Mobilité internationale à l’ère de la digitalisation et du télétravail 

Dans le cadre d‘une série de webinaires des commissions mixtes juridique et fiscale de la Chambre franco-allemande de Commerce et d’Industrie sur le sujet d’actualité de la « Mobilité internationale à l’ère de la digitalisation et du télétravail », Nicola Kömpf, associée chez Alerion Avocats et responsable du German Desk, a exposé avec des confrères des cabinets BMH, GVV et CMS sur la base d’un cas pratique les différentes problématiques qui se posent en cas d’embauche d’un salarié français par une entreprise allemande sans siège en France.

Le prochain webinaire avec focus sur le détachement de salariés intragroupe ou pas de l’Allemagne vers la France se tiendra le 12 juin 2023 à 18h30.

N’hésitez pas à vous y inscrire auprès de kdreux@francoallemand.com

Abandon de poste : la présomption de démission est entrée en vigueur

Depuis le 19 avril 2023, le salarié qui abandonne volontairement son poste sans reprendre son travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence est présumé avoir démissionné.

Les modalités pratiques de cette réforme, dont l’objectif affiché est de priver les salariés abandonnant leur poste de leur droit aux allocations chômage, ont été précisées par le décret n°2023-275 du 17 avril 2023, publié au journal officiel le 18 avril, ainsi que par un « Questions-Réponses » publié par le Ministère du Travail.

Présomption de démission, mode d’emploi

Désormais, « le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main-propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. » (C. trav., art. L.1237-1-1 – C. trav., art. R.1237-13).

Ce délai fixé par l’employeur, et laissé au salarié pour justifier de son absence, ne peut être inférieur à 15 jours calendaires à compter de la présentation de la mise en demeure au salarié.

Pratiquement, l’employeur constatant que le salarié a abandonné son poste, devra, s’il entend se prévaloir de la présomption de démission du salarié, dans un premier temps le mettre en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception de justifier de son absence et de reprendre son poste, lequel doit, a minima, (i) indiquer le délai dans lequel le salarié doit reprendre son poste (15 jours minimum), (ii) demander au salarié la raison de son absence, (iii) rappeler que passé le délai susvisé, faute pour le salarié d’avoir repris son poste ou justifié son absence, ce dernier sera présumé démissionnaire et, par conséquent, privé de son droit aux allocations chômage.

Il ne parait pas inutile de rappeler également au salarié qu’en cas de démission, il est en principe redevable d’un préavis à l’égard de son employeur.

A la réception de cette mise en demeure, deux situations sont envisageables :

1- Soit le salarié dispose d’un motif légitime à son abandon de poste : dans ce cas, il doit le communiquer à l’employeur.

A titre d’exemple, sont notamment considérés comme un motif d’absence légitime selon le décret du 17 avril 2023 : des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait, l’exercice du droit de grève, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou encore une modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur…

Dans ces cas, la procédure de présomption de démission ne peut être conduite à son terme et l’employeur devra alors simplement traiter l’absence légitime du salarié.

En dehors de ces hypothèses, il appartiendra à l’employeur d’apprécier si la justification avancée par le salarié est « légitime » et susceptible de justifier de son absence, avant de poursuivre, ou non, la procédure de présomption de démission.

2- Soit le salarié ne dispose pas d’un motif légitime (pour l’employeur) ou ne répond pas à la mise en demeure à la date fixée par l’employeur, il sera alors présumé démissionnaire à l’issue du délai de 15 jours ou plus qui lui aura été accordé.

La fin des licenciements pour abandon de poste ?

Compte tenu des incertitudes entourant encore la procédure de présomption de démission, il s’est rapidement posé la question de savoir si l’employeur conservait la faculté de recourir à la voie du licenciement pour abandon de poste.

Sur ce point, le Questions-Réponses du Ministère du Travail répond par la négative en indiquant clairement que « si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. Il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ».

Pour autant ce Questions-Réponses n’a aucune valeur normative, là où la loi et son décret d’application n’excluent pas expressément la faculté pour l’employeur de licencier un salarié pour abandon de poste.

Le décret du 17 avril 2023 précise même que « l’employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission (…) », laissant ainsi penser que celui-ci a la possibilité d’opter pour cette nouvelle procédure ou celle du licenciement.

Le Conseil d’Etat est d’ailleurs actuellement saisi de cette contradiction apparente par le biais d’un recours en excès de pouvoir concernant les dispositions mentionnées au sein du Questions-Réponses. 

Les entreprises devront donc se montrer particulièrement prudentes face aux situations futures d’abandon de poste et décider, en fonction des circonstances et du contexte entourant cet abandon de poste de la procédure à adopter. S’il convient sans doute de privilégier aujourd’hui la voie de la présomption de démission dans le cas d’un abandon de poste simple, celle du licenciement devra être retenue chaque fois, notamment, qu’il existe d’autres griefs s’ajoutant à celui de l’abandon de poste.

Par ailleurs, et bien que le cas soit relativement rare, une vigilance toute particulière devra également être accordée aux situations dans lesquelles un salarié protégé se trouverait en situation d’abandon de poste compte tenu des enjeux liés à une éventuelle requalification de sa potentielle démission présumée en licenciement prononcé sans autorisation préalable de l’inspection du travail, à savoir la nullité du licenciement et la faculté d’obtenir sa réintégration au sein de l’entreprise, souvent plusieurs années après la rupture du contrat de travail.

Quels recours pour le salarié souhaitant contester sa démission présumée ?

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de la présomption de démission peut saisir le Conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées.

Il statue (théoriquement…) au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

Ainsi, la présomption de démission étant une présomption simple, le salarié peut contester son application devant les juridictions prud’homales en faisant valoir qu’il disposait d’un motif légitime pour s’absenter.

Une question se pose alors quant aux conséquences de ce recours sur le plan indemnitaire pour un salarié qui obtiendrait gain de cause.

La présomption de démission renversée devrait produire les effets d’un licenciement injustifié et permettre au salarié de bénéficier des allocations chômage. Pour autant, ce licenciement, non causé, produirait-il les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ?

De la même manière, quelles sanctions seront appliquées en cas, par exemple, de non-respect du délai de 15 jours accordé au salarié pour justifier de son absence ?

La loi et son décret d’application restent muets sur ces questions qui restent entières et auxquelles il appartient désormais aux juges de répondre.

Jean-Christophe BrunAssocié, Florian Lenoir et Anne-Sophie Houbart, Collaborateurs

Cybercriminalité : l’UE présente son projet de règlement « Cyber Solidarity Act »

En 2022, au niveau européen, les cyberattaques ont représenté une moyenne d’environ 1000 attaques par semaine. En France, 1 entreprise sur 2 est victime d’une cyberattaque selon le baromètre du CESIN (Club des Experts de la Sécurité de l’Information et du Numérique). Dans ce contexte, on estime que la cybercriminalité coûtera aux entreprises du monde entier environ 10 500 milliards de dollars par an d’ici 2025.

Le développement des nouvelles technologies telles que celles de l’Intelligence Artificielle (ChatGPT, etc.), permet aujourd’hui de générer des codes et des emails malveillants plus facilement et de manière automatisée. Ainsi, les experts en cybersécurité prédisent que l’activité cybercriminelle ne fera qu’accélérer dans les années à venir.

Pour faire face à cette cybercriminalité toujours plus inventive, et promouvoir un cyberespace sûr et sécurisé, l’Union Européenne s’est saisie du sujet en présentant, ce mardi 18 avril 2023, son projet de règlement intitulé « Cyber Solidarity Act ». La Commission entend ainsi renforcer la solidarité de l’Union européenne et les actions coordonnées afin de détecter les menaces et incidents en matière de cybersécurité, à s’y préparer et à y réagir efficacement.

La mesure phare de ce règlement serait la mise en œuvre d’un cyberbouclier européen coopératif et uni (European Cyber Shield), décrit par la Commission européenne comme « une infrastructure paneuropéenne de centres d’opérations de sécurité (SOC) nationaux et transfrontaliers » chargés de détecter et de contrer ces cybermenaces. Le texte prévoit également d’autres mesures telles que la création d’un mécanisme d’urgence en matière de cybersécurité pour aider les États membres à se préparer à des incidents de cybersécurité importants et à grande échelle, à y répondre et à y remédier immédiatement, et la création d’un mécanisme d’examen des incidents de cybersécurité destiné à examiner et évaluer les incidents significatifs ou de grande ampleur dont l’ENISA (agence de l’Union européenne pour la cybersécurité) aurait la charge.

Dans l’attente de l’adoption de ce règlement européen, les équipes du département Droit des technologies et du numérique du cabinet Alerion Avocats se tiennent naturellement à votre disposition pour vous accompagner et vous conseiller avant, pendant et après une cyberattaque afin d’en limiter les risques, notamment financiers et réputationnels, ainsi que pour préparer votre mise en conformité à ce Règlement européen.

Corinne Thiérache, Associée, Caroline Leroy-Blanvillain, Collaboratrice, Hanna Le Derrien, élève-avocate et Milena Dreyfus, juriste des Départements.

Vers une évolution possible des critères légaux de la parahôtellerie

Le Conseil d’Etat est saisi d’une demande d’avis relative à la conformité du régime de TVA de la parahôtellerie avec le droit de l’Union Européenne.

Il pourrait en résulter une extension du champ d’application de la TVA, et une simplification des critères retenus en droit français pour caractériser une activité de parahôtellerie obligatoirement assujettie à TVA. 

Le régime de TVA français de la parahôtellerie est issu de la directive TVA (article 135 de la directive 2006/112/CE), qui impose aux Etats membres d’exonérer les locations de biens immobiliers, nus ou meublés, à l’exception des « opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire ».

Ces dispositions ont été transposées en droit français à l’article 261 D du Code général des impôts (CGI), dont le b du 4° prévoit que sont considérées comme des prestations parahôtelières les locations de logements meublés accompagnées d’au moins trois des quatre prestations mentionnées à cet article –  à savoir la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison ou la réception, même non personnalisée, de la clientèle – rendues dans des conditions  similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle (voir l’article que nous avons écrit pour Profession CGP en date du 11/05/2020).

Initialement ce texte exigeait que l’ensemble des quatre activités soient cumulativement exercées. Le Conseil d’Etat s’était toutefois rallié à la méthode prescrite par la CJCE et avait considéré dans la décision « Lejeune » (CE, 9e et 10e ss-sect., 11 juillet 2001, n°217675) que le caractère cumulatif de ces quatre prestations méconnaissait le droit communautaire. Tirant strictement les conséquences de cette décision, qui concernait un contribuable qui ne fournissait que trois des quatre prestations, le législateur avait modifié le texte afin de mettre en place le ratio de trois activités sur quatre tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Le Conseil d’Etat pourrait donc à nouveau être amené à remettre en cause les critères strictes prévus par le b du 4° de l’article 261 D du CGI, en privilégiant la situation globale de concurrence du prestataire avec des hôteliers professionnels sur une stricte application du ratio précité.

C’est en effet le caractère contraignant et exhaustif de ces critères légaux que soulevait le contribuable dans l’affaire pendante devant la Cour administrative d’appel de Douai, à l’origine de la saisine pour avis du Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat dispose d’un délai de 3 mois1, pour répondre aux questions suivantes :

  • En subordonnant l’application de la TVA aux prestations de location à la réalisation d’au moins trois des quatre prestations ci-dessus rappelées, les dispositions de l’article 261 D 4° du CGI sont-elles compatibles avec les dispositions de la directive TVA ?
  • Dans la négative, la fourniture de seulement une ou deux de ces prestations est-elle suffisante pour écarter l’exonération de la prestation de location ?

Dans un jugement rendu en 2022, le Tribunal administratif de Grenoble a déjà écarté l’application stricte du ratio des prestations de services exigé par le droit français, au profit d’une appréciation globale des circonstances de faits, afin de vérifier si les prestations d’hébergement offertes sont en concurrence potentielle avec les prestations hôtelières.

Le Tribunal a considéré que « la circonstance qu’un opérateur ne fournisse pas trois des quatre prestations mentionnées au b. du 4° de l’article 261 D ne permet pas d’écarter de manière certaine que les prestations d’hébergement temporaires qu’il réalise entrent en concurrence avec le secteur hôtelier. »,

et que

« en exigeant, pour fixer le champ de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, que les prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle comportent nécessairement un nombre prédéterminé de prestations de services accessoires qu’elles énumèrent, les dispositions précitées de l’article 261 D limitent excessivement le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée des opérations d’hébergement temporaire qui remplissent les fonctions essentielles d’une entreprise hôtelière et sont en concurrence potentielle avec ces dernières » (TA Grenoble, 7e ch. 14/10/2022, n°1908305).

Le tribunal de Grenoble a considéré que la fourniture de deux prestations est suffisante, mais qu’une seule prestation ne l’est en revanche pas, pour caractériser une activité de parahôtellerie assujettie à TVA.

Il sera intéressant de voir quelle voie choisit le Conseil d’Etat en remettant en cause ou non les critères stricts prévus par l’article 261 D du CGI.

Si cette évolution ne se fait pas sous l’impulsion du juge fiscal, elle pourrait en revanche venir du législateur français ou européen.

En effet, dans le cadre des débats sur le vote de la loi de finances pour 2023, le Sénat avait adopté, contre l’avis du Gouvernement, un article qui prévoyait de soumettre à la TVA toutes les locations de meublés de tourisme au sens du I de l’article L 324-1-1 du Code de tourisme, c’est-à-dire les locations à la journée, à la semaine ou au mois de villas, appartements ou studios meublés proposées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

Les sénateurs qui souhaitaient limiter la concurrence qu’imposent les plateformes de location aux activités traditionnelles d’hébergement, assujetties à TVA, avaient souligné « le caractère obsolète » du ratio de prestation fixé à l’article 261 D du CGI.

De même un projet de directive européenne « VAT in digital age » (ViDA), pourrait modifier significativement les conditions d’application de la TVA aux prestations d’hébergement parahôteliers. Ce projet prévoit en effet de redéfinir les prestations de parahôtellerie et de soumettre systématiquement à la TVA certaines prestations d’hébergement proposées par l’intermédiaire de plateformes numériques (tel que Airbnb, Abritel, Booking, etc.).

Le contexte général est donc propice à une extension du régime de la TVA parahôtelière, qui pourrait offrir des opportunités aux contribuables qui ne fournissent qu’une partie des prestations précédemment énumérées, et qui ont acquitté un montant important de TVA sur l’acquisition de leur bien ou dans le cadre de travaux, étant rappelé que ce régime offre bien d’autres avantages fiscaux, à condition d’en maitriser les conditions, et sous réserve de bien structurer cette activité.

Stanislas Vailhen, Associé et Maxime Sniegula, Collaborateur Senior

***

[1] Sous réserve d’un sursis à statuer pour soumette une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne.

Géolocalisation des véhicules : une nouvelle sanction de la CNIL

Depuis plusieurs années, la collecte de données de géolocalisation des véhicules est devenue un enjeu majeur pour les entreprises de nombreux secteurs : transport, logistique, location de véhicules, gestion de flotte, assurance et financement de véhicules, maintenance prédictive, protection contre le vol, etc. Ces données leur permettent notamment de gérer en temps réel et d’anticiper les besoins en personnels et en véhicules, d’assister l’utilisateur, de suivre les déplacements effectués, de facturer des prestations (autopartage, location, financement, assurance), de repérer – et bloquer – les véhicules volés ou encore traiter les infractions au Code de la route.

Ces données sont toutefois révélatrices de la vie privée des utilisateurs des véhicules connectés (engins de chantier, bus, camions, automobiles, motos, scooters, vélos, trottinettes, etc.). Leur traitement (collecte, analyse, utilisation, conservation, etc.) soulève donc des questions structurantes en matière de protection des données personnelles et de respect des droits et libertés fondamentaux.

1. Un encadrement strict par le RGPD et les lignes directrices

Dès 2006, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (la « CNIL ») a réglementé la géolocalisation des véhicules des salariés (« NS-051 » modifiée en 2015). Après l’adoption du Règlement Général sur la Protection des Données 2016/679 du 27 avril 2016 (« RGPD »), des lignes directrices ont été élaborées pour encadrer la collecte et le traitement des données de géolocalisation.

En France, la CNIL a publié en 2017 un pack de conformité « Véhicules connectés et données personnelles »[1] rappelant les principes clés à respecter au regard de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, telle que modifiée (« Loi Informatique et Libertés ») et du RGPD. Ces principes reposent notamment sur l’obligation de disposer d’une base légale, la loyauté de la collecte des données, une finalité légitime, l’application du principe de proportionnalité, une durée de conservation limitée et la mise en place de mesures de sécurité.

L’année suivante, la CNIL publiait des lignes directrices sur la géolocalisation des véhicules des salariés remplaçant la NS-051[2]. Les dispositifs de géolocalisation installés dans des véhicules mis à dispositions de salariés ne peuvent pas être utilisés pour contrôler le respect des limitations de vitesse, contrôler les employés ou encore calculer leur temps de travail. Leurs droits doivent aussi être respectés (information sur le traitement, la finalité, la base légale, la durée, ainsi que les droits d’accès, de rectification, de suppression et d’opposition) et les institutions représentatives du personnel doivent être consultées.

En 2020, les lignes directrices européennes 01/2020 sur les données de géolocalisation pour les véhicules connectés et des applications liées à la mobilité sont publiées[3]. Fortement inspirées des lignes directrices de la CNIL, elles fixent un cadre interprétatif européen pour la collecte, le traitement et l’utilisation des données de géolocalisation.

Après avoir rappelé que « leur caractère de plus en plus intrusif peut, en effet, mettre à rude épreuve les possibilités actuelles de préserver son anonymat », le Comité européen de la protection des données (« CEPD ») précise que les constructeurs de véhicules et d’équipements, les prestataires de services et les autres responsables du traitement doivent être vigilants à l’égard des données de géolocalisation, lesquelles permettent de révéler des habitudes de vie et de déduire un lieu de travail, un domicile, voire même des informations sensibles, comme la religion ou l’orientation sexuelle. Les données de localisation ne doivent donc pas être collectées, à moins que cette collecte soit absolument nécessaire pour la finalité du traitement.

A l’instar de la CNIL, le CEPD précise que la collecte des données de géolocalisation doit respecter les principes suivants :

  • un paramétrage adéquat de la fréquence d’accès aux données de localisation collectées et de la finesse de ces données par rapport à la finalité du traitement,
  • la fourniture d’une information précise sur les finalités du traitement,
  • lorsque le traitement est basé sur le consentement, le recueil d’un consentement valable (libre, spécifique et éclairé) distinct des conditions générales de vente ou d’utilisation,
  • l’activation de la localisation uniquement lorsque l’utilisateur lance une fonctionnalité qui nécessite de connaître la localisation du véhicule et
  • la fixation d’une durée de conservation limitée.

Bien que ces lignes directrices ne soient pas contraignantes, la CNIL s’y est expressément référé dans sa décision de sanction du 16 mars 2023 à l’encontre de la société Cityscoot[4].

2. La sanction à l’encontre de Cityscoot

Cityscoot est une entreprise de location de scooters électriques. Ces scooters sont équipés de boîtiers électroniques comprenant une carte SIM et un système de géolocalisation GPS, collectant des données de position toutes les 30 secondes lorsque le scooter est actif et que son tableau de bord est allumé.

Les données sont collectées pour les finalités suivantes : traitement des infractions au Code de la route, traitement des réclamations clients, support aux utilisateurs (appel des secours en cas de chute d’un utilisateur), gestion des sinistres et des vols. Elles sont stockées dans trois bases de données distinctes : une « base de données scooter », contenant les données remontées par les capteurs fixés sur le scooter ; une « base de données réservation », contenant les dates et heures de début et de fin de chaque location et une « base de données client » comprenant les données permettant de gérer la facturation.

La CNIL considère que ces données de géolocalisation sont des données personnelles, dès lors qu’un rapprochement est possible entre les différentes bases de données distinctes de l’entreprise, permettant d’affecter des positions ou un trajet à un utilisateur.

Dans sa décision, la CNIL considère « qu’aucune des finalités avancées par la société ne justifie une collecte toutes les 30 secondes des données de géolocalisation au cours de la location d’un scooter et la conservation de ces données » et qu’ « une telle pratique est en effet très intrusive dans la vie privée des utilisateurs dans la mesure où elle est susceptible de révéler leurs déplacements, leurs lieux de fréquentation, la totalité des arrêts effectués au cours d’un parcours, ce qui revient à mettre en cause leur liberté de circuler anonymement ».

Concernant la fin de la location et les réclamations sur la facturation en découlant, la CNIL relève qu’il serait possible « de mettre en place des mécanismes alternatifs et moins intrusifs permettant à la société de s’assurer que l’utilisateur a bien mis fin à la location ou, au contraire, de l’avertir lorsque ce n’est pas le cas, par exemple par l’envoi d’un SMS ou la confirmation, par une alerte via l’application, que la location a pris fin. ».

Pour la gestion des amendes, la formation restreinte de la CNIL considère que « la collecte et la conservation des données de position des scooters, toutes les 30 secondes, est excessive dans la mesure où elle concerne la totalité des scooters loués par la société alors qu’elle ne répond qu’à une finalité incidente dans le cas où un utilisateur aurait besoin de ces données pour contester une infraction au code de la route. ».

De même, seule la dernière position connue du scooter est nécessaire pour la gestion des vols lors d’une période de location. Cette hypothèse « ne suffit pas à justifier la collecte des données de géolocalisation toutes les 30 secondes de l’ensemble des trajets des utilisateurs. ».

Enfin, « la notification technique du scooter trop incliné ou l’appel de l’utilisateur » suffit à informer Cityscoot d’un accident, afin de porter assistance à un utilisateur. La géolocalisation n’est donc ni adéquate ni pertinente au regard de cette finalité.

En conséquence, la CNIL a prononcé une amende de 125 000 euros à l’encontre de Cityscoot au regard des manquements constitués aux articles 5, paragraphe 1, c) et 28, paragraphe 3 du RGPD et une amende de 25 000 euros au regard du manquement constitué à l’article 82 de la Loi Informatique et Libertés.

Cette décision s’inscrit dans le droit fil de celle du 7 juillet 2022 à l’encontre d’Ubeeqo, filiale d’autopartage d’Europcar.

Il appartient donc aux acteurs des mobilités mettant en œuvre la géolocalisation de respecter strictement les principes suivants :

  • l’obtention d’un consentement spécifique de l’utilisateur, distinct des conditions générales de vente ou d’utilisation ;
  • la configuration adéquate des conditions de la géolocalisation par rapport à la finalité du traitement (activation/désactivation, fréquence, précision, etc.) ;
  • la possibilité de désactiver la géolocalisation à tout moment (si cela est compatible avec le service fourni) ;
  • l’activation de la géolocalisation uniquement lorsque l’utilisateur lance une fonctionnalité qui nécessite de connaître la localisation du véhicule, et non par défaut et en permanence ;
  • informer l’utilisateur que la géolocalisation a été activée, notamment au moyen d’icônes sur l’application et/ou le tableau de bord du véhicule ;
  • fournir des informations précises sur la finalité du traitement ;
  • définir une durée de conservation limitée.

Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à contacter l’équipe Protection des données personnelles.

Frédéric Saffroy, Associé et Alice Bastien, Avocat


[1] https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/pack_vehicules_connectes_web.pdf

[2] https://www.cnil.fr/fr/la-geolocalisation-des-vehicules-des-salaries

[3] https://edpb.europa.eu/system/files/2021-08/edpb_guidelines_202001_connected_vehicles_v2.0_adopted_fr.pdf (version 2.0 du 9 mars 2021)

[4] Délibération SAN-2023-003 du 16 mars 2023 concernant la société Cityscoot

Le secteur pharmaceutique, dans le viseur des juridictions françaises

Deux pratiques commerciales du secteur pharmaceutique retiennent l’attention : la première illustre une stratégie commerciale conduisant à des sanctions pénales ; la seconde montre qu’une politique commerciale protégeant ses propres marques n’est pas forcément abusive ni répréhensible.

Manquement au dispositif « anti-cadeaux » :

Condamnation du groupe URGO à hauteur de 6,6 millions d’euros

Le groupe URGO est condamné pénalement à hauteur de 6,6 millions d’euros pour manquement au dispositif légal « anti-cadeaux »[1].

Dans le cadre de son pouvoir d’enquête, l’administration économique (DGCCRF) avait mis à jour des pratiques illégales du groupe Urgo, entre 2015 et 2021, sur l’ensemble du territoire national. L’industriel offrait des cadeaux aux pharmaciens en contrepartie de l’achat de produits à ses marques ou de la renonciation au bénéfice d’une remise contractuelle sur le prix d’achat, en infraction avec les dispositions du code de la santé publique. Cette stratégie commerciale avait permis au groupe Urgo d’augmenter ses bénéfices et ses parts de marché.

Outre la confiscation de plus de 5,4 millions d’euros ayant fait l’objet d’une saisie pénale, des amendes pour un montant global de 1,125 million d’euros ont été prononcées contre le groupe Urgo, dans le cadre d’une procédure de comparution de reconnaissance préalable de culpabilité[2].

La DGCCRF a évalué la fraude à 55 millions d’euros, étant précisé qu’elle poursuit son enquête auprès des pharmaciens impliqués.

Dans son communiqué de presse, la DGCCRF indique que « Le respect du dispositif « anti-cadeaux » et le bon fonctionnement des marchés de produits médicaux, dont dépendent l’efficacité sanitaire et économique du système de santé, constitue une priorité pour la DGCCRF, qui est pleinement mobilisée à cette fin ».

Rappel des principes essentiels :

La loi « anti-cadeaux » créée en 1993 (codifiée aujourd’hui aux articles 1453-3 et suivants du code de la santé publique) met en place un système anti-corruption qui vise à préserver l’indépendance des professionnels de santé. Cette loi encadre les avantages offerts aux professionnels de santé par les entreprises et interdit notamment :

  • aux acteurs de santé de recevoir des avantages en espèce et en nature, sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement, par des entreprises ;
  • aux entreprises d’offrir ou de promettre des avantages en espèces ou en nature sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement, à des acteurs de santé.

Elle pose un principe de co-responsabilité : des peines d’emprisonnement et des amendes sont encourues par le professionnel de santé et l’entreprise qui propose l’avantage. Des peines complémentaires comme l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer, la confiscation des produits de l’infraction ou encore des sanctions disciplinaires contre le professionnel de santé peuvent également être prononcées.

Annulation de l’amende record sanctionnant les laboratoires Novartis, Roche et Genentech pour dénigrement d’un « concurrent » constitutif d’un abus de position dominante

En 2020, l’Autorité de la concurrence avait sanctionné les laboratoires Novartis, Roche et Genentech au paiement d’une amende de 440 millions d’euros pour avoir abusé de leur position dominante collective sur le marché français[3].

L’Autorité reprochait à ces laboratoires des « pratiques abusives » dans le but de préserver les ventes du médicament Lucentis, prescrit dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (« DMLA »), au détriment d’un médicament trente fois moins cher, l’Avastin.

A la suite du développement de l’utilisation de l’Avastin, un anticancéreux qui s’est avéré avoir des effets positifs pour traiter les malades atteints de DMLA, mais qui ne bénéficiait pas d’une autorisation de mise sur le marché (« AMM ») pour traiter la DMLA, les laboratoires Novartis et Roche avaient adopté, entre 2008 et 2013, des pratiques « de blocage » condamnées par l’Autorité qui consistaient notamment à :

  • une « campagne de communication globale et structurée tendant à jeter le discrédit » auprès des médecins ophtalmologistes,
  • « un discours alarmiste et trompeur auprès des pouvoirs publics français ».

Toutefois, la cour d’appel de Paris a réformé cette décision et a jugé qu’aucune pratique anticoncurrentielle n’était établie à l’encontre des laboratoires Novartis, Roche et Genentech (CA Paris, 16 février 2023, n°20/14632).

La cour distingue deux périodes : avant et après l’entrée en vigueur de la loi « Bertrand » en 2011 (adoptée à la suite du scandale du Médiator), qui restreint l’utilisation des médicaments hors AMM.

Concernant les pratiques reprochées à ces laboratoires pour la période antérieure à cette loi, la cour retient que leur discours « ne manque ni de mesure ni de prudence » et qu’il n’était ni alarmiste ni trompeur. Aucun comportement d’éviction de la part de ces laboratoires n’est donc caractérisé.

Concernant les pratiques postérieures à l’entrée en vigueur de la loi Bertrand, la cour retient que l’Avastin devait être considéré comme hors marché pour le traitement de la DMLA. En conséquence, aucun comportement d’éviction ne pouvait être reproché à ces laboratoires dès lors que les médicaments « ne pouvaient être considérés comme concurrents ».

En conséquence, la cour annule l’amende de 440 millions d’euros prononcée par l’Autorité de la concurrence contre ces laboratoires.

L’équipe d’Alérion en charge de la distribution et des contrats commerciaux, Catherine Robin et Johanna Guerrero, est à votre disposition pour vous assister dans la mise en place et le suivi des relations entre fournisseurs et distributeurs.

Catherine Robin, Associée et Johanna Guerrero, Collaboratrice


[1] Communiqué de Presse de la DGCCRF du 27 janvier 2023

[2] TJ Dijon 23 janvier 2023

[3] Décision 20-D-11 du 9 septembre 2020

L’arrêt Larzul 2 ou la mise en œuvre de la règle spéciale de la nullité d’une décision collective adoptée en violation des statuts d’une SAS 

Com. 15 mars 2023, n°21-18.324, « Larzul 2 »

Dans un arrêt du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation reconnait désormais la coexistence entre le droit commun des nullités des sociétés commerciales et la règle spéciale de la nullité de certaines décisions collectives applicables aux seules SAS en application de l’article L 227-9 alinéa 4 du Code de commerce qui dispose que :

« Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient.

Toutefois, les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes, en matière d’augmentation, d’amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d’une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés.

[…]

Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé. »

Ainsi, sous le visa de l’article précité, après avoir rappelé l’importance des statuts dans l’organisation et le fonctionnement des SAS, la chambre commerciale autorise pour les seules décisions collectives de SAS le prononcé de la nullité pour violation d’une clause statutaire, même si ladite clause statutaire (violée) n’aménage pas une disposition impérative au sens de l’article L 235-1 alinéa 2 du code de commerce.

Jusqu’alors, au visa des articles L. 227-9 et L. 235-1 du code de commerce :

  • La Cour de cassation refusait de prononcer la nullité d’une décision collective de SAS prise en violation d’une clause des statuts dès lors qu’il ne s’agissait pas d’une clause aménageant une disposition impérative (Com. 18 mai 2010, n°09-14.855, « Larzul 1 », puis pour une application Com. 26 avril 2017, n°14-13.554),
  • Il convenait donc de distinguer entre les situations où la loi renvoyait aux statuts (la nullité de la décision collective n’était alors pas encourue en cas de violation des statuts) et celles où la loi fixait une règle impérative mais laissait la possibilité de l’aménager dans les statuts (la nullité était alors admissible).

Désormais, depuis l’arrêt Larzul 2, la nullité des décisions collectives dans les SAS prises en violation d’une disposition statutaire peut être poursuivie par tout intéressé, étant précisé que :

  • S’agissant de la délimitation du champ des décisions collectives de SAS concernées par la nullité spéciale édictée par l’alinéa 4 de l’article 227-9 du code de commerce :
    • Il est clair que les décisions collectives prises en violation des clauses statutaires visées tant à l’alinéa 1 (visé par l’arrêt) que l’alinéa 2 (non visé par l’arrêt) dudit article L. 227-9 sont concernées,
    • En revanche, les décisions collectives prises en violation d’autres clauses ne devraient pas pouvoir être annulées sur le fondement spécifique de l’alinéa 4 de l’article L. 227-9 mais alors sur le fondement du droit commun le cas échéant,
  • La nullité demeure facultative puisque soumise à l’existence d’un grief, soit lorsque la violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision,
  • Des décisions collectives prises à une date antérieure à celle de l’arrêt du 15 mars 2023 peuvent être annulées.

Sibylle Mareau, Associée et Cassandre Giraudreau, Collaboratrice

Indication d’origine et marque : le consommateur ne doit pas être induit en erreur

L’intérêt croissant des consommateurs pour des produits de qualité, dont l’impact environnemental est plus faible que celui de certains produits d’origines lointaines, a renforcé leur souhait de connaître l’origine des produits qu’ils achètent.

A cet égard, les outils juridiques qui permettent au consommateur d’identifier l’origine des produits et services proposés par une entreprise constituent des instruments d’information du consommateur et de communication commerciale extrêmement précieux pour les acteurs économiques. Ces marqueurs d’origine permettent, en effet, de garantir une qualité, une notoriété ou des caractéristiques du produit et du service du fait de son origine. A ce jour, il existe beaucoup de mentions ou labels qui valorisent l’origine des produits ou services, les indications géographiques et les marques étant les signes distinctifs les plus utilisés par les entreprises.

Inversement, ces signes distinctifs, qui permettent de guider le choix du consommateur, ne doivent pas être utilisés pour l’induire en erreur sur l’origine des produits.

A titre d’exemple, récemment, l’emblématique chocolat TOBLERONE, a été contraint, en vertu de la législation suisse, de changer l’identité visuelle suisse de sa marque pour cause de délocalisation d’une partie de la production du chocolat à Bratislava, en Slovaquie, à partir de l’automne 2023.

Pour mémoire, c’est en 1908 que le chocolat TOBLERONE, tel que nous le connaissons aujourd’hui, a été confectionné par les artisans suisses Theodore Tobler et Emil Baumann, à Berne, capitale de la Suisse. Pur produit local, l’imagerie du chocolat TOBLERONE cumule les références du pays en représentant le Cervin et l’animal héraldique de Berne, un ours, sur les emballages de chocolat. A cet effet, la marque internationale « TOBLERONE » n°1 533 540, déposée auprès de l’INPI en 2019, protège le packaging du chocolat sur lequel figure, notamment, lesdits symboles suisses. Toutefois, depuis 2017, la Suisse a renforcé sa législation en matière d’indication d’origine afin de préserver la crédibilité du label, de protéger la réputation du pays et de ne pas induire le consommateur en erreur. Désormais, avec la législation Swisness, pour qu’un produit alimentaire puisse être désigné comme « Swiss made », au moins 80% du poids des matières premières utilisées doivent provenir de Suisse. En conséquence, la fabrication du chocolat TOBLERONE étant délocalisée en Slovaquie, elle ne respecte plus les conditions posées par la loi Swisness. A ce titre, l’entreprise ne peut plus utiliser les symboles nationaux suisses, et se voit contraint de retirer l’emblématique mont Cervin de son identité visuelle en adaptant, notamment, sa marque. Ainsi, une nouvelle marque internationale « TOBLERONE » n°1 656 039 a été déposée au début de l’année 2022, reprenant le design d’une montagne cette fois-ci générique.

En France, le made in France, garant, notamment, d’un savoir-faire luxueux et de conditions de travail favorables à l’égard des salariés, est également réglementé par le Code des douanes. Ainsi, pour pouvoir porter la mention « fabriqué en France », le produit doit tirer une part significative de sa valeur d’une ou plusieurs étapes de fabrication localisées en France et avoir subi sa dernière transformation substantielle en France.

En sus des différentes législations qui règlementent les indications d’origine, les droits de propriété intellectuelle sanctionnent la marque qui induit en erreur le consommateur notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. Cela s’explique par le fait que la marque ne remplira plus sa fonction de garantie d’origine auprès du consommateur de nature à affecter son comportement économique ; elle aura perdu sa qualité essentielle.

En conséquence, si, au moment du dépôt, la marque est de nature à induire en erreur le consommateur, celle-ci sera qualifiée de trompeuse (article L.711-2 du Code de propriété intellectuelle). Dès lors, l’INPI ou tout tiers pourront soulever la nullité de la marque au moment de son enregistrement ou lors d’un contentieux. A l’inverse, si la marque est valablement enregistrée, mais que c’est au cours de son existence qu’elle devient déceptive, un tiers pourra soulever la déchéance de la marque dans le cadre d’un contentieux de contrefaçon, notamment par une demande reconventionnelle au titre d’une stratégie défensive (article L.714-6 b) du Code de la propriété intellectuelle). Une marque est, par exemple, considérée comme déceptive lorsqu’elle comporte un élément géographique qui ne correspond plus à l’origine des produits.

Désormais, au moment de réfléchir à des changements de politique commerciale, notamment s’agissant du lieu de fabrication des produits, il est nécessaire, pour chaque société détentrice de droits de propriété intellectuelle, de veiller à l’intégrité de sa marque afin d’éviter la nullité ou la déchéance des droits.

Les avocats d’Alerion du Département IP/IT/Privacy peuvent assister leurs clients sur toutes les questions liées à la propriété intellectuelle, y compris pour élaborer une stratégie de gestion du portefeuille de marques.

Corinne Thiérache, Associée, et Hanna Le Derrien, élève-avocate à l’EFB

Nouvelle obligation déclarative 2023 pour les propriétaires d’un bien immobilier à usage d’habitation

Une nouvelle obligation déclarative a été instaurée à la charge de tous les propriétaires de biens immobiliers détenus en France depuis le 1er janvier 2023 (que nous avions déjà évoquée dans une brève en janvier dernier).

En effet, si vous êtes propriétaire de biens immobiliers à usage d’habitation, vous devez déclarer l’occupation de votre (ou vos) logement(s) sur votre espace sécurisé du site impots.gouv.fr avant le 1er juillet 2023.

Cette obligation déclarative concerne aussi bien les personnes physiques propriétaires en pleine-propriété, propriétaires indivis, usufruitiers que les sociétés civiles immobilières (SCI).

Pour rappel, à partir de 2023, la taxe d’habitation est supprimée pour les résidences principales. Cette déclaration supplémentaire a pour but de permettre à l’administration fiscale de déterminer précisément les propriétaires qui sont encore redevables de ladite taxe ou de la taxe sur les logements vacants au titre de la détention d’une résidence secondaire ou d’un logement locatif.

Une fois cette déclaration effectuée, seul un changement de situation nécessitera une nouvelle déclaration.

! : Une amende d’un montant forfaitaire de 150€ par local pourra être appliquée en cas d’erreur, omission ou insuffisance déclarative.

Vous trouverez, ci-après, un résumé pratique des démarches en quelques étapes.

La déclaration en quelques étapes
  1. Assurez-vous au préalable que vous disposez des informations suivantes :
    • les modalités d’occupation du local (à titre personnel, par des tiers) ;
    • la nature de l’occupation (résidence principale, résidence secondaire, local loué, local occupé à titre gratuit, local vacant (non meublé et non occupé)) ;
    • l’identité des occupants (personne physique : nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance / personne morale : dénomination, SIREN) ;
    • la période d’occupation (ou de vacance) du ou des locaux dont ils sont propriétaires (début, fin de la période d’occupation) ;
    • Pour le cas particulier des locations saisonnières :
      • le début de la période de location saisonnière et les modalités de gestion du bien (en propre ou contrat de location avec gestionnaire excluant toute utilisation personnelle) ;
      • Le SIREN du gestionnaire ou celui du propriétaire le cas échéant ;
    • le loyer mensuel hors charge (facultatif)
! : Pour faciliter cette nouvelle démarche déclarative, les données d’occupation connues des services fiscaux seront pré-affichées.
  1. Connectez-vous à votre espace personnel ou professionnel sur le site impots.gouv à l’aide de votre numéro fiscal et votre mot de passe.

Attention : pour les SCI qui ne possèdent pas encore d’espace professionnel, il conviendra donc de procéder à la création de ce compte, car les actifs immobiliers qu’elle possède n’apparaitront pas depuis l’espace personnel des associés.

  1. Cliquez sur l’onglet « Biens immobiliers«  pour effectuer pour chacun de vos biens une déclaration d’occupation
  1. Le ou les biens bâtis dont vous êtes propriétaire sont ainsi affichés dans le nouveau service en ligne « Biens immobiliers ». Pour chacun d’eux, vous devez cliquer sur « Déclaration d’occupation ».

Chaque fois qu’il est identifié par la DGFiP qu’une déclaration est nécessaire de votre part, une pastille bleue « Déclaration attendue » est affichée. Elle disparaît dès la déclaration validée.

! : Si vous avez réalisé une opération immobilière récemment chez votre notaire (achat, vente, succession), la liste de vos biens peut ne pas encore tenir compte de ces changements : il est en effet nécessaire que l’acte rédigé par votre notaire soit auparavant publié auprès des services de la publicité foncière. Dans ce cas, votre espace personnel sera automatiquement mis à jour quand la publication de votre bien sera effectuée.
  1. Vérifiez pour chaque bien que les informations sont exactes. Si tel est le cas, cliquez sur « Aucun changement ». Sinon, cliquez sur « Nouvelle situation ».
  1. En déclarant une nouvelle situation, vous serez invité à indiquer au fur et à mesure les informations ci-avant présentées.

Nous sommes naturellement à votre disposition pour vous assister, si vous le souhaitez, dans la réalisation de ces démarches.

Christophe Gershel, Associé, Julien Lebel, Counsel et Jérémie Mancel-Cottrel, Counsel

L’extension du principe de proportionnalité au cumul des sanctions de natures différentes en matière fiscale

Crim., 22 mars 2023, 19-81.929

Par un arrêt du 22 mars 2023, la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise les conditions d’application du principe de proportionnalité des peines dans le cadre du cumul des sanctions en matière fiscale.

La position française du cumul des sanctions pénales et fiscales

Compte tenu de la réserve d’interprétation française au principe d’interdiction des doubles poursuites à raison des mêmes faits (« non bis in idem ») prévu par l’article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, le cumul des sanctions pénales et fiscales est possible en France.

Cependant, afin de respecter les principes constitutionnels de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité, le Conseil constitutionnel a soumis le cumul des sanctions pénales et fiscales à trois réserves (Conseil Constitutionnel, 24 juin 2016, n°2016-545 QPC et n°2016-546 QPC et Conseil Constitutionnel, 22 juillet 2016, n°2016-556 QPC).

La première réserve prévoit l’impossibilité d’infliger des sanctions pénales pour fraude fiscale dans l’hypothèse d’une décharge de l’impôt prononcée par le juge fiscal pour un motif de fond.

La deuxième réserve limite le cumul des sanctions aux contribuables à l’origine de manquements fiscaux graves. La jurisprudence pénale dégage, à cet effet, des éléments factuels permettant de déterminer si un manquement fiscal peut être qualifié de grave (Cass. crim., 17 janv. 2018, n° 16-86.451, Cass. crim., 3 mai 2018, n° 17-81.594, Cass. crim., 11 sept. 2019, n° 18-81.067, Cass. crim., 11 sept. 2019, n° 18-81.040, Cass. crim., 11 sept. 2019, n° 18-84.144).

Enfin, la troisième réserve impose le respect du principe de proportionnalité des peines en plafonnant le montant global des sanctions pénales et fiscales au montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. La Cour de cassation a précisé que ce plafond ne pouvait concerner que les sanctions de même nature. Il appartient donc au juge, se prononçant en dernier ressort sur l’affaire, de déterminer le montant le plus élevé qui constitue le plafond (Cass. crim., 11 sept. 2019, n° 18-81.067 et Cass. crim., 11 sept. 2019, n° 18-82.430, P+B+I+R).

Dans son arrêt du 22 mars 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation fait application des exigences de la CJUE

Dans cette affaire, un contribuable, exerçant une activité d’expert-comptable à titre individuel est condamné pour fraude fiscale par dissimulation de sommes sujettes à l’impôt et omission d’écritures dans un document comptable. Ayant déjà fait l’objet, à titre personnel, d’une procédure de rehaussement ayant donné lieu à l’application de pénalités fiscales définitives, il a fait l’objet, sur le plan pénal, d’une peine privative de liberté et d’une mesure de publication judiciaire pour les mêmes faits.

S’interrogeant sur son interprétation du cumul des sanctions pénales et fiscales en matière de fraude fiscale, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 21 octobre 2020, renvoyé deux questions préjudicielles à la CJUE. L’une de ses questions était précisément de savoir si l’exigence de nécessité et de proportionnalité du cumul de telles sanctions est remplie par les articles 1741 et 1729 du CGI tel qu’interprétés par la jurisprudence française.

La CJUE a conclu que le droit fondamental garanti par l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE « non bis in idem », lu en combinaison avec l’article 52, § 1 sur le régime de la limitation des droits et libertés, devait être interprété en ce sens qu’il « s’oppose à une réglementation nationale qui n’assure pas, dans les cas du cumul d’une sanction pécuniaire et d’une peine privative de liberté, par des règles claires et précises, le cas échéant telles qu’interprétées par les juridictions nationales, que l’ensemble des sanctions infligées n’excède pas la gravité de l’infraction constatée » (CJUE, 1re ch., 5 mai 2022, aff. C-570/20, pt. 55).

Dans la présente affaire, la chambre criminelle de la Cour de cassation aligne donc sa position sur celle de la CJUE dès lors qu’elle affirme que les dispositions des articles 1729 et 1741 du CGI ne suffisent pas pour assurer que le cumul de sanctions qu’elles autorisent, prises dans leur ensemble, n’excède pas ce qui est strictement nécessaire.

Les juridictions nationales étant contraintes d’interpréter le droit interne dans un sens conforme au droit de l’Union, il s’en déduit que « lorsque le prévenu de fraude fiscale justifie avoir fait l’objet, à titre personnel, d’une sanction fiscale définitivement prononcée pour les mêmes faits, l’article 1741 du code général des impôts doit être appliqué de sorte que la charge finale résultant de l’ensemble des sanctions prononcées, quelle que soit leur nature, ne soit pas excessive par rapport à la gravité de l’infraction qu’il a commise. » (Cass. crim., 22 mars 2023, n° 19-81.929 §22)

La chambre criminelle a donc cassé l’arrêt d’appel au motif que les juges du fond n’ont pas procédé à un contrôle de la proportionnalité des peines choisies au regard des sanctions fiscales déjà définitivement prononcées et de la gravité des faits commis.

En pratique, en matière de fraude fiscale, le juge pénal devra désormais s’assurer que la charge finale résultant de l’ensemble des sanctions prononcées, quelle que soit leur nature, ne soit pas excessive par rapport à la gravité de l’infraction qu’il a commise.

En résumé, cette décision confirme la volonté de la Cour de cassation d’étendre le principe de proportionnalité aux sanctions de toute nature.

Philippe Pescayre, Associé et Pierrick Bouchard, Collaborateur

Résumé de la politique de confidentialité

Version mise en ligne Janvier 2020

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