des Brevets (OEB) n’étant pas une institution de l’Union européenne, le Brexit n’affectera pas les brevets européens. Après la fin de la période de transition, le Royaume-Uni restera membre de la Convention sur le brevet européen (CBE).

En revanche, le Brexit aura un impact sur le futur brevet unitaire et la future Juridiction Unifiée des Brevets (JUB), dès lors que l’Accord sur la JUB prévoit le respect de la primauté du droit de l’Union européenne et le fait que les décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) s’imposeront à la JUB.

• Le certificat complémentaire de protection : après la fin de la période de transition, le règlement (CE) n°469/2009 et le règlement (CE) n°1610/96 ne s’appliqueront plus au Royaume-Uni.

Toutefois, ces dispositions continueront de s’appliquer en ce qui concerne les demandes en cours présentées à une autorité du Royaume-Uni avant la fin de la période de transition pour les médicaments et les produits phytopharmaceutiques (ainsi que pour la prolongation de la durée de ces certificats).

• L’indication géographique : Lorsqu’une indication géographique est protégée dans l’Union européenne à la fin de la période transitoire, les personnes habilitées à l’utiliser continueront à l’être au Royaume-Uni après la fin de la période transitoire. Si la protection cesse dans l’Union européenne après la fin de la période transitoire, la protection cessera également au Royaume-Uni.

A partir du 1er janvier 2021, les nouveaux dépôts de marques, de dessins ou modèles ou encore de brevets devront se faire directement auprès de l’Office britannique (IPO) afin d’obtenir une protection au Royaume-Uni, en sus des demandes au titre des certificats complémentaires de protection et des indications géographiques. La désignation d’un mandataire bénéficiant d’une adresse au Royaume-Uni sera alors le cas échéant nécessaire afin de suivre la procédure devant l’IPO.

Les avocats du département Propriété Intellectuelle d’Alerion accompagnent les acteurs économiques s’agissant de la gestion de leurs droits de propriété industrielle au Royaume-Uni.

Corinne Thiérache, Associée, Carole Bui, Avocat et Alice Marie, Juriste.

Du bon usage de la mention « made in France » … pour écarter une faute de concurrence déloyale mieux indemnisée par les juges

« Made in France », « Fabrication française », « Fabriqué en France » …. les mentions de ce type connaissent un regain d’intérêt pour les producteurs et les industriels dans la course à la distinction des produits par rapport à ceux des concurrents, profitant de la sensibilité des consommateurs, exacerbée en cette période de repli sur soi créée par la pandémie.

L’administration économique vient de publier un guide sur les règles essentielles à connaitre (disponible ici), afin que l’apposition de la mention « Fabriqué en France » ne soit pas répréhensible au titre des pratiques commerciales trompeuses (art. L 121-1 et s. du code de la consommation) ou en tant que tromperie sur l’origine (art. L. 413-8 du code de la consommation), ni prohibée par les dispositions douanières comme étant un marquage frauduleux de l’origine à l’importation (art. 39 du code des douanes).

Pour les produits non alimentaires, les entreprises sont invitées à se reporter aux règlements européens relatifs à l’origine douanière non préférentielle afin de déterminer la « nationalité » du produit concerné. Lorsque plusieurs pays interviennent dans le processus de fabrication, le produit est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation substantielle (1), économiquement justifiée (2), effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important (3) (circulaire du 13 mai 2016). En d’autres termes, un produit non alimentaire peut bénéficier d’une mention « made in France » ou son équivalent, si sa dernière transformation substantielle a été réalisée en France. Selon la catégorie de produits concernée, la notion de « dernière transformation substantielle » se traduit par une transformation (ouvraison pour le textile) spécifique, un changement de la position tarifaire du produit ou un critère de valeur ajoutée.

Apposer une mention du type « Fabrication française » relève de la liberté du producteur et de l’industriel, et se distingue des labels et marques collectives tels que « Origine France Garantie », créés par des professionnels ou des structures privées et qui ont pour fonction d’identifier l’origine de produits émanant d’un groupement d’acteurs (association, groupement de fabricants, de producteurs ou de commerçants, personne morale de droit public) autorisé à l’utiliser en vertu d’un règlement d’usage.

Les contrôles procèdent de l’administration économique (la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, DGCCRF) et de l’administration des douanes (la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects, DGDDI).

Outre les sanctions pénales[1], l’utilisation erronée d’une mention du type « made in France » peut avoir des conséquences civiles lourdes si un concurrent introduit une action en concurrence déloyale sur ce fondement.

En effet, la Cour de cassation a admis pour la première fois cette année que le préjudice causé par une pratique trompeuse peut être indemnisé en tenant compte, non pas du gain manqué ou des pertes subies par le concurrent malheureux, mais des économies réalisées par le concurrent déloyal (Cass. com. 12 fév. 2020, n°17-31614).

Dans cette affaire, une cristallerie reprochait à un concurrent de présenter dans ses catalogues des produits en cristal mélangés à des produits en verre, en cristallin ou luxion fabriqués en Chine avec une mention « made in France » afin de laisser croire que l’ensemble était en cristal. Condamné pour concurrence déloyale par pratique commerciale trompeuse, ledit concurrent a été condamné à payer une indemnité calculée en considération de l’avantage concurrentiel indu et de l’économie injustement réalisée (en référence à ses charges de personnel). La Cour de cassation approuve le raisonnement des premiers juges qui s’écarte de l’analyse traditionnelle en matière de concurrence déloyale consistant à évaluer le préjudice réparable par les gains manqués, la baisse des ventes, la diminution du chiffre d’affaires, des commandes, les pertes de marge, les pertes de valeur …

La solution mérite d’être approuvée dans la mesure où certains actes de concurrence déloyale ont des conséquences négatives pour la victime qui sont aisément quantifiables, comme les détournements de clientèle ou la désorganisation de l’entreprise, tandis que d’autres, comme le parasitisme ou le non-respect d’une règlementation obligatoire, comme en l’espèce, « sont plus durs à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépense disproportionnées au regard des intérêts en jeu ».

Ainsi, cette méthode prend en considération la faute déloyale qui enrichit son auteur, puisqu’il réalise des économies en profitant d’un avantage concurrentiel auquel il n’a pas droit, à l’instar du contentieux de la contrefaçon qui prend déjà en considération les économies réalisées par le contrefacteur sur les frais de conception et de promotion (art. L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, introduit en 2019).

L’action en concurrence déloyale trouve de ce fait un pouvoir attractif déjà initié par la jurisprudence selon laquelle le préjudice s’infère nécessairement de l’acte déloyal. Il ne restait plus qu’à lui conférer une méthode adéquate d’évaluation du préjudice qui permette non seulement d’indemniser la victime mais aussi de décourager les actes déloyaux. C’est chose faite avec cet arrêt important de la Cour de cassation.

Catherine Robin, Associée en charge du département Distribution

Ambre Luciak, juriste

[1]Pratique trompeuse : emprisonnement de deux ans et amende de 300 000 euros (personne physique) ou 1 500 000 euros (personne morale), ces montants pouvant être portés à 10 % du chiffre d’affaires annuel, ou à 50 % des dépenses engagées (art. L. 132-2 du code de la consommation). Tromperie sur l’origine : emprisonnement de deux ans et amende de 300 000 euros (personne physique) ou 1 500 000 euros (personne morale, art. L. 451-15 du code de la consommation).

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Version mise en ligne Janvier 2020

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