Bientôt un régime de groupe en matière de TVA ?

07 octobre 2020
Philippe Pescayre, Stanislas Vailhen et Pierrick Bouchard

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit l’instauration d’un régime de groupe de TVA calqué sur un régime bien connu des sociétés, le régime de l’intégration fiscale.

Grâce à ce régime, les personnes indépendantes juridiquement mais étroitement liées pourraient être, sous certaines conditions, considérées comme un seul assujetti, appelé « assujetti unique », pour les besoins de la TVA.

Ce régime optionnel, permettrait de renforcer la neutralité de la TVA sur les choix d’organisation des groupes, notamment dans les secteurs réalisant des opérations exonérées de TVA, mais elle aurait surtout le mérite d’optimiser la trésorerie des groupes en permettant l’imputation des crédits de TVA des filiales sur les dettes de TVA à reverser des autres filiales.

Ce dispositif de l’assujetti unique devrait en pratique avoir une portée plus grande que le régime de la consolidation des paiements de la TVA qui n’est ouvert qu’aux entreprises relevant de la DGE.

Ce nouveau régime qui permettrait d’optimiser la trésorerie dans les groupes de sociétés serait ouvert à tous les groupes de sociétés répondant aux conditions décrites ci-après.

Pour qui ?

Le dispositif prévu par le projet de loi de finances pour 2021 concernerait :

(i) les personnes assujetties qui ont en France le siège de leur activité économique ou un établissement stable ou, à défaut, leur domicile ou leur résidence habituelle ; et

(ii) qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation. Ces liens constituant l’assujetti unique seraient cumulatifs.

Le lien financier serait établi lorsque les assujettis sont contrôlés en droit, directement ou indirectement, par une même personne. Cette condition serait satisfaite dès lors qu’un assujetti ou une personne morale non assujettie détient plus de 50% du capital d’un autre assujetti, directement ou indirectement, ou plus de 50% des droits de vote d’un autre assujetti.

Le lien économique serait établi en présence d’une activité principale de même nature, ou par des activités interdépendantes ou complémentaires. Une communauté d’objectif économique entre les assujettis ou une activité réalisée en totalité ou partiellement au bénéfice des autres membres permettrait également d’établir un lien économique.

Le lien organisationnel serait établi en présence d’assujettis sous direction commune, en droit ou en fait, directement ou indirectement, ou en présence d’une organisation en concertation des activités.

Comment ?

Les membres de l’assujetti unique désigneraient un représentant qui s’engagerait à accomplir les obligations déclaratives et toutes les formalités en matière de TVA.

L’option formulée par le représentant auprès de son SIE, nécessiterait l’accord de chacun des membres de l’assujetti unique, et devrait être formulée au plus tard le 31 octobre de l’année qui précède son application pour une prise d’effet au 1er janvier de l’année.

L’option couvrirait une période obligatoire de trois années civiles.

A l’issue de cette période et sur accord exprès des membres de l’assujetti unique, il pourrait être mis fin au groupe sur dénonciation de l’option formulée par le représentant.

En revanche, l’assujetti unique cesserait de plein droit à la date à laquelle les conditions ne seraient plus remplies.

L’introduction d’un nouveau membre de l’assujetti unique devrait être formulée par son représentant, accompagnée de l’accord exprès du nouveau membre, et être réalisée au plus tard le 31 octobre de l’année qui précède son application pour ainsi prendre effet au 1er janvier de l’année.

Le représentant de l’assujetti unique devrait, chaque année, communiquer à son SIE, au plus tard le 31 janvier, la liste des membres de l’assujetti unique appréciée au 1er janvier de la même année.

Qu’est-ce qui changerait en pratique ?

Tout membre d’un assujetti unique perdrait sa qualité d’assujetti à la TVA et constituerait un secteur d’activité.

L’entrée ou la sortie dans l’assujetti unique constituerait un transfert d’une universalité totale entrainant une dispense de taxation et ou de régularisations au titre du transfert.

Tout crédit de TVA antérieur à l’entrée dans le groupe d’assujetti unique serait conservé par le membre, sans possibilité de le transférer à l’assujetti unique. Le crédit de TVA serait obligatoirement remboursé au membre concerné.

Tout crédit de TVA constaté dans la déclaration réalisée par le représentant de l’assujetti unique, pendant la période d‘appartenance au groupe, serait définitivement acquis au représentant.

Seul le représentant de l’assujetti unique aurait l’obligation de souscrire des déclarations de TVA relatives aux opérations réalisées par tous ses membres avec des tiers et paierait la TVA due. Les flux entre les membres de l’assujetti unique deviendraient des opérations purement internes, qui seraient neutres au regard de la TVA.

Pour la détermination des droits à déduction de l’assujetti unique, chaque membre serait considéré comme secteur d’activité du groupe. Ainsi, pour les dépenses engagées par chaque membre, le droit à déduction serait déterminé en fonction du coefficient de taxation du secteur, déterminé en ne prenant en compte que les opérations avec des tiers réalisées par le membre.

Quand ?

Ce nouveau dispositif devrait entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2022 pour réaliser l’option au plus tard le 31 octobre 2022 en vue d’une application à partir du 1er janvier 2023.

Philippe Pescayre et Stanislas Vailhen, Associés et Pierrick Bouchard, Avocat en Droit fiscal