Les BSPCE sont finalement éligibles au sursis d’imposition !

07 février 2024
Christophe Gerschel & Pierrick Bouchard

Dans un rescrit du 25 mai 2023 publié au BOFIP, l’administration fiscale avait considéré que le gain résultant de l’apport de titres reçus en exercice des BSPCE (bons de souscription de parts de créateur d’entreprise) ne pouvait pas bénéficier du mécanisme du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du CGI, et devait donc être imposé au titre de l’année de l’apport. Pour rappel, le sursis d’imposition permet de différer l’imposition sur la plus-value réalisée au moment de l’apport à une société non contrôlée par l’apporteur lors de la cession ultérieure des titres reçus en contrepartie de l’apport.

En effet, selon l’administration fiscale, même si le régime fiscal de faveur applicable aux BSPCE, codifié à l’article 163 bis G du CGI, est identique à celui applicable aux plus-values sur titres, et renvoie d’ailleurs à l’article 150-0 A du CGI, qui définit le régime fiscal applicable à ces plus-values, il ne peut s’agir d’un renvoi implicite à l’ensemble du régime des plus-values mobilières et, notamment, à l’article 150-0 B du CGI relatif au sursis d’imposition.

Dans sa décision du 5 février 2024 n°476309 (rendue à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir), le Conseil d’Etat invalide cette position en annulant les commentaires administratifs publiés sous les références BOI-RES-RSA-000127 et les derniers alinéas du §1 des BOI-RSA-ES-20-40-30 et BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10.

Le Conseil d’Etat considère qu’ « il résulte des dispositions de l’article 163 bis G du CGI, éclairé par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 dont il est issu et de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 ayant réformé le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, que le législateur a entendu soumettre le gain net réalisé lors de la cession de titres souscrits en exercice de BSPCE au régime de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu aux articles 150-0 A et suivants du même code, sous la seule réserve des règles particulières de taux qu’il édicte.

Ainsi, notamment, en cas d’apport à une société non contrôlée par l’apporteur de titres souscrits en exercice de tels bons, le gain résultant de cet apport n’est pas immédiatement taxable mais bénéficie du sursis d’imposition prévu par les dispositions de l’article 150-0 B du CGI ».

Priver l’apport de titres obtenus en exercice de BSPCE du sursis d’imposition, comme le proposait la doctrine administrative, avait pour conséquence de rendre exigible l’impôt sur le gain issu de l’opération d’apport.

Or, les bénéficiaires de BSPCE, à défaut de recevoir des liquidités en échange de l’apport de leurs titres, auraient pu se trouver dans l’impossibilité de payer l’impôt en question.

La décision du Conseil d’Etat accorde la neutralité fiscale à l’opération d’apport d’actions obtenues en exercice des BSPCE, dont l’imposition sera différée à date de la cession de ces actions.

La solution du Conseil d’Etat ne concerne que le sursis d’imposition, mais nous parait parfaitement transposable au mécanisme de report d’imposition prévu à l’article 150-0 B ter du CGI pour les apports réalisés à une société contrôlée par l’apporteur.

Cet arrêt constitue une nouvelle décision favorable au contribuable en matière de fiscalité des BSPCE après celle du 8 décembre 2023 n°482922, par laquelle le Conseil d’Etat avait estimé que, si l’article L 221-31 du Code monétaire et financier exclut la possibilité d’inscrire des BSPCE dans un PEA, rien ne fait obstacle à ce que les sommes versées sur ce PEA soient employées pour l’acquisition, en exercice de tels bons, de titres éligibles au PEA.

Au surplus, dans la mesure où l’administration fiscale considérait, dans son rescrit du 25 mai 2023, que le gain issu de l’exercice de BSPCE ne pouvait avoir la nature de plus-value de cession de valeurs mobilières, l’arrêt du 8 décembre 2023 laissait subsister une incertitude quant à la possibilité d’appliquer le régime d’exonération en matière de PEA sur un gain issu de l’exercice de BSPCE.

La décision rendue par le Conseil d’Etat ce 5 février 2024 semble affirmer que le gain issu de l’exercice de BSPCE constitue une plus-value de sorte que le raisonnement appliqué en matière de sursis d’imposition pourrait également être transposé au régime fiscal du PEA. Bien que cette solution semble intuitive, elle nécessite confirmation de la part de l’administration fiscale.

Notre équipe est à votre disposition pour vous accompagner sur toute question relative aux BSPCE ainsi qu’aux autres instruments de participation au capital.

 Christophe Gerschel, Pierrick Bouchard, Cyprien Prieur de la Comble