BSPCE – Des précisions enfin apportées sur l’application d’une « décote d’illiquidité »

Le 19 octobre dernier, à l’occasion de la soirée organisée pour les 10 ans de la French Tech, le ministre délégué chargé de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, avait indiqué que l’administration fiscale allait prendre une position formelle pour permettre aux sociétés françaises d’appliquer une « décote d’illiquidité » sur le prix d’exercice des BSPCE.

Cette annonce, qui avait à l’époque été très commentée, était restée générale, et avait suscité de nombreuses interrogations à commencer par le sens à donner à la « décote d’illiquidité ». Elle n’avait jusqu’à aujourd’hui pas connu de suites.

C’est désormais chose faite, puisque l’administration vient de publier, le 25 mars, une mise à jour de sa doctrine administrative (base BOFIP).

Cette mise à jour permet d’y voir un peu plus clair sur les intentions de l’administration fiscale même si l’on peut s’interroger sur le sens à donner pour des BSPCE à la notion de « décote d’illiquidité ».

A cet égard, il est important de rappeler que l’article 163 bis G du Code général des impôts qui définit le régime juridique et fiscal des BSPCE prévoyait déjà la possibilité d’une décote sur le prix d’acquisition de titres en exercice des bons lorsque depuis la dernière opération sur capital devant servir de référence, il y avait eu une « perte de valeur économique du titre » ou encore lorsque les droits des titres résultant de l’exercice du bon ne sont pas au moins équivalents à ceux des autres titres émis lors de l’opération sur capital.

Qu’apporte donc de nouveau la mise à jour de l’administration fiscale ?

En premier lieu, un doute peut être chassé : la possibilité d’appliquer une décote bénéficie à toutes les entreprises éligibles aux BSPCE, et non pas uniquement à celles qui répondent à la définition des jeunes entreprises innovantes, comme les termes choisis par le ministre lors de son annonce avaient pu le laisser craindre.

En second lieu, les conditions de la décote sont (un peu) plus claires : elle continue de pouvoir s’appliquer même lorsque la société a procédé à une augmentation de capital dans les six mois précédant l’attribution des bons mais l’administration fiscale est venue préciser ce que recouvre la notion de « droits équivalents ».

Si l’administration n’ouvre pas droit à une décote de manière générale et non justifiée, elle acte en revanche expressément le fait que des contraintes juridiques permettent de justifier l’application d’une décote.

Cette mise à jour fait ainsi référence à un nouvel exemple permettant de justifier la décote : des périodes d’incessibilités imposées aux bénéficiaires des titres résultant de l’exercice des bons créant ainsi des « situation d’illiquidité » (clause de « lock-up »). Elle mentionne également et c’est nouveau que la différence de droits entre les titres (ceux issus de l’exercice des bons et les autres émis par la société concernée) peut trouver indifféremment son origine dans les statuts ou dans les clauses d’un pacte. Elle mentionne à ce titre l’exemple de la clause de liquidation préférentielle destinée à permettre aux investisseurs financiers de récupérer de manière prioritaire le montant de leur investissement.

Est-on vraiment beaucoup plus avancé qu’avant cette mise à jour ?

Rien n’est moins sûr et ce pour deux raisons :

  • Comme nous l’avons déjà dit, la possibilité d’une décote existait déjà avant cette mise à jour et elle était pourtant diversement utilisée par les praticiens notamment par crainte de ne pas pouvoir la justifier avec suffisamment d’arguments documentés à supposer que l’on dispose d’une argumentation pour appliquer une décote, le plus délicat reste de déterminer quel est le montant acceptable ; or, l’administration fiscale n’a pas pris position sur ce sujet et n’a fourni aucun élément de discernement.

Il faudra donc, au cas par cas, examiner la situation au regard des contraintes imposées par la société attributrice aux bénéficiaires de BSPCE (la fameuse « illiquidité » figurant dans le discours du ministre en 2023), mais également aux avantages consentis aux investisseurs financiers.

Dans un article publié le 24 octobre dernier, les Echos relayaient des échanges intervenus entre l’association France Digitale et Bercy, et laissaient entendre que la décote liée à l’illiquidité des titres et au différentiel de droits entre les actions ordinaires et les actions de préférence pourrait atteindre jusqu’à 90%. L’objectif était de s’aligner avec les pays les plus libéraux en la matière.

Il semble que l’on ait péché par excès d’optimisme.

En effet, un tel niveau de décote devrait rester en pratique exceptionnel, et ne pourra se justifier que dans des cas très spécifiques.

Le guide de l’évaluation des entreprises et des titres de sociétés, publié par l’administration fiscale, évoque des décotes comprises entre 20% à 30% afin de tenir compte de l’illiquidité des titres de sociétés non cotées. C’est un référentiel pour pouvoir justifier, en cas de contrôle, de la décote appliquée et donc de la valeur des titres émis en exercice des BSPCE.

En résumé, l’annonce du ministre en 2023 permettait d’espérer beaucoup plus que cette mise à jour qui pourra rassurer les utilisateurs de décote sur le prix de souscription des titres en exercice des BSPCE sans toutefois fondamentalement modifier la donne. Au final, quel que soit le pourcentage de décote retenu, il faudra toujours être en mesure de se justifier et de faire valoir le raisonnement dans la documentation juridique. On ne peut que recommander à nouveau de recourir au rapport d’un évaluateur indépendant qui aura modélisé les valeurs des différentes actions et donnera ainsi son opinion sur la décote possible (généralement sous forme de fourchette).

Nos équipes de droit des sociétés / Fusions & Acquisitions et de droit fiscal sont à votre disposition pour vous accompagner dans votre réflexion autour de ces sujets.

Fuite de données : la cybersécurité plus que jamais nécessaire pour assurer la conformité d’un traitement de données personnelles au RGPD.

  • Actualités récentes et panorama de la cybermenace

Les actualités récentes ne cessent de souligner l’importance de la cybersécurité. La nouvelle enquête ouverte par la CNIL sur la fuite de données notable ayant affecté France Travail (anc. Pôle Emploi) est l’occasion de revenir sur l’articulation entre cybersécurité et protection des données personnelles.

Le 13 mars 2024, l’autorité française chargée de veiller au respect du RGPD[1] sur le territoire depuis maintenant 6 ans a communiqué sur l’ouverture d’investigations à l’encontre de France Travail, victime d’une cyberattaque ayant entraîné la fuite d’un nombre de données conséquent susceptibles de toucher 43 millions de personnes (noms et prénoms, NIR, coordonnées). Cette enquête permettra de mettre en lumière les éventuels manquements de cet établissement public à la réglementation, au regard de son obligation de minimiser les données collectées (art. 5 c. du RGPD), de délimiter la durée de leur conservation (art 5 e.) ou encore d’assurer leur sécurité (art. 5 f.).

C’est cette dernière exigence qui interroge, notamment au vu d’une autre fuite de données ayant déjà mis en danger fin janvier 2024 plus de 33 millions de personnes à la suite des cyberattaques subies par les deux opérateurs de gestion de tiers payant Viamedis et Almerys. Dans un tel contexte, il ne sera raisonnable de prétendre assouplir les conditions de traitement des données de santé pour l’instant soumis à un contrôle ex-ante (art. 9 du RGPD), comme le recommande le rapport sur l’intelligence artificielle remis au gouvernement par la Commission ad hoc ce mois-ci, qu’à la condition stricte d’une politique de cybersécurité efficace. [2]

Dans son panorama annuel de la cybermenace, l’ANSSI[3] relève que les méthodes employées par les cybercriminels ont connu des évolutions notables : le recours aux campagnes massives de rançonnage reposant exclusivement sur l’exfiltration de données (sans déploiement de rançongiciel) s’inscrit sur le long terme dans la pratique des cybercriminels. Dans le même temps, l’ANSSI remarque que « l’exploitation de plusieurs vulnérabilités jour-zéro ou jour-un par le groupe cybercriminel CL0P 15[4] illustre la capacité de groupes cybercriminels matures à conduire des attaques à grande échelle en ciblant des logiciels d’entreprises susceptibles d’héberger des données sensibles »[5].

  • Rappel du cadre légal : les sanctions encourues

Lorsque les données exposées au bon vouloir des cybercriminels sont à caractère personnel, plusieurs textes normatifs interviennent pour encadrer la responsabilité de ceux à qui revient l’obligation de protection.

Les premiers réflexes en application du RGPD sont primordiaux : il est nécessaire de tenir à jour la documentation interne sur la violation des données, de notifier à la CNIL cette violation dans les 72 heures, en sus d’un dépôt de plainte, et d’informer les personnes concernées en cas de risque élevé. Ce protocole d’information permettra notamment d’éviter le « suraccident » en élevant la vigilance des personnes concernées dont les données personnelles risquent d’être réutilisées à des fins d’hameçonnage (phishing) ou d’usurpation d’identité.

Il ne faut pas oublier que la CNIL peut accompagner les entreprises victimes de cyberattaques dans cette phase en les aidant à minimiser ou à mettre fin à la violation des données personnelles. Elle est néanmoins également un organe de contrôle : si son examen souligne un protocole de réaction non-adéquat à la violation de données personnelles ou, en amont, des mesures techniques et organisationnelles de sécurité insuffisantes (art. 32 du RGPD), elle est en mesure d’engager la responsabilité du responsable de traitement voire de son sous-traitant. Plus précisément, la CNIL a le pouvoir de prononcer une sanction pécuniaire pouvant atteindre la somme maximale de 20 millions d’euros ou, dans le cas d’une entreprise, de 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial. En 2023, 9 sanctions ont été prononcées par la CNIL en raison notamment d’un manquement aux obligations de sécurité, portant, à titre d’exemple, à 32 millions d’euros la sanction imposée à la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE[6]. Elle a par ailleurs le pouvoir de limiter ou de mettre fin définitivement à un traitement ou, moins sévèrement, de prononcer une astreinte contraignant l’entreprise à réaliser les démarches de mise en conformité dans un certain laps de temps.

Toujours en application du RGPD, la responsabilité civile[7] ou pénale du responsable de traitement pourra également être engagée : « procéder ou faire procéder à un traitement de données à caractère personnel sans mettre en œuvre les mesures prescrites aux art. 24, 25, 30 et 32 » du RGPD expose en effet son responsable à cinq ans d’emprisonnement et à 300 000 euros d’amende (art. 226-17 du Code pénal). Qu’il s’agisse ou non de la même personne, la responsabilité pénale ou civile (art. 1240 du Code civil) du dirigeant est également susceptible d’être soulevée dans le cas où un manquement à une obligation légale ou une faute de gestion mettant l’entreprise en difficulté financière (art. L.651-du Code de commerce) pourrait lui être imputé.

Enfin, à la suite de l’adoption de la Directive NIS 2[8], qui doit être transposée par la France avant le 17 octobre 2024, des mesures correctives et sanctions administratives pouvant aller jusqu’à 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial pourront être prononcées par l’ANSSI à l’encontre des « opérateurs de services essentiels » qui ne mettraient pas en place les mesures préventives de renforcement des réseaux informatiques prévues par la Directive NIS 2 (art. 34)  dans le cas où la CNIL ne serait pas déjà intervenue en vertu du RGPD (art. 35). Cette Directive étendra le périmètre d’application des exigences en matière de cybersécurité de la Directive NIS 1 à plus de 10000 entités et 18 secteurs d’activité (santé, transports, infrastructures numériques[9], gestion, des services TIC…).

  • Notre accompagnement

Face au risque croissant de fuite de données personnelles, mieux vaut prévenir que guérir : authentification forte, cryptographie (chiffrement des données, signature numérique et hachage), sécurisation des sites internet exploités mais aussi protocoles rigoureux et formation des employés sont autant de moyens permettant d’assurer une protection efficiente des données et donc d’échapper à une mise en cause de sa responsabilité. La mise en conformité ne saurait donc se limiter à une action ponctuelle, elle doit être insufflée à tous les niveaux de chaque entité et évoluer avec elle au fil du temps, des outils utilisés (notamment liés à l’intelligence artificielle générative), des usages et de son activité. 

L’équipe d’ALERION est à vos côtés pour vous accompagner dans la mise en œuvre des aspects juridiques et organisationnels de la protection cyber de votre structure (i.e. politique de sécurité des systèmes d’information, charte informatique, audit, sensibilisation adaptée…) ainsi que dans la mise en conformité au RGPD qui lui est intimement liée.

Plus encore, l’équipe d’ALERION saura vous conseiller dans la mise en place d’une protection juridique efficiente des actifs de votre entreprise face aux risques cyber, les cyberattaquants ayant compris la valeur du patrimoine informationnel dont peuvent disposer leurs victimes (savoir-faire, droits de propriété intellectuelle, secret des affaires …).

Par Corinne Thiérache, Avocat Associée, et Romane Cussinet, Élève-avocate des départements Propriété intellectuelle, Droit des technologies et du numérique et Protection des données personnelles du cabinet Alerion Avocats


[1] Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), entré en application le 23 mai 2018

[2] Commission de l’intelligence artificielle, IA : notre ambition pour la France, mars 2024

[3] Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information

[4] ANSSI, Rapport sur l’exploitation d’une vulnérabilité affectant MOVEit par le groupe cybercriminel CL0P, 5 juillet 2023. NB : MOVEit est une solution logicielle offrant un transfert sécurisé de fichiers

[5] ANSSI, Panorama de la cybermenace, 2023

[6] Délibération de la formation restreinte n°SAN-2023-021 du 27 décembre 2023 concernant la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE

[7] Article 82 du RGPD prévoyant le droit à réparation de la personne ayant subi un préjudice en raison de la violation du Règlement

[8] Directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union (dite « NIS 2 ») modifiant le règlement (UE) no 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2) (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

[9] Exemples : services d’informatique en nuage, centres de données, réseaux de communications électroniques

Dénigrement sur fond de négociations commerciales

Dénigrer ou informer :

La shrinkflation peut relever d’un débat d’intérêt général

En écho à notre tribune pour LSA portant sur le mano à mano entre fournisseurs et distributeurs au travers de pratiques de dénigrement et de déréférencement, le tribunal de Paris répond avec la manière.

À l’heure où les projecteurs médiatiques sont braqués sur les acteurs de la grande distribution, qu’ils soient distributeurs, fournisseurs ou agriculteurs, les juridictions apportent leurs premiers enseignements vis-à-vis des relations parfois houleuses entre la grande distribution et les grands groupes industriels. Les récentes campagnes de dénonciation de la réduflation ou shrinkflation[1] ont ainsi donné lieu à des précisions de la part du tribunal de commerce de Paris. Deux ordonnances[2] concernant deux grands distributeurs ayant choisi de dénoncer dans leurs points de vente les pratiques de certains industriels ont ainsi été rendues. Les industriels ciblés par ces campagnes ont choisi de répliquer sur fond d’action en concurrence déloyale et pratique commerciale trompeuse pour dénigrement. Défense efficace ? Le juge des référés a tranché par deux décisions qui peuvent paraitre contradictoires mais ne doivent pas être confondues tant les pratiques en cause étaient différentes.

I – Le dénigrement reconnu

PepsiCo obtient une victoire en faisant condamner Carrefour au retrait des affichages dénonçant la « Shrinkflation » notamment rédigés ainsi : « Ce produit a vu son grammage baisser et le tarif pratiqué par notre fournisseur augmenter ».

Pour le juge de l’urgence, cette communication n’a pas un caractère informatif. Elle est susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur moyen : ce dernier va « inévitablement » se détourner des produits PepsiCo. Au regard des éléments produits à l’instance, il en est résulté un effondrement des ventes de PepsiCo au dernier trimestre 2023.

Le juge s’est appuyé sur les éléments suivants  :

  • Carrefour commercialise des produits concurrents à ceux de Pepsico, sous sa propre marque (MDD) : l’affichage aurait entraîné ainsi un report de clientèle pouvant bénéficier aux intérêts du distributeur ;
  • le message passé par Carrefour n’est pas quantifié : il est vague et subjectif ; les informations sont dès lors invérifiables ;
  • Carrefour vise le « tarif » du fournisseur dans son message et pas du prix final, seul prix qui intéresse le consommateur.

D’une part, on se surprendra de l’argument premier dans la mesure où, récemment, la Cour d’appel de Paris[3], réformant une décision de l’Autorité de la concurrence, avait choisi de ne pas le retenir alors qu’il était mis en exergue par celle-ci. Cela avait donné lieu à l’absence de reconnaissance du dénigrement par la Cour, au contraire de l’Autorité. Faut-il faire de la bonne foi, c’est à dire de « la volonté de participer à l’apparition et la diffusion de la vérité »[4], un critère potentiel du dénigrement ? Autrement dit, et tel qu’on pourrait l’interpréter, l’intérêt commercial, voire le statut de concurrent direct pourraient être des éléments propres à faire tomber la présomption de bonne foi et pouvant de facto potentiellement remettre en cause l’action en dénigrement.

D’autre part, on se demande pourquoi l’argument de la notion de débat d’intérêt général n’a pas été relevé par le Tribunal – alors même que soulevé par les conseils de Carrefour au sens de la liberté d’expression –. En effet, « ont trait à un intérêt général les questions qui touchent le public dans une mesure telle qu’il peut légitimement s’y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu’elles concernent le bien-être des citoyens ou la vie de la collectivité. Tel est le cas également des questions qui sont susceptibles de créer une forte controverse, qui portent sur un thème social important, ou encore qui ont trait à un problème dont le public aurait intérêt à être informé »[5]. Quand on sait que la réduflation touche principalement les produits de grande consommation, et donc le quotidien de tous les citoyens… L’argument n’est ainsi pas dénué de sens.

Sans doute, la solution aurait été différente si les affichettes de Carrefour avaient été plus détaillées. La base factuelle aurait alors pu être suffisante pour entrer dans un débat d’intérêt général et n’aurait pas revêtu un aspect outrancier[6]. Cet aspect incomplet et imprécis de l’information constitue toute la différence avec la seconde affaire.

II – Le dénigrement écarté

A l’inverse, le tribunal donne raison à Intermarché contre Unilever[7]. L’enseigne de grande distribution avait choisi le ton de l’humour pour détourner des slogans publicitaires de diverses marques du groupe Unilever en chiffrant l’augmentation de prix et la diminution de poids. La question de fond posée au tribunal était la suivante : peut-on « dénigrer » avec humour au motif d’un débat d’intérêt général en matière de « Shrinkflation » ? La réponse est positive. Les affichettes disposées dans les magasins visent, selon le juge, un « débat d’intérêt général sur les pratiques actuelles de réduflation et de hausses tarifaires injustifiées de certains industriels ». Pour le juge des référés, point de dénigrement et point de confusion.

Cette fois-ci, l’argumentaire tenant à la notion de débat d’intérêt général est retenu. On note donc que la question de shrinkflation contribue à un débat d’intérêt général. Dont acte.

* * *

Au-delà, si les deux décisions peuvent être mises en perspectives, elles ne doivent toutefois pas être confondues. Plusieurs différences factuelles majeures sont ici notables :

  • contrairement à Carrefour, Intermarché a quantifié les éléments de réduflation en indiquant les quantités stabilisées ou diminuées contre les prix stabilisés ou augmentés ;
  • contrairement à Carrefour, les propos tenus par Intermarché avaient trait au prix des produits, intéressant directement le consommateur, et non aux tarifs, intéressant la seule négociation entre industriels et distributeurs ;
  • contrairement à Carrefour, Intermarché a procédé à une campagne humoristique destinée à informer d’une manière claire et précise le consommateur

Toutefois, là où le bât blesse, c’est qu’il est surprenant que le juge ait reproché, dans la première espèce, l’utilisation du terme « tarif », là où Intermarché s’est fondé sur le prix. Or, le prix final payé par le consommateur ne résulte pas que de l’augmentation pratiquée par le fournisseur. La marge du distributeur y est appliquée. L’information d’Intermarché n’est donc pas exacte en ce qu’elle induit en erreur : non, le fournisseur n’a pas augmenté ou stabilisé un prix. Il a augmenté ou stabilisé un tarif, ce qui s’est certes répercuté sur le prix, mais qui aurait pu être amorti par le distributeur.

N’oublions pas de mentionner, en toile de fond, ce qui pourrait devenir le point d’arrivée de toutes ces histoires : le futur arrêté en la matière, notifié par le gouvernement à la Commission européenne, qui devrait contraindre les distributeurs – dans un premier temps – à informer les consommateurs sur les pratiques de réduflation. Cette solution ne ferait que confirmer la tendance, prévisible, qui s’est dessinée : dénoncer la réduflation n’est pas un problème ; c’est la manière de le faire qui doit être regardée.

Rappel des faits : Dans la première affaire, Carrefour avait, depuis le 11 septembre 2023, placé des affichettes en linéaires pour signaler la pratique de shrinkflation du groupe Unilever. Les affichettes indiquaient de façon lacunaire le fait que le grammage baissait et que le prix augmentait, sans autre indication de prix. PepsiCo avait donc assigné Carrefour en référé pour dénigrement et pratique commerciale trompeuse. Dans la seconde affaire, Intermarché/Les 3 Mousquetaires avait annoncé avoir reçu une assignation en référé de la part du groupe Unilever. En cause ? La campagne publicitaire humoristique visible en magasins à l’encontre de certaines marques du groupe par l’enseigne de la grande distribution pour dénoncer les hausses de tarifs ou encore la shrinkflation. Ainsi pouvait-on lire directement dans les linéaires « Ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère, prix/kg jusqu’à +29% et poids – 105g » à côté des produits Carte d’Or, ou encore « Sont fadas. Prix/Litre +35% » à côté des produits Le Petit Marseillais.

Catherine Robin, avocat associé, Lucas Desmaris, élève-avocat, Département Distribution, Concurrence du cabinet Alerion d’Avocats.


[1] Pratique consistant à diminuer la quantité de produit

[2] T. com. Paris, 24 janvier 2024, n° 2023069037 et T. com. Paris, 8 février 2024, n° 2024004179

[3] CA Paris, pôle 5, ch. 7, 16 février 2023, n°20/14632, réformant ADLC, 20-D-11, 9 septembre 2020)

[4] Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2023, comm. 96, “Concurrence déloyale – Délicate application de la qualification de dénigrement à des propos litigieux –“.H.Aubry

[5] CEDH, 27 juin 2017, Affaire Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c/ Finlande, paragraphe 171 ; 1ère Civ., 1er mars 2017, n°15-22.946

[6] A rapprocher : Cass. com., 9 janvier 2019, n°17-18.350

[7] ordonnance n°2024004179 du 8 février 2024

La nouvelle chambre de la Cour d’appel de Paris dédiée aux contentieux émergents tenait sa première audience le 5 mars 2024

Pionnière avec sa loi sur le devoir de vigilance, la France a confirmé sa détermination pour agir dans ce domaine en créant une chambre spécialisée pour traiter le contentieux découlant du devoir de vigilance.

Début 2024, la Cour d’Appel de Paris a, en effet, annoncé la création d’une nouvelle chambre dédiée aux contentieux émergents[1] qui tenait sa première audience le 5 mars 2024.  

Cette nouvelle chambre, située au sein du pôle économique, a pour compétence les contentieux relatifs au devoir de vigilance[2], au reporting de durabilité CSRD[3], à la responsabilité écologique[4] ainsi qu’à l’appel des ordonnances de référés et à la mise en état dans ces matières[5].

L’inauguration de cette chambre illustre la volonté de la cour d’appel de Paris de « mieux mettre en lumière les interactions entre la cour d’appel de Paris et la Cité économique » qui avait présidé à la création du Conseil de justice économique de la Cour d’appel de Paris le 30 novembre 2023[6].

Dans un contexte où les enjeux juridiques entourant la responsabilité des entreprises sont de plus en plus prégnants, cette initiative est évidemment particulièrement bienvenue.

La spécialisation d’une chambre à compétence nationale devrait, en effet, garantir une jurisprudence unifiée sur ses divers champs de compétence et contribuer à une meilleure sécurité juridique pour les entreprises.

Les enjeux sont de taille puisque, pour cette première audience, la nouvelle chambre était saisie de trois affaires concernant le devoir de vigilance des sociétés TotalEnergies, Suez et EDF.

Pour rappel, la loi du 27 mars 2017 en France impose un devoir de vigilance aux grandes entreprises en matière environnementale, sociale et de gouvernance. Les sociétés comptant au moins 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde doivent établir et appliquer un plan de vigilance. Le non-respect de ces obligations peut engager leur responsabilité.

Dans les trois affaires appelées à l’audience du 5 mars 2024, les sociétés en cause se voient reprocher par des collectivités territoriales et des ONG la non-conformité de leurs plans de vigilance aux enjeux environnementaux.

Les affaires TotalEnergies, Suez et EDF

Pour TotalEnergies, le point central concerne la non-conformité de son plan de vigilance à l’objectif de l’Accord de Paris visant à contenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C, en raison de la poursuite des projets d’exploration de nouveaux gisements d’hydrocarbures.

En ce qui concerne Suez et EDF, les reproches portent sur des projets menés au Chili et au Mexique respectivement. Suez est accusée des défaillances répétées d’une de ses usines au Chili ayant affecté le réseau d’eau potable. EDF est confrontée à des accusations de non-consultation des populations autochtones dans le cadre d’un projet de parc éolien au Mexique.

Avant de statuer sur le fond de ces questions, le Tribunal judiciaire de Paris avait rejeté plusieurs demandes dans ces affaires, considérant que les demandeurs – des collectivités territoriales et des ONG – n’étaient pas recevables à agir[7]. Dans l’une de ces affaires, par exemple, le Tribunal avait notamment considéré que l’obligation de mise en demeure n’avait pas été respectée par les demandeurs, car leur mise en demeure ne visait pas le même plan de vigilance que leur assignation. Dans une autre affaire, le Tribunal a jugé que certaines collectivités territoriales, notamment les villes de Paris et de New York, n’avaient pas d’intérêt à agir, leurs territoires ayant été considérés comme non directement concernés.

Ces décisions très commentées apportaient des premiers enseignements concernant la loi sur le devoir de vigilance.

L’enjeu autour des décisions attendues

La Cour d’appel devra se prononcer sur la recevabilité des actions des collectivités territoriales et des ONG, qui soutiennent notamment que le Tribunal judiciaire n’aurait pas correctement apprécié les faits de l’espèce et aurait appliqué une exigence de « phase de conciliation » non prévue par la loi[8].

C’est une question essentielle ! La solution conditionnera l’engagement d’un contentieux appelé à se développer.

L’Observatoire Alerion des Contentieux Climatiques suit l’évolution de ces affaires avec intérêt.


[1] Cour d’appel de Paris, Création d’une chambre des contentieux émergents – devoir de vigilance et responsabilité écologique à la CA de Paris, 18 janvier 2024, https://www.cours-appel.justice.fr/paris/creation-dune-chambre-des-contentieux-emergents-devoir-de-vigilance-et-responsabilite.

[2] Actions relatives au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre fondées sur les articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du code de commerce.

[3] Publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022).

[4] Actions prévues à l’article L. 211-20 du code de l’organisation judiciaire, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre de parties, de la technicité du litige, de sa nouveauté, ou de l’étendue géographique du préjudice écologique.

[5] Cour d’appel de Paris, PÔLE 5 – Economique et commercial, 5  février 2024, https://www.cours-appel.justice.fr/paris/pole-5-economique-et-commercial#5-12.

[6] Cour d’appel de Paris, Conseil de justice économique, 5 décembre 2023,  https://www.cours-appel.justice.fr/paris/conseil-de-justice-economique.

[7] Tribunal judiciaire Paris, 6 juillet 2023, n° 22/03403, TotalEnergies SE (Total – Climat) ; Tribunal judiciaire Paris, 1er juin 2023, n° 22/07100, SUEZ SA ; Tribunal judiciaire Paris, 30 novembre 2021, n° 20/10246, EDF.

[8] Sherpa, Procès climatique contre TotalEnergies : audience décisive devant la cour d’appel, 4 mars 2024, https://www.asso-sherpa.org/proces-climatique-contre-totalenergies-audience-decisive-devant-la-cour-dappel.

Renforcement du contrôle des investissements étrangers : Pérennisation du seuil de prise de contrôle, nouveaux secteurs concernés et dispenses d’autorisation pour les opérations intra-groupe

Comme nous l’avions signalé en novembre dernier, la France a renforcé – une fois de plus – la règlementation relative au contrôle des investissements étrangers (dite « IEF ») par un décret[2] et un arrêté[3] du 28 décembre 2023. Ces mesures sont entrées en vigueur le 1er janvier 2024.

1.- Pérennisation du seuil de déclenchement à 10%

Afin de préserver les entreprises cotées françaises à la suite du Covid 19, la procédure IEF avait été adaptée en abaissant de 25% à 10% le seuil de détention des droits de vote d’une entreprise déclenchant la procédure d’autorisation pour les investisseurs issus de pays-tiers (hors Union européenne et Espace économique européen)[4].

Cette mesure, qui devait être provisoire, a été prolongée d’années en années[5] jusqu’au 31 décembre 2023. Le décret du 28 décembre 2023 la pérennise.

2.- Nouveaux secteurs soumis à autorisation

Le décret précité a également ajouté aux activités soumises à la procédure IEF, celles assurant « L’intégrité, la sécurité ou la continuité de l’extraction, de la transformation et du recyclage de matières premières critiques », ainsi que la sécurité des établissements pénitentiaires.

La liste des technologiques critiques est ainsi étendue, pour y inclure toutes les technologies intervenant dans la production d’énergie bas carbone (et non plus uniquement les énergies renouvelables) et la photonique.

3.- Dispense pour les opérations intra-groupe

Deux cas de dispense de demande d’autorisation sont prévus pour les opérations intra-groupes.

Dans le premier, l’investisseur est dispensé lorsque ce dernier, en dernier ressort dans la chaîne de contrôle, avait déjà acquis le contrôle de l’entreprise au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce. Cette chaine de contrôle est constituée de l’ensemble formé par un investisseur – entité de droit étranger ou entité de droit français contrôlée par une ou plusieurs entités de droit étranger – et les personnes ou entités qui le contrôlent.

Un investisseur est également dispensé de demande d’autorisation lorsqu’il franchit, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 10 % de détention des droits de vote d’une société de droit français dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, à la condition que le projet d’investissement ait fait l’objet d’une notification préalable au ministre chargé de l’économie. Dans ce cas, sauf opposition du ministre, la dispense de demande d’autorisation naît à l’issue d’un délai de dix jours ouvrés à compter de la notification.

4.- Rappels des principes applicables aux IEF

Quel que soit le montant de l’opération, tout investissement – direct ou indirect – réalisé par acquisition d’actions (prise de contrôle ou, pour les investisseurs hors EEE, acquisition de plus de 10% si la société est cotée en bourse – des droits de vote de la société cible) ou acquisition d’un fonds de commerce ou d’actifs (tout ou partie d’une branche d’activité d’une société) d’une entreprise française sensible est soumis à autorisation préalable du ministre de l’Économie, sous peine de nullité et de lourdes sanctions financières.

Depuis le 11 octobre 2020, les investissements étrangers doivent également faire l’objet d’une notification à la Commission européenne et aux autres États membres. Ce mécanisme de filtrage permet de renforcer la protection des activités et actifs essentiels de l’Union et de coordonner les réponses apportées aux investisseurs.

Les secteurs contrôlés comprennent, pour les investisseurs européens et non européens, (i) les activités de nature à porter atteinte aux intérêts de la défense nationale, de l’ordre public ou de la sécurité publique (matériels de guerre et assimilés, biens à double usage, dépositaires du secret de la défense nationale, sécurité des systèmes d’information, cryptologie, stockage de données sensibles…) ou (ii) les mêmes activités lorsqu’elles portent sur des infrastructures, biens ou services essentiels (énergie, eau, transports, opérations spatiales, communications, intégrité, sécurité et continuité d’un opérateur d’importance vitale, santé publique, matières premières critiques, produits agricoles, presse) et (iii) les activités de R&D dans les secteurs précités et liées aux technologies critiques (cybersécurité, intelligence artificielle, robotique, impression 3D, semi-conducteurs, etc.), ainsi qu’aux biens et technologies à double usage.

Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à contacter l’équipe Conformité et Affaires réglementaires.

Frédéric Saffroy, Associé & Alice Bastien, Avocate


[1] https://www.alerionavocats.com/investissements-etrangers-en-france-un-nouveau-renforcement-des-controles/

[2] Décret n° 2023-1293 du 28 décembre 2023 relatif aux investissements étrangers en France.

[3] Arrêté du 28 décembre 2023 relatif aux investissements étrangers en France.

[4] Décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020 relatif à l’abaissement temporaire du seuil de contrôle des investissements étrangers dans les sociétés françaises dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé.

[5] Décret n°2020-1729 du 28 décembre 2020, Décret n° 2021-1758 du 22 décembre 2021 et Décret n°2022-1622 du 23 décembre 2022.

 Jacques Perotto a rédigé une publication dans Option Finance « Gouvernance et actionnariat à l’aune de la durabilité : vers un New Deal » ?“

Les enjeux liés d’une part au défi environnemental et à l’obligation, d’autre part de se conformer à un reporting de durabilité depuis le 1er janvier 2024 en vertu de la CSRD, font naître des luttes d’influence dans les entreprises entre gouvernance et actionnaires dont certains se livrent à un activisme en faveur de la transition sociale et écologique.

Si l’idée d’un consensus apparait encore éloignée, il n’est pas inintéressant de constater que la pression règlementaire impulsée par l’UE s’accompagne d’une influence exercée par certaines institutions comme l’AMF dont le positionnement en faveur des questions de transition environnementale ne fait guère de doute à l’égard des entreprises cotées ; en témoigne, par exemple, le guide pédagogique publié très récemment et à destination des entreprises devant rendre compte de leur plan de transition climatique.

👉 Pour lire l’article dans son intégralité : https://url-r.fr/uGjhk

Nicola KÖMPF Associée du German Desk au sein du cabinet Alerion Avocats décrypte pour la LJA – LA LETTRE DES JURISTES D’AFFAIRES 

Nicola KÖMPF Associée du German Desk au sein du cabinet Alerion Avocats décrypte pour la LJA – LA LETTRE DES JURISTES D’AFFAIRES le climat des affaires Outre-Rhin, à l’aube de la nouvelle année, alors que la coalition européenne au pouvoir vient de revoir sa copie à la suite de l’intervention de la Cour constitutionnelle allemande. « Quels secteurs d’activité sont prometteurs dans un cadre contraint, mais qui reste solide ? »
 
👉 Pour lire l’article dans son intégralité : https://lnkd.in/exXE4yMu
 

Aperçu de l’image

Les BSPCE sont finalement éligibles au sursis d’imposition !

Dans un rescrit du 25 mai 2023 publié au BOFIP, l’administration fiscale avait considéré que le gain résultant de l’apport de titres reçus en exercice des BSPCE (bons de souscription de parts de créateur d’entreprise) ne pouvait pas bénéficier du mécanisme du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du CGI, et devait donc être imposé au titre de l’année de l’apport. Pour rappel, le sursis d’imposition permet de différer l’imposition sur la plus-value réalisée au moment de l’apport à une société non contrôlée par l’apporteur lors de la cession ultérieure des titres reçus en contrepartie de l’apport.

En effet, selon l’administration fiscale, même si le régime fiscal de faveur applicable aux BSPCE, codifié à l’article 163 bis G du CGI, est identique à celui applicable aux plus-values sur titres, et renvoie d’ailleurs à l’article 150-0 A du CGI, qui définit le régime fiscal applicable à ces plus-values, il ne peut s’agir d’un renvoi implicite à l’ensemble du régime des plus-values mobilières et, notamment, à l’article 150-0 B du CGI relatif au sursis d’imposition.

Dans sa décision du 5 février 2024 n°476309 (rendue à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir), le Conseil d’Etat invalide cette position en annulant les commentaires administratifs publiés sous les références BOI-RES-RSA-000127 et les derniers alinéas du §1 des BOI-RSA-ES-20-40-30 et BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10.

Le Conseil d’Etat considère qu’ « il résulte des dispositions de l’article 163 bis G du CGI, éclairé par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 dont il est issu et de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 ayant réformé le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, que le législateur a entendu soumettre le gain net réalisé lors de la cession de titres souscrits en exercice de BSPCE au régime de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu aux articles 150-0 A et suivants du même code, sous la seule réserve des règles particulières de taux qu’il édicte.

Ainsi, notamment, en cas d’apport à une société non contrôlée par l’apporteur de titres souscrits en exercice de tels bons, le gain résultant de cet apport n’est pas immédiatement taxable mais bénéficie du sursis d’imposition prévu par les dispositions de l’article 150-0 B du CGI ».

Priver l’apport de titres obtenus en exercice de BSPCE du sursis d’imposition, comme le proposait la doctrine administrative, avait pour conséquence de rendre exigible l’impôt sur le gain issu de l’opération d’apport.

Or, les bénéficiaires de BSPCE, à défaut de recevoir des liquidités en échange de l’apport de leurs titres, auraient pu se trouver dans l’impossibilité de payer l’impôt en question.

La décision du Conseil d’Etat accorde la neutralité fiscale à l’opération d’apport d’actions obtenues en exercice des BSPCE, dont l’imposition sera différée à date de la cession de ces actions.

La solution du Conseil d’Etat ne concerne que le sursis d’imposition, mais nous parait parfaitement transposable au mécanisme de report d’imposition prévu à l’article 150-0 B ter du CGI pour les apports réalisés à une société contrôlée par l’apporteur.

Cet arrêt constitue une nouvelle décision favorable au contribuable en matière de fiscalité des BSPCE après celle du 8 décembre 2023 n°482922, par laquelle le Conseil d’Etat avait estimé que, si l’article L 221-31 du Code monétaire et financier exclut la possibilité d’inscrire des BSPCE dans un PEA, rien ne fait obstacle à ce que les sommes versées sur ce PEA soient employées pour l’acquisition, en exercice de tels bons, de titres éligibles au PEA.

Au surplus, dans la mesure où l’administration fiscale considérait, dans son rescrit du 25 mai 2023, que le gain issu de l’exercice de BSPCE ne pouvait avoir la nature de plus-value de cession de valeurs mobilières, l’arrêt du 8 décembre 2023 laissait subsister une incertitude quant à la possibilité d’appliquer le régime d’exonération en matière de PEA sur un gain issu de l’exercice de BSPCE.

La décision rendue par le Conseil d’Etat ce 5 février 2024 semble affirmer que le gain issu de l’exercice de BSPCE constitue une plus-value de sorte que le raisonnement appliqué en matière de sursis d’imposition pourrait également être transposé au régime fiscal du PEA. Bien que cette solution semble intuitive, elle nécessite confirmation de la part de l’administration fiscale.

Notre équipe est à votre disposition pour vous accompagner sur toute question relative aux BSPCE ainsi qu’aux autres instruments de participation au capital.

 Christophe Gerschel, Pierrick Bouchard, Cyprien Prieur de la Comble

Corporate & Private Equity

Sommaire

  • Management packages : que peut-on encore faire ?
  • BSA : dernier coup de grâce ? 
  • Loi « partage de la valeur » : net assouplissement du régime d’attribution gratuite d’actions

MANAGEMENT PACKAGES : QUE PEUT-ON ENCORE FAIRE ?

Avec les fameux arrêts du Conseil d’Etat du 13 juillet 2021 (décisions n°428506, 435452, et 437498), du Conseil d’Etat du 28 janvier 2002 (n°433965), puis celui de la Cour de cassation du 28 septembre 2023 (Cass. 2e civ., n° 21-20.685, voir l’article sur les BSA ci-après), la jurisprudence durcit sa position quant au traitement fiscal et social des gains issus de management packages. Désormais, tout mécanisme d’accès au capital d’un salarié ou d’un mandataire social dont les conditions d’accès ou d’exercice sont plus ou moins liées à cette qualité est susceptible d’entrainer une requalification du gain en rémunération du travail d’un point de vue social et en traitement et salaires d’un point de vue fiscal.

La loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 transposant l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur en entreprise conclu le 10 février 2023 entre les syndicats et le patronat et visant à mieux associer les salariés aux performances des entreprises, ne comporte aucune disposition spécifique sur les management packages, si ce n’est un assouplissement du régime des AGA (voir l’article sur les AGA ci-après).

Dans ce contexte, que peut-on encore faire pour donner aux managers accès au capital sans trop de risque ?

Le meilleur remède demeure l’accès au capital direct le plus tôt possible dans la vie de l’entreprise, étant précisé que la souscription au capital ou l’acquisition directe de titres peuvent être effectuées moyennent des décotes de prix que l’on peut justifier par diverses considérations comme par exemple la faible quotité de titres concernés, l’illiquidité des titres cédés ou des droits différents attachés aux titres (privation du droit de vote par exemple ou rang inférieur dans une clause de liquidité).

Evidemment, cela suppose une mise de fonds des intéressés qui n’est pas toujours possible.

Dans ce dernier cas, les différents outils juridiques « gratuits » disponibles sont les suivants :

  • Les options de souscription ou d’achats d’actions (stock-options) : elles sont peu utilisées compte tenu de leur fiscalité lourde;
  • Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), avatars des BSA : ils bénéficient d’un traitement fiscal et social bien balisé ; toutefois les critères d’attribution (ancienneté de la société émettrice, quote-part de détention du capital par des personnes physiques, capitalisation boursière, exclusion des sociétés issues de restructuration, etc.) en font un mécanisme peu adapté aux opérations de LBO mais bien adapté pour les start-ups (d’autant plus avec l’annonce faite par le Ministre du Numérique, Jean-Noël Barrot, de la possibilité d’une décote d’illiquidité qui pourrait atteindre 90% – affaire à suivre) ;
  • Les attributions gratuites d’actions ordinaires (AGA) ou de préférence (AGADP) : l’assouplissement du volume d’attribution et les exceptions au paiement de la contribution patronale par la société émettrice en font un outil à ne pas négliger d’autant que certaines entreprises peuvent être exonérées de cette contribution à certaines conditions (voir l’article sur les AGA ci-après).

Si ces mécanismes juridiques sont relativement bien adaptés à la structuration de plans d’actionnariat salarié traditionnels, ils le sont beaucoup moins pour les opérations de LBO dans lesquelles il est requis un investissement financier des managers et corrélativement une prise de risque aux cotés des investisseurs financiers.

Dans le cadre de LBO, les outils permettant aux managers d’entrer au capital de la holding de reprise sont les actions ordinaires (AO) et les actions de préférences (ADP), ainsi que les bons de souscription d’actions (BSA).

Dès lors que leur « exerçabilité » est conditionnée par des clauses de vesting impliquant un lien direct avec la présence dans l’entreprise comme salarié ou mandataire social, les bons de souscription d’actions (BSA) sont à éviter même en les faisant évaluer par un professionnel du chiffre en vue de les faire payer à leur juste prix par leur bénéficiaire.

Les ADP dites « Ratchet » ou ADP négatives (droit de vote limité, parité de conversion conditionnée à l’atteinte d’objectifs financiers) souvent combinées à des ADP miroirs (dites « contributrices ») et à des procédés de sweet equity financés par les sponsors (sous forme d’obligations ou d’ADP) sont aujourd’hui privilégiées.

La souscription d’AO et/ou ADP peut aussi être utilisée de manière combinée avec les outils d’incentive classiques, tout comme l’attribution d’AGADP (actions gratuites donnant droit à des actions de préférence).

Les décisions du Conseil d’Etat ont été certes rendues sur des BSA mais quel que soit l’outil utilisé, si la finalité est la même, le risque de requalification ne doit pas être écarté.

Afin de réduire le risque de requalification du gain de cession en traitements et salaires, il conviendra de décorréler le statut d’associé du manager de son statut de salarié ou de mandataire social, notamment en supprimant ou en restreignant les clauses de leaver pour les remplacer par une clause d’exclusion applicable à l’ensemble des associés, en étendant les clauses d’incessibilité à tous les associés, et déplacer les clauses de non concurrence dans les contrats de mandat ou de travail.

Enfin, il est essentiel de rappeler que les titres acquis directement ou indirectement par les managers doivent l’être au « juste prix » qu’il est toujours préférable de faire déterminer par des professionnels même si ce critère est devenu accessoire avec l’avènement des décisions précitées du Conseil d’Etat.

BSA : DERNIER COUP DE GRÂCE ?

Dans un arrêt du 28 septembre 2023 publié au Bulletin, la Cour de cassation a achevé de dissuader les investisseurs d’avoir recours aux bons de souscriptions d’actions (BSA) pour intéresser les salariés et mandataires sociaux « clefs » des entreprises.

Depuis les arrêts du Conseil d’Etat[1] de 2021 en matière fiscale et celui de la Cour de cassation[2] de 2019 Groupe Lucien Barrière en matière sociale, les acteurs du private equity s’étaient en effet largement détournés des BSA pour l’intéressement des managers.

Par cette nouvelle décision, la Cour de cassation vient à la fois confirmer et préciser sa jurisprudence antérieure quant à la détermination d’un avantage considéré comme une rémunération du travail et donnant donc lieu à cotisation sociale dans le cadre de l’exercice ou de la cession de BSA, mais aussi opérer un revirement de jurisprudence quant au fait générateur des cotisations sociales.

1) La détermination d’un avantage donnant lieu à cotisations sociales

La Cour s’inscrit dans la continuité de l’arrêt Groupe Lucien Barrière susvisé en rappelant que deux conditions sont requises pour que les BSA génèrent un avantage qui entre dans l’assiette des rémunérations soumises à cotisation sociale : d’une part, les BSA doivent avoir été octroyés en contrepartie ou à l’occasion d’un travail, et d’autre part, ils doivent avoir été acquis à des conditions préférentielles.

La Haute juridiction introduit des développements par rapport à sa jurisprudence antérieure en ce qui concerne la notion de conditions préférentielles. Ces dernières résultent tant de la qualité de salariés ou de mandataires sociaux des bénéficiaires et de leur nombre limité que des conditions d’émission et de cessibilité des bons. La Cour va jusqu’à indiquer que « les conditions financières de la souscription n’en constituant qu’un simple indice ». En d’autres termes, faire scrupuleusement évaluer par un tiers expert les BSA pour les faire payer par leur bénéficiaire dès leur attribution ne suffit pas pour éviter le risque de requalification.

La Cour durcit ainsi sa jurisprudence Barrière en reléguant au second plan les conditions financières d’attribution des BSA et en accroissant le risque de soumission des gains liés aux BSA attribués à des salariés et mandataires sociaux aux cotisations sociales.

2) Le fait générateur des cotisations sociales

L’arrêt opère un revirement de jurisprudence très clair concernant le fait générateur des cotisations qui doit s’entendre désormais : « de la date de cession ou de réalisation des bons de souscription d’actions, de sorte que l’avantage doit être évalué à cette date en fonction du gain obtenu ou de l’économie réalisée par le bénéficiaire ».

Elle rappelle sa jurisprudence antérieure – de laquelle elle s’écarte – qui retenait que le fait générateur des cotisations sociales était la mise à disposition effective de l’avantage au salarié soit la date à laquelle il a la libre disposition des bons (i.e. la date où il dispose la possibilité d’exercer les bons) et que l’avantage doit être évalué selon la valeur des bons à cette date.

Avec ce revirement, les cotisations ne sont dues qu’en cas d’exercice des bons et leur assiette est constituée de la plus-value effectivement réalisée, soit une assiette beaucoup plus importante.

La détermination du fait générateur est importante car elle détermine le point de départ de la prescription[3] au-delà de laquelle plus aucune remise en cause n’est possible.

Désormais, le point de départ de la prescription est retardé à la date de cession ou de conversion des BSA, rendant la situation beaucoup moins favorable pour les salariés et dirigeants sociaux (au regard des cotisations salariales) mais également pour la société (au regard des cotisations patronales).

[1] Décisions n°428506, n°435452 et n°437498 en date du 13 juillet 2021

[2] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 avril 2019, 17-24.470

[3] Les cotisations sociales se prescrivent par 3 ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues (article L. 244-3 du Code de la sécurité sociale)

LOI « PARTAGE DE LA VALEUR » : NET ASSOUPLISSEMENT DU RÉGIME D’ATTRIBUTION GRATUITE D’ACTIONS

La France est le pays européen au sein duquel l’actionnariat salarié est le plus développé à ce jour. Son taux de « démocratisation », déterminé par la proportion d’actionnaires salariés sur l’ensemble des salariés, a été évalué par la Fédération européenne de l’actionnariat salarié à 32 % en 2022, contre 17% en moyenne pour les autres pays européens.

C’est dans ce contexte qu’a été votée la loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023 dite « partage de la valeur » avec notamment pour objectif de pérenniser l’avance de la France en matière d’actionnariat salarié en renforçant l’attractivité des dispositifs existants.

La poursuite de ces objectifs se traduit dans la nouvelle loi par plusieurs assouplissements notables :

1) Rehaussement des plafonds d’attributions gratuites d’actions

Le plafond d’AGA pouvant être attribuées précédemment fixé à 10% du capital social à la date de la décision d’attribution passe à 15% (article L. 225-197-1 I, al. 2 du Code de commerce) et sous certaines conditions peut monter à 20%, 30% voire 40%.

Ainsi, ce nouveau plafond de 15% passe à 20% du capital lorsque les actions gratuites sont attribuées à certaines catégories des membres du personnel salarié par des sociétés ne dépassant pas les seuils définissant les petites et moyennes entreprises et ayant introduit cette faculté dans leurs statuts. Ce pourcentage est même porté à 30 % lorsque l’attribution bénéficie à des membres du personnel salarié de la société représentant au moins 25 % du total des salaires bruts et versés lors du dernier exercice social et au moins 50 % du personnel salarié. Lorsque des mandataires sociaux ou salariés du groupe sont bénéficiaires d’AGA, ces seuils intègrent également les rémunérations brutes et l’effectif salarié de toutes les sociétés dont sont salariés les bénéficiaires du plan.

Enfin, en cas d’attribution à l’ensemble du personnel salarié de la société, le taux est porté à 40% du capital social, étant précisé que l’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq.

Pour mémoire, ne sont pas prises en compte dans ces pourcentages les actions qui n’ont pas été définitivement attribuées au terme de la période d’acquisition ainsi que les actions en cours de période de conservation.

2) Assouplissement des règles de détermination du plafond individuel d’AGA

Conformément à la volonté de favoriser l’actionnariat durable et de long terme des salariés et mandataires sociaux, l’article L. 225-197-1 II, al. 4 du Code de commerce prévoit que le plafond individuel interdisant aux salariés et mandataires sociaux la détention de plus de 10% du capital social ne prend désormais en compte que les titres de la société « détenus directement depuis moins de sept ans » et non plus la totalité des titres.

Antérieurement, cet article était muet quant au mode de détention des titres, directe ou indirecte.

Désormais, le texte est clair. La portée de ce changement devra cependant être mesurée avec précaution en pratique. En effet, une réponse ministérielle rendue en matière de stock-options incite à la plus grande prudence (elle a écarté le bénéfice du régime fiscal de faveur (qui était soumis au respect des différentes conditions notamment la limite individuelle de détention de 10 %) en raison d’une fraude commise par le dirigeant consistant dans l’interposition artificielle d’une holding à laquelle il avait apporté la quasi-totalité de sa participation dans la société émettrice pour pouvoir bénéficier d’une attribution de stock-options)[1].

Il y aura donc lieu de faire des calculs de détention « glissants » afin de revisiter au fur et à mesure du temps la capacité des bénéficiaires ayant une part de capital égal ou supérieur à 10%. 

3) Attribution d’AGA par les sociétés non cotées aux mandataires sociaux des sociétés dont elles détiennent directement ou indirectement au moins 10 % du capital ou des droits de vote

A l’instar de ce qui existe déjà pour les BSPCE, le législateur ouvre aux sociétés non cotées la possibilité d’attribuer des AGA aux mandataires sociaux de toute société ou GIE dont 10 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société qui attribue les actions.

A noter que la loi ne modifie pas les conditions pour bénéficier des abattements spécifiques prévues en matière fiscale et des exonérations de cotisations sociales concernant l’avantage tiré de l’attribution gratuite d’actions.

Nul doute que ces assouplissements donneront aux actions gratuites déjà très populaires dans les mécanismes d’incentive du Private Equity un nouvel élan surtout si les sociétés qui les attribuent remplissent les conditions pour être exonérées de la contribution patronale de 20%.



[1] Rép. min. n° 6110 : JOAN Q 21 févr. 1994, p. 886 , R. Pandraud

Pierre-Olivier Brouard, Vincent Poirier, Karine Khau-Castelle , Pauline de Roquefeuil et Vladimir Magaud 

Location meublée touristique : ce qui risque de changer à partir de 2024

Après un premier coup de semonce porté au régime fiscal de la location touristique, l’Assemblée Nationale vient d’adopter, le 29 janvier 2024, la proposition de loi Le Meur, qui a pour ambition affichée de remédier aux déséquilibres du marché locatif. Le texte va désormais être discuté au Sénat, et reste donc susceptible d’évoluer.

Si la volonté de remettre en cause la « niche fiscale Airbnb » a été très commentée, les modifications qui pourraient être apportées au régime juridique et fiscal de la location meublée touristique vont bien au-delà de ce seul aspect.

On vous explique ce qui pourrait changer à partir de 2024.

Refonte du régime micro : levée du brouillard, mais pas d’éclaircie en vue pour les locations touristiques

Le Gouvernement n’a pas attendu le vote de cette loi pour modifier le seuil du régime micro, qui permet aux propriétaires de déclarer le montant des loyers perçus, et de bénéficier d’un abattement forfaitaire au titre des charges. Ce sujet a en effet animé le vote de la Loi de finances pour 2024.

Et le résultat est à en perdre son latin : alors que le Gouvernement avait modifié le texte, proposé par amendement, il a finalement validé, par erreur, à l’occasion de la procédure accélérée, le texte modifié par le Sénat, tout en annonçant que le dispositif ne s’appliquerait pas en l’état. Pour ajouter à cet imbroglio, le texte voté par le Sénat comporte des erreurs de renvois entre les différents articles, et sa lecture littérale conduit à améliorer le sort de certaines locations touristiques, ce qui ne correspond manifestement pas à l’intention de départ des sénateurs.

La proposition de loi votée le 29 janvier 2024 clarifie cette situation, et entérine le durcissement du dispositif micro pour les meublés de tourisme. Elle abandonne en revanche la notion de « zone tendue » retenue par la Loi de finances pour 2024, et instaure des règles spécifiques pour les logements situés dans des zones très peu denses et dans les stations de sports d’hiver et d’alpinisme.

En synthèse :

Régime applicable avant la loi de finances pour 2024 :

Régime instauré par la loi de finances pour 2024 :

Régime voté le 29 janvier 2024 :

Plus-value de cession : prise en compte des amortissements dans le calcul de la plus-value

L’activité de location meublée permet de déduire des amortissements sur les revenus locatifs. Lorsque l’activité est exercée à titre non professionnel (régime LMNP), ces amortissements ne sont pourtant pas pris en compte dans le calcul de la plus-value de revente, qui relève du régime des plus-values immobilières du particulier.

Désormais, lorsque le bien est donné en location touristique, les amortissements déduits des revenus seraient repris dans le calcul de la plus-value.

Exemple :

Les locations meublées occupées à titre de résidence principale ne seraient en revanche pas impactées. Et les loueurs en meublé continueraient de relever du régime des plus-values professionnelles ou de celui des plus-values immobilières du particulier selon que l’activité soit exercée à titre professionnel ou non professionnel.

Déclaration des meublés de tourisme : un renforcement des contrôles, et la mise en place de nouvelles sanctions

Rappelons que les locations touristiques de résidences secondaires doivent faire l’objet d’une déclaration en mairie, qui donne lieu à la délivrance d’un numéro, qui doit être mentionné sur les annonces.

Désormais, l’obligation serait généralisée, y compris pour les résidences principales, et les déclarations centralisées au niveau national. Ces déclarations s’accompagneraient de différents justificatifs (qui restent à préciser), ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

Des amendes sont également prévues pour les personnes qui s’abstiendraient d’effectuer ces démarches et/ou indiqueraient un numéro erroné sur leurs annonces.

Ces obligations s’appliqueraient à partir de 2026, y compris aux biens déjà donnés en location, mais des délais sont prévus pour régulariser sa situation.

Synthèse des modifications apportées à l’obligation de déclaration des meublés de tourisme :

Changement d’usage : changement de braquet !

La location touristique d’une résidence secondaire d’un bien à usage d’habitation n’est possible, dans certaines communes (communes de plus de 200.000 habitants, celles situées en région parisienne, et certaines communes de plus de 50.000€ situées en zones tendues), que sous réserve d’obtenir une autorisation de changement d’usage, délivrée par la mairie.

Le texte voté le 29 janvier élargit l’obligation de changement d’usage à toutes les communes situées en zones tendues, et étend l’obligation aux personnes morales.

Le dispositif est par ailleurs remanié en profondeur. Le changement d’usage ne pourra par exemple plus être délivré sans s’assurer au préalable que le règlement de copropriété l’autorise.

Pour les constructions de logements neufs, les plans locaux d’urbanismes pourront par ailleurs instaurer des “servitudes d’usage”, et imposer que les logements construits soient occupés à titre de résidence principale (dans les communes dont le taux de résidences secondaires dépasse 20 % en zone tendue).

Location de sa résidence principale : un nombre de nuitées revu à la baisse

La location touristique de sa résidence principale resterait possible sans avoir à obtenir d’autorisation de changement d’usage. Mais outre l’obligation de déclaration mise en place, le seuil maximum de 120 jours par an, applicable actuellement, pourrait être ramené à 90 jours, sur délibération motivée de la municipalité.

Obligation de DPE et de décence énergétique étendue aux meublés de tourisme

L’obligation d’obtenir un diagnostic énergétique (DPE), et l’interdiction de location imposée aux logements ne répondant pas à des critères minimums de décence énergétique, ne s’imposaient jusqu’à présent qu’aux locations de logements occupés à titre de résidence principale.

Ces obligations seraient étendues aux locations de meublés touristiques, les mairies ayant toutefois la possibilité d’y déroger se des « circonstances locales particulières » le justifient.

Plus que jamais, la réalisation d’un investissement immobilier destiné à être donné en location nécessite une étude préalable du projet, en particulier lorsque le bien est destiné à de la location touristique, de courte durée. Notre équipe fiscale est à votre disposition pour vous accompagner dans vos projets.

Stanislas Vailhen Associé & Julien Lebel Counsel

Résumé de la politique de confidentialité

Version mise en ligne Janvier 2020

Alerion, en tant que responsable de traitement, attache une importance toute particulière à la protection de vos données personnelles (ci-après « Données Personnelles » ou « Données »), telles que définies par le Règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des Données Personnelles et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, dite « Informatique et Libertés » (ci-après dénommés ensemble la « Règlementation »).

La présente Politique de confidentialité a vocation à détailler de manière transparente la manière dont Alerion recueille, stocke, utilise et divulgue vos Données Personnelles lorsque vous consultez le site Internet, accessible notamment à l’adresse https://www.alerionavocats.com/ (le « Site ») et/ou que vous souhaitez obtenir des services ou informations proposés sur le Site (les « Services »).

La présente Politique est complétée, le cas échéant, par nos Conditions Générales de Services qui sont annexées aux Conventions d’honoraires d’Alerion, ainsi que par les mentions informatives indiquées dans nos formulaires de collecte de Données.

En utilisant le Site vous acceptez la Politique de confidentialité.

Plus d'informations ici