Loi de finances 2021

29 janvier 2021
L'équipe fiscale

Les lois de finances sont traditionnellement l’expression de la volonté politique du Gouvernement. La loi de finances pour 2021 ne déroge pas à cette règle et témoigne des difficultés auxquelles doit faire face le Gouvernement : pas de grandes annonces, des mesures techniques pour certaines issues du droit communautaire et bien évidemment des mesures destinées à favoriser la relance.

Impôts sur les sociétés

Crédit d’impôt en faveur des bailleurs

La loi de finances pour 2021 instaure un crédit d’impôt en faveur des bailleurs (personne physique ou personne morale) qui abandonneraient, avant le 31 décembre 2021, les loyers dus au titre du mois de novembre 2020.

Ce crédit d’impôt est accordé en contrepartie des abandons de loyers consentis au profit d’un locataire qui :

• Emploie moins de 5.000 salariés (il est tenu compte de l’ensemble des salariés des entités liées lorsque l’entreprise locataire contrôle ou est contrôlée par une autre personne morale) ;

• Loue des locaux qui font l’objet d’une interdiction d’accueil du public à la suite du second confinement (30 octobre 2020) ou qui exerce son activité dans les domaines de l’hôtellerie, la restauration ou la culture et l’évènementiel ;

• N’étaient pas en difficulté au 31 décembre 2019 ;

• N’étaient pas en liquidation judiciaire au 1er mars 2020.

Il est égal à :

• 50 % des sommes abandonnées, lorsque le locataire emploie moins de 250 salariés ;

• 50 % des sommes abandonnées, dans la limite des deux tiers du montant du loyer, lorsque le locataire emploie entre 250 et 5 000 salariés.

Le montant du crédit d’impôt ne peut pas excéder 800.000 euros par locataire.

Le crédit d’impôt s’impute sur l’impôt sur les sociétés ou sur l’impôt sur le revenu dû par le bailleur au titre de l’exercice ou de l’année au cours duquel les abandons ou renonciations définitifs de loyers ont été consentis. Si le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de cet exercice/année, l’excédent est restitué.

Pour bénéficier du crédit d’impôt, les bailleurs devront déposer une déclaration conforme à un modèle établi par l’administration dans les mêmes délais que la déclaration annuelle d’impôt sur les sociétés.

En parallèle de ce dispositif, le législateur a prorogé, jusqu’au 30 juin 2021, les mesures, instaurées par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, autorisant la déduction des abandons de loyers.

Conséquences fiscales de la réévaluation libre des actifs

La loi de finances pour 2021 introduit un régime de différé des conséquences fiscales de la réévaluation des actifs au bilan d’une entreprise.

Ce dispositif temporaire est applicable sur option aux opérations de réévaluation réalisées au cours des exercices clos entre le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2022.

Les opérations de réévaluation d’actifs entraînent en principe l’imposition immédiate des plus-values latentes résultant de l’accroissement de valeur des actifs.

L’imposition des plus-values peut désormais être différée selon les modalités suivantes :

Pour les immobilisations amortissables, l’écart de réévaluation est réintégré dans le résultat imposable de la société par fractions égales sur 15 ans pour les constructions et sur 5 ans pour les autres immobilisations.

Pour les immobilisations non-amortissables, l’écart de réévaluation est placé en sursis d’imposition jusqu’à la cession ultérieure de l’actif concerné par l’entreprise.

Ce dispositif temporaire vise à encourager les entreprises à réévaluer leurs actifs afin d’accroître leurs capacités de financement en offrant une image plus fidèle de leur patrimoine.

Taux réduit d’IS en faveur des PME

La loi de finances pour 2021 étend le champ d’application du taux réduit d’impôt sur les sociétés pour les PME.

Le taux réduit d’impôt sur les sociétés, jusqu’alors réservé aux entreprises dont le chiffre d’affaires était strictement inférieur à 7.630.000 euros HT, voit son champ d’application étendu aux sociétés réalisant un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 10.000.000 euros HT pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021.

Nous rappelons que le taux réduit est de 15 % et qu’il n’est applicable que dans la limite de 38.120 euros de bénéfices imposables par exercice.

Pour mémoire, le taux de droit commun d’impôt sur les sociétés passe à compter du 1er janvier 2021 à 26,5% (27,5% pour les sociétés dont le CA dépasse 250M€).

Etalement de la plus-value réalisée sur les opérations de lease back d’immeubles par les entreprises

La loi de finances pour 2021 rétablit un dispositif qui avait été mis en œuvre entre 2009 et 2012 et qui a pour objet de permettre aux entreprises de dégager de la trésorerie en facilitant le refinancement des actifs immobiliers dont elles sont propriétaires.

L’opération visée est celle par laquelle une entreprise cède un immeuble qu’elle détient à une société de crédit-bail, recevant ainsi la trésorerie correspondant à la valeur de l’immeuble, tout en récupérant immédiatement la jouissance de l’immeuble par un contrat de crédit-bail qui lui permettra, à terme, d’en redevenir propriétaire (opération de lease back).

Le régime optionnel prévu par la loi de finances pour 2021 permet à l’entreprise d’étaler l’imposition de la plus-value dégagée lors de la cession de l’immeuble, ceci afin que la trésorerie dégagée par l’opération ne soit pas immédiatement diminuée du montant de l’impôt sur la plus-value.

Ce régime d’étalement s’applique aux contribuables dont les résultats sont soumis à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) ou des bénéfices agricoles (BA).

Contrairement au dispositif qui avait mis en place à la fin des années 2000, le législateur a prévu des restrictions quant au type d’immeuble pouvant bénéficier du dispositif.

Ainsi, la cession doit porter sur un immeuble bâti ou non bâti affecté par le crédit preneur à son activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale. Les immeubles de placement (immobilier locatif) sont donc exclus du dispositif.

Toutefois, cette restriction relative aux immeubles donnés en location ne s’applique pas si l’immeuble est loué par le crédit preneur à une société avec laquelle il entretient des liens de dépendance (détention de l’une par l’autre ou détention par une holding commune). Cette exception permet de faire bénéficier du dispositif les groupes dans lesquels les immeubles d’exploitation sont regroupés au sein d’une structure qui les loue aux autres sociétés du groupe.

Le cessionnaire doit nécessairement être une société de crédit-bail et l’entreprise doit immédiatement récupérer la jouissance de l’immeuble dans le cadre d’un contrat de crédit-bail.

L’imposition de la plus-value, déterminée dans les conditions de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu selon le régime applicable au cédant, peut être étalée sur la durée du contrat de crédit-bail sans que la durée d’étalement ne puisse excéder 15 ans.

Il est obligatoirement mis fin à l’étalement, ce qui rend le solde de la plus-value imposable, lorsque l’entreprise rachète l’immeuble ou en cas de résiliation ou de cession du contrat de crédit-bail.

Le régime d’étalement s’applique aux immeubles pour lesquels un accord de financement est accepté par le crédit-preneur à compter du 28 septembre 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022 et dont la cession à la société de crédit-bail intervient entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2023.

Crédit d’impôt recherche et sous-traitance « publique »

La loi de finances pour 2021 harmonise les modalités de prise en compte des dépenses relatives à des opérations de recherches confiées à des organismes externes.

En principe, les entreprises peuvent prendre en compte dans l’assiette du Crédit d’impôt recherche (« CIR ») les dépenses de recherches confiées aux organismes publics ou privés agréés (CGI art. 244 quater).

Les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de recherche confiées aux organismes publics et assimilés étaient retenues dans l’assiette du CIR pour le double de leur montant. En outre, l’ensemble des dépenses de recherche confiées aux organismes publics comme privés agréés, ne sont prises en compte par l’entreprise donneuse d’ordre dans l’assiette du CIR que dans la limite de 10 millions d’euros par an en l’absence de lien de dépendance entre le donneur d’ordre et le sous-traitant. Ce plafond était majoré de 2 millions d’euros à raison des opérations relevant de la sous-traitance publique.

Dans un souci d’harmonisation des modalités de prise en compte des dépenses relatives à des opérations de recherche confiées à des organismes tiers, publics ou privés, la loi de finances supprime pour les dépenses exposées à compter du 1er janvier 2022, le régime propre à la sous-traitance « publique » entrainant la disparition du doublement de l’assiette du CIR et de la majoration du plafonnement global.

Ce mécanisme avait fait l’objet de critiques par la Cour des comptes en 2013 et d’une plainte formelle présentée à la Commission européenne le 1er octobre 2019 dans la mesure où le doublement d’assiette était de nature à créer une distorsion entre les organismes éligibles à la sous-traitance « publique » et les autres opérateurs.

Intégration fiscale et extension du mécanisme d’imputation sur une base élargie

La loi de finances pour 2021 étend le dispositif d’imputation du déficit sur une base élargie applicable en cas d’opérations de restructurations dans les groupes fiscalement intégrés.

Les opérations de restructuration (absorption, scission, prise de contrôle à plus de 95%) qui affectent la société mère d’un groupe d’intégration fiscale entraine la cessation du groupe d’intégration. Le déficit d’ensemble peut être transféré à la nouvelle société mère, sous réserve de faire une demande d’agrément, ou être conservé par l’ancienne société mère. Ce déficit devient imputable sur les seuls résultats propres de la société mère. Toutefois, par exception, le mécanisme de la base élargie autorise l’imputation du déficit d’ensemble sur les résultats des filiales, ayant contribué à ce déficit, qui rejoindraient le nouveau groupe.

La loi de finances permet d’imputer sur une base élargie la fraction du déficit d’ensemble de l’ancien groupe correspondant au déficit des sociétés qui ont été absorbées ou scindées, avant la cessation du groupe, par une société membre de l’ancien groupe qui rejoindrait le nouveau groupe.

La fusion ou la scission doit être placée sous le régime de faveur prévu par l’article 210 A du CGI et la société absorbante ou bénéficiaire des apports doit être retenue dans le périmètre de la base élargie.

Cette nouvelle mesure s’applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2020.

Taxe sur la valeur ajoutée

Création d’un régime de groupe TVA

Les assujettis établis en France, quel que soit le secteur économique, pourront constituer un groupe de TVA à compter du 1er janvier 2023 dès lors qu’ils ont entre eux des liens étroits sur le plan financier, économique et de l’organisation.

Ce groupe de TVA agira à l’égard des tiers comme un assujetti unique, identifié par un numéro individuel d’identification à la TVA, chargé de souscrire les déclarations de TVA au titre de toutes les opérations réalisées par l’ensemble des membres avec des tiers, et de payer la TVA correspondante.

Chaque membre du groupe perdra sa qualité d’assujetti à la TVA, tout en conservant son numéro d’identification à la TVA. Les membres du groupe devront continuer à respecter leurs obligations comptables. Ils resteront tenus solidairement avec l’assujetti unique du paiement de la TVA et des majorations, en proportion des droits et pénalités dont ils seraient redevables en l’absence d’option.

Chaque membre du groupe constituera un secteur d’activité distinct de l’assujetti unique, les opérations entre entités du groupe étant traitées comme des opérations internes sans incidence pour l’application de la TVA.

Pour plus de détails, nous renvoyons à notre newsletter du mois d’octobre 2020.

Facturation électronique

La loi de finances pour 2021 prévoit une mise en place progressive de la facturation électronique pour toutes les entreprises entre 2023 et 2025.

La facturation électronique est actuellement facultative (sauf entre personnes publiques et fournisseurs) et la mise à disposition de facture électronique est soumise à l’acceptation du destinataire.

Ce nouveau texte autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de :

• généraliser le recours à la facturation électronique ;

• instituer une obligation de transmission dématérialisée à l’administration d’informations relatives aux opérations réalisées par des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée qui ne sont pas issues des factures électroniques.

Cette habilitation permettrait au Gouvernement de mettre en place progressivement :

• à compter de 2023, une obligation de réception des factures électroniques ;

• entre 2023 et 2025, selon la taille des entreprises, une obligation d’émission des factures sous format électronique et de transmission des données sous le même format : (i) dès 2023 pour les grandes entreprises, (ii) à compter 2024 pour les entreprises de taille intermédiaire, (iii) à compter de 2025 pour les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises.

L’ordonnance doit être prise dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi.

Mesures concernant la rémunération des personnes physiques

Imputation des moins-values résultant d’une réduction totale de capital

La loi de finances pour 2021 étend la possibilité d’imputer les pertes résultant d’une annulation de titres aux hypothèses de réduction totale du capital visant à reconstituer les capitaux propres de la société.

Tirant les conséquences d’une décision rendue le 22 novembre 2019 par le Conseil d’Etat (n°431867), ce texte ajoute une nouvelle hypothèse d’imputation des pertes résultant d’une annulation des titres d’une société lorsque celle-ci intervient dans le cadre d’une réduction totale du capital de la société en application de la procédure prévue par les articles L. 223-42 et L. 225-248 du code de commerce.

Le Conseil d’Etat avait en effet jugé que l’impossibilité d’imputer les pertes constatées dans ces opérations, alors qu’en revanche l’imputation des pertes est autorisée en cas d’annulation dans le cadre d’une procédure collective, instituait une différence de traitement non justifiée portant atteinte à la Convention européenne des droits de l’Homme.

En l’absence de précision, ces dispositions sont applicables aux moins-values réalisées depuis le 1er janvier 2020. S’agissant des pertes réalisées à une date antérieure, une réclamation fondée sur la décision du Conseil d’Etat précédemment évoquée peut être déposée par les contribuables concernées dans la limite du délai de réclamation.

Exonération de contribution patronale sur les AGA

La loi de finances pour 2021 prévoit une extension de l’exonération de la contribution patronale sur les AGA aux ETI qui était déjà applicable pour les PME.

Pour bénéficier de cette exonération, la société devra (i) employer moins de 5.000 salariés, (ii) disposer d’un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 milliard d’euros ou disposer d’un total bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros et (iii) ne jamais avoir versé de dividendes depuis sa création. A l’exception de la condition (iii), ces données sont appréciées au niveau de la société qui attribue les AGA en intégrant les données des sociétés qui lui sont liées.

La valeur des actions gratuites attribuées par bénéficiaire ne doit pas dépasser le plafond annuel de la sécurité sociale (soit 41.136 euros pour l’année 2020). Cette limite s’apprécie en faisant masse des actions gratuites dont l’acquisition est intervenue pendant l’année en cours et les trois années précédentes. Si la valeur des actions attribuées dépasse ce plafond, l’exonération est perdue en totalité.

Cette exonération ne concerne que les attributions d’actions gratuites autorisées par une assemblée générale extraordinaire intervenue à compter du 1er janvier 2021.

Retenue à la source sur les salaires, pensions et rentes viagères des non-résidents

La loi de finances pour 2021 abroge les mesures prises par le législateur dans la loi de finances pour 2019 (article 13 : suppression du barème d’imposition à trois tranches et retenue à la source non libératoire) et la loi de finances pour 2020 (Article 12 : report des mesures instaurées par la LF2019) sur le régime de la retenue à la source sur les salaires, pensions et rentes viagères des non-résidents.

La loi de finances pour 2021 prévoit donc le maintien du barème de la retenue à la source (0%, 12% et 20%). Seules les tranches du barème ont été revalorisées. La retenue à la source reste partiellement libératoire de l’impôt sur le revenu.

Taxes locales

Révision de l’évaluation comptable des établissements industriels

La loi de finances pour 2021 diminue de moitié les taux d’intérêts servant à la détermination de la valeur locative comptable des établissements industriels.

En l’état actuel du droit, la valeur locative des établissements industriels, servant de base au calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises, est évaluée dans la plupart des cas selon une méthode spécifique dite « comptable ». Dans le cadre de cette méthode « comptable », la valeur locative est calculée à partir du prix de revient des éléments des immobilisations industrielles auquel est appliqué différents taux dits « d’intérêt » :

• 8% pour les sols et les terrains ;

• 12% pour les constructions et les installations.

Des correctifs sont applicables en fonction de la nature et de la date d’acquisition des biens.

Afin d’alléger l’imposition des établissements industriels, l’article 29 de la loi de finances pour 2021 diminue de moitié les taux d’intérêt applicables en les ramenant à :

• 4% pour les sols et les terrains ;

• 6% pour les constructions et les installations.

Cette réduction de moitié des valeurs locatives des locaux industriels s’appliquera aux impositions établies à compter de 2021. Les contribuables peuvent anticiper l’application des nouveaux taux d’intérêts en réduisant le montant de leurs acomptes ou prélèvement mensuels.

A noter que pour les locaux industriels bénéficiant du mécanisme de lissage en cas de variation de plus de 30% de la valeur locative consécutive à un changement de méthode d’évaluation d’un bâtiment ou terrain industriel ou à un changement d’affectation d’un local industriel nouvellement affecté à une activité professionnelle et inversement, le lissage est recalculé, pour les années restant à courir, eu égard à l’allègement de la valeur locative comptable à compter de l’année 2021.

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