L’ambition de la performance sociale et environnementale confrontée à la performance économique
Loin d’être un oxymore, ce titre expose deux ambitions, dont l’une a eu tendance à se faire au détriment de l’autre ou, au mieux, l’une avant l’autre.
Même s’il est vrai qu’une entreprise disposant de plus de richesses sera toujours dans une meilleure position pour les partager avec ses salariés que l’inverse, il demeure qu’il ne serait guère rationnel d’exiger d’un chef d’entreprise de s’occuper de l’impact environnemental des activités de son entreprise avant sa performance économique.
Retour vers le passé
Une fois passé ce lieu commun, il demeure que cette conception est celle qui a toujours été mise en avant au moment d’adopter les grandes normes internationales en droit du travail.
L’Organisation International du Travail s’est construite autour d’un double postulat selon lequel :
Le progrès social devait faire l’objet d’une action étatique d’adoption de normes spécifiques de droit du travail (conventions internationales, recommandations etc ..) ;
Mais en tenant compte du fait que cette action en faveur du progrès social devait être laissée à l’intervention volontaire des Etats par la ratification de conventions opérée par chaque pays bénéficiant d’un progrès économique suffisant pour avoir les moyens de le réaliser.
Aucun traité d’intégration économique ou de libre-échange n’a à ce jour été conclu prévoyant la construction de normes sociales communes ; l’objectif consistant plutôt à rechercher une convergence des normes.
Ainsi au niveau européen, l’harmonisation des normes sociales s’effectue selon deux processus :
soit par le règlement européen qui s’intègre directement dans l’ordre juridique des Etats membres et fait l’objet d’une interprétation exclusive de la Cour de justice de l’Union européenne ;
soit par la directive qui, pour être applicable, doit être transposée en droit interne, ceci sous le contrôle de la Cour de justice qui vérifie la qualité de la transposition.
Ce processus d’harmonisation est réalisé par l’adoption de normes minimales communes contribuant à créer un socle commun de protection des salariés.
L’objectif est également de lutter contre le dumping social fondé sur la diminution des coûts lié à une faible protection de la santé et de la sécurité des salariés au sein de l’Union et ainsi éviter les distorsions de concurrence.
Retour vers le futur
Le développement exponentiel de la RSE depuis une quinzaine d’années a pour objectif de répondre à cet enjeu : devant l’incapacité des Etats à instituer de nouvelles normes sociales coercitives, les entreprises ont conçu leurs propres normes d’autorégulation ayant la nature de soft law.
Quelque soit l’avis que l’on porte sur ces normes dont la nature réellement contraignante est discutée/discutable, leur application transnationale, via par exemple les codes de conduite ou autres chartes éthiques a permis d’introduire de nouvelles garanties dans les pays aux règles de protection sociale non édictées par la législation locale.
Ainsi, si ces normes, dont la lecture laisse souvent un sentiment mitigé dans nos pays occidentaux et européens parce qu’elles apparaissent la plupart du temps comme une redite de la législation de l’Etat, sont devenues, au contraire, un outil de promotion des droits sociaux fondamentaux dans les pays « moins disant » sur ces questions.
La valeur normative des engagements pris en matière de RSE comme véritable enjeu
La question centrale reste celle de la valeur de la responsabilité sociale de l’entreprise sur le plan normatif.
Les décisions prises par les entreprises en matière environnementale et sociale constituent des choix de standards qui articulent les objectifs de l’entreprise (économiques, sociaux, sociétaux) avec les intérêts des stakeholders dont font partie les salariés.
Le pré-requis de l’intégration et respect de la législation du pays au sein duquel les engagements sont pris
Pour être à la fois pertinents socialement et juridiquement, ces engagements doivent impérativement intégrer avant tout la règlementation locale comme une donnée de base ; les normes volontaires que l’entreprise s’impose doivent s’intégrer dans l’ordre juridique national ou international et donc respecter l’ordre juridique dans lequel celles-ci sont censées s’intégrer.
L’objectif de transparence
Jusqu’à présent, l’absence de cadre élaboré par une institution internationale ou régionale a rendu difficile l’évaluation des engagements pris en matière d’impacts de durabilité en tant que réponse normative globale. Aucune certification n’est apparue comme légitime à déclarer telle ou telle entreprise globalement socialement et environnementalement parlant responsable.
Ainsi, l’engagement d’une entreprise dans tel ou tel programme d’action sociale, sociétale ou environnementale ne pouvait être analysé comme une reconnaissance globale du caractère vertueux de l’ensemble des impacts sociaux et environnementaux liés aux activités de l’entreprise : la nature même de la norme à laquelle l’entreprise acceptait de se soumettre résultait d’un choix sélectif, ce qui relativisait sa portée en tant que norme.
En outre, seule la mise en œuvre de process d’évaluation et de reporting permet le contrôle effectif des engagements pris sur un plan qualitatif et quantitatif.
Aussi, l’intitulé même de la nouvelle Directive européenne du 16 décembre 2022 (Corporate Sustainability Reporting Directive) est loin d’être anodin : tel ou tel engagement pris au gré de la bonne volonté sélective de l’entreprise ne suffira plus pour devenir vertueux ; une véritable analyse d’impact des activités de l’entreprise devra être menée qui s’accompagnera d’un reporting dont la nature n’est plus seulement déclarative mais induira des réalisations concrètes.
En conclusion, si beaucoup s’accordent à soutenir que les engagements pris par les entreprises en matière de durabilité sont vecteurs de croissance, les chefs d’entreprise devront tout de même apprendre à conjuguer ces nouvelles contraintes induisant la mise en œuvre de process d’évaluation et de reporting permettant le contrôle qualitatif et quantitatif effectif de leurs engagements avec leurs objectifs de performance économique.
Tous les propriétaires sont soumis à une nouvelle obligation déclarative en 2023. Selon la DGFIP, 34 millions de propriétaires sont concernés.
Cette obligation concerne tous les propriétaires de biens immobiliers à usage d’habitation (particuliers et entreprises), lesquels doivent déclarer l’occupation de leur logement sur l’espace « Gérer mes biens » sur le site www.impots.gouv.fr. Cela concernera ainsi les propriétaires indivis, les usufruitiers ou encore les sociétés civiles immobilières.
Cette nouvelle déclaration s’inscrit dans le cadre de la suppression de la taxe d’habitation, afin de permettre à l’administration fiscale d’identifier les propriétaires encore redevables de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la taxe sur les logements vacants.
En cas de non-déclaration, d’erreur, d’omission ou de déclaration incomplète, une amende d’un montant forfaitaire de 150 € par local pourra être appliquée.
Cette déclaration est à réaliser en ligne avant le 1er juillet 2023.
L’équipe fiscale d’Alerion est à votre disposition pour vous aider à accomplir vos obligations déclaratives.
Après le vote de la seconde loi de finances rectificative pour 2022, et au terme d’un véritable marathon budgétaire, le gouvernement est finalement parvenu à faire adopter par le Parlement la loi de finances pour 2023.
Le texte est relativement fidèle au projet de loi voté par l’Assemblée nationale le 20 octobre dernier, dont nous vous avions présenté les principales mesures dans une précédente newsletter.
Il ne comporte donc pas de réforme d’envergure, mais plutôt, pour l’essentiel, des mesures techniques et la prorogation de plusieurs dispositifs fiscaux. Nous revenons notamment sur les principales mesures de soutien aux entreprises que comprend cette loi de finances.
FISCALITE DES PARTICULIERS
Revalorisation du barème de l’impôt sur les revenus 2022 et amélioration du mécanisme du prélèvement à la source (PAS)
Les limites des tranches du barème de l’impôt sur le revenu, ainsi que certains seuils et limites qui lui sont associés, sont revalorisés à hauteur de la hausse moyenne des prix à la consommation attendu pour 2022, soit 5,4 %.
Le barème d’imposition des revenus de 2022 est donc le suivant :
Fraction du revenu imposable (une part)
Taux
N’excédant pas 10 777€
0%
De 10 777€ à 27 478€
11%
De 27 478€ à 78 570€
30%
De 78 570€ à 168 994€
41%
Supérieure à 168 994€
45%
Le dispositif du PAS est en outre aménagé sur deux aspects:
Le taux de PAS peut, désormais, être modulé à la baisse lorsque le montant du prélèvement estimé par le contribuable est inférieur de plus de 5 % au montant du prélèvement résultant du maintien des taux non modulés (contre 10 % en 2022).
Le PAS sur les salaires versés à des résidents français par des employeurs étrangers, qui prenait la forme d’une retenue à la source par l’employeur, relève désormais du régime des acomptes.
Cette mesure concerne les salariés résidents français non-affiliés à un régime obligatoire français de sécurité sociale percevant des rémunérations d’un employeur étranger à raison d’une activité exercée en France pour moins de 25% de leur temps de travail, ainsi que les salariés frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse affiliés à un régime obligatoire de sécurité sociale en France.
Prorogation du taux majoré de 25 % du dispositif IR-PME (Madelin)
Nous rappelons que les contribuables fiscalement domiciliés en France peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions en numéraire au capital de certaines PME ou de fonds commun de placement dans l’innovation ou de fonds d’investissement de proximité.
Ce dispositif a été renforcé dans le cadre de la loi de finances pour 2018, qui a relevé le taux de la réduction d’impôt de 18 % à 25 % pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2018. Cette hausse du taux a été prorogée à plusieurs reprises depuis, même si elle n’a pu être appliquée de manière continue durant toute cette période, son application étant soumise à l’aval de la Commission européenne.
La loi de finance pour 2023 reconduit une nouvelle fois l’application du taux majoré de 25% jusqu’au 31 décembre 2023. Cette mesure s’appliquera aux versements effectués à compter d’une date fixée par décret qui ne pourra pas être postérieure de plus de deux mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse définitive de la Commission européenne.
Augmentation temporaire de la limite d’imputation des déficits fonciers sur le revenu global en cas de réalisation de travaux de rénovation énergétique
L’article 12 de la seconde loi de finances rectificative pour 2022 porte temporairement de 10 700 € à 21 400 € la limite annuelle d’imputation des déficits fonciers sur le revenu global lorsque ceux-ci résultent de la réalisation de travaux de rénovation énergétique. Les travaux concernés, qui seront définis par décret, doivent être payés entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2025 et permettre aux logements ainsi rénovés de passer d’une classe de performance énergétique E, F ou G à une classe A, B, C ou D.
FISCALITE DES ENTREPRISE
Augmentation du seuil de bénéfice des PME imposable au taux réduit d’IS de 15 %
La fraction des bénéfices des petites et moyennes entreprises (PME) qui peut être imposée au taux réduit d’IS de 15 % est portée de 38 200 € à 42 500 €.
Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2022, les PME réalisant un chiffre d’affaires hors taxe inférieur à 10 M€ bénéficieront du taux réduit d’IS de 15 % dans la limite de 42 500 € de bénéfice imposable, sous réserve du respect des conditions tenant à la détention et à la libération de leur capital.
Prorogation du régime applicable aux jeunes entreprises innovantes
Les régimes d’exonération d’impôt sur les bénéfices, d’impôts locaux et de cotisations sociales patronales dont les jeunes entreprises innovantes (JEI) bénéficient est prorogé de trois ans.
Ce dispositif s’applique ainsi aux entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2025 et pouvant être qualifiées de JEI.
Pour être qualifiée de JEI, l’entreprise devait être créée depuis moins de onze ans. La loi de finances abaisse cette durée à huit ans pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2023.
Extension du régime d’étalement des subventions d’équipement
Les sociétés percevant des subventions d’équipement peuvent bénéficier, sur option, d’un échelonnement de l’imposition desdites subventions. Cet étalement est réalisé au rythme de l’amortissement du bien financé à l’aide des sommes reçues ou, s’il s’agit d’un bien non amortissable, par parts égales sur les années pendant lesquelles le bien est inaliénable. A défaut de clause d’inaliénabilité, l’imposition est étalée sur une période de dix ans suivant l’année de l’attribution de la subvention.
Le champ d’application de ce dispositif est étendu par la loi de finances pour 2023 :
D’une part, aux subventions versées par l’UE ou par les organismes créés par les institutions de l’UE (ceux-ci peuvent être financés à la fois par des fonds publics et privés et non plus seulement par des fonds publics) ;
D’autre part, aux sommes perçues au titre du dispositif des certificats d’économie d’énergie lorsque lesdites sommes sont affectées à la création ou à l’acquisition de biens d’équipement (sommes qui jusqu’alors étaient exclues du régime car non versées par un organisme public).
Les extensions apportées au dispositif s’appliquent aux exercices clos à compter de 2022 pour les entreprises relevant de l’impôt sur le revenu, et aux exercices clos à compter du 31 décembre 2022 pour les entreprises passibles de l’impôt sur les sociétés.
Suppression de la CVAE à compter de 2024
La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sera supprimée en 2024. Sont actuellement redevables de cette cotisation les entreprises ou personnes exerçant une activité professionnelle non salariée et générant un chiffre d’affaires (CA) annuel hors taxe supérieur à 500 000 €. Il convient d’ajouter que les entreprises ayant un CA hors taxe supérieur à 152 500 € doivent seulement faire une déclaration de valeur ajoutée et des effectifs salariés.
La CVAE sera dans un premier temps réduite de moitié en 2023, avant d’être définitivement supprimée à compter du 1er janvier 2024.
Parallèlement, le plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) à 2 % de la valeur ajoutée, qui ne concerne donc plus que la seule cotisation foncière des entreprises (CFE) à compter de 2024, voit également son taux abaissé en deux temps.
Prorogation du crédit d’impôt recherche au profit des entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir
Ce dispositif concerne les dépenses engagées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir au titre de l’élaboration de leurs nouvelles collections, y compris lorsqu’elles ont recours à la sous-traitance (stylistes ou cabinets de style agréés).
L’éligibilité au crédit d’impôt recherche textile, habillement et cuir, encore appelé « crédit d’impôt collection » est prorogée de deux ans. Le dispositif s’appliquera pour les dépenses exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir jusqu’au 31 décembre 2024.
Allègement de l’obligation de conservation des titres dans le cadre de certaines opérations d’apport-attribution
Les conditions d’octroi de l’agrément qui permet, lors d’une opération d’apport-attribution, de bénéficier d’un régime de neutralité fiscale pour l’attribution gratuite aux associés de la société apporteuse des titres reçus en rémunération de l’apport sont assouplies.
Pour rappel les associés attributaires des titres – à savoir les associés de la société apporteuse / distributrice – doivent notamment s’engager à conserver pendant trois ans :
Les titres reçus en contrepartie de l’apport qui leur sont distribués ;
Les titres qu’ils détiennent dans la société apporteuse.
Initialement, cet engagement de conservation était seulement exigé pour les associés détenant à la date d’approbation de l’apport au moins 5% des droits de vote dans la société apporteuse/distributrice et des associés qui y exercent ou y ont exercé, dans les six mois précédant la date d’approbation de l’apport, des fonctions de direction, d’administration ou de surveillance et détiennent moins de 0,1% des droits de vote.
La loi de finances pour 2023 prévoit une nouvelle exception. L’agrément pourra en effet être délivré par l’administration fiscale en l’absence d’engagement de conservation pris par les actionnaires détenant plus de 5% du capital de la société apporteuse sous réserve que les trois conditions suivantes soient cumulativement remplies :
La société apporteuse n’est pas contrôlée par un actionnaire ou un groupe d’actionnaires agissant de concert au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;
Les actions de la société apporteuse sont admises aux négociations sur un marché réglementé français ou européen ;
L’actionnaire détenant 5% au moins des droits de vote de la société apporteuse n’exerce pas une influence notable sur la gestion de cette dernière au sens de l’article L.233-17-2 du même code.
Ces dispositions entrent en vigueur pour les demandes d’agrément soumises à compter du 1er janvier 2023.
FISCALITE IMMOBILIERE
Plus-values immobilières : prorogation de plusieurs dispositifs d’exonération temporaires en faveur de la construction de logements
Deux dispositifs d’exonération des plus-values immobilières arrivant à terme au 31 décembre 2022 sont prorogés jusqu’au 31 décembre 2023.
Le premier dispositif concerne les immeubles cédés en vue de la construction de logements sociaux. Sont concernés les cessions d’immeubles réalisées par des particuliers à un organisme chargé du logement social, à une collectivité territoriale ou un établissement public ou à tout autre cessionnaire qui s’engagent à construire des logements sociaux sous certains délais et conditions.
Le deuxième dispositif concerne la cession de droits de surélévation. Pour mémoire, l’exonération de la plus-value s’applique sous réserve que l’acquéreur prenne l’engagement de construire exclusivement des locaux destinés à l’habitation dans un délai de quatre ans.
Une mission d’évaluation de ces dispositifs est par ailleurs mise en place et elle doit rendre ses conclusions avant le 30 septembre 2023.
Clarification de la rédaction de l’article 257 bis du CGI
L’article 257 bis du CGI est réécrit afin de corriger les effets d’un arrêt du Conseil d’Etat du 31 mai 2022.
Le Conseil d’Etat a considéré que l’article 257 bis du CGI, qui prévoit une dispense de TVA en cas de transmission d’une universalité de biens, ne s’appliquait pas à une cession d’immeuble achevé depuis plus de cinq ans et pour laquelle aucune option pour l’assujettissement à la TVA n’a été opérée, une telle dispense ne pouvant bénéficier qu’à une opération soumise à cette même taxe.
Cette décision allait à l’encontre de l’intention du législateur et de l’interprétation et de l’objectif de la Directive TVA. Celle-ci permet aux Etats membres de considérer qu’à l’occasion de la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n’intervient et que le bénéficiaire continue la personne du cédant.
L’article 58 de la loi de finances pour 2023 clarifie la rédaction du dispositif prévu par l’article 257 bis du CGI pour le mettre en conformité avec les articles de la Directive TVA et corriger les effets de la décision du Conseil d’état.
Les dispositions de l’article 257 bis du CGI s’appliquent à compter du 1er janvier 2023, étant précisé que cette réécriture n’a pas d’impact sur la pratique des entreprises et de l’administration depuis 2006.
Taxe sur les logements vacants : extension du périmètre d’application et augmentation des taux
La taxe annuelle sur les logements vacants s’applique aujourd’hui aux communes relevant d’une « zone tendue » appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants. La tension immobilière se caractérise par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements.
Afin de tenir compte des difficultés d’accès au logement, la loi de finances pour 2023 étend le périmètre des « zones tendues ». La taxe s’applique également aux communes n’appartenant pas à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants.
Pour ces communes, la tension immobilière demeure caractérisée par des prix élevés à l’achat et à la location mais le critère alternatif du nombre de demandes de logement est remplacé par celui d’une proportion élevée de résidences secondaires par rapport à l’ensemble du parc de logements (la liste de ces communes sera établie par décret).
Les taux de la taxe sur les logements vacants, qui varient en fonction de la vacance du logement et s’applique sur la valeur locative du logement, sont augmentés d’un tiers, passant à 17 % la première année (contre 12,5 % actuellement) et 34 % à compter de la deuxième année (contre 25 % actuellement).
Taxe sur la Valeur Ajoutée
Entrée en vigueur et aménagement du régime de l’assujetti unique (ou groupe TVA)
A compter du 1er janvier 2023, les personnes assujetties établies en France et étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et organisationnel peuvent constituer un assujetti unique (ou groupe TVA).
Le groupe TVA se substitue au dispositif existant d’exonération de TVA applicable aux services rendus par certains groupements à leur membre (art. 261 B du CGI). Ce dispositif n’est pas supprimé, mais à compter du 1er janvier 2023 son périmètre est réduit aux opérations effectuées dans les domaines de la santé et de l’enseignement ainsi qu’aux prestations réalisées par les organismes à but non lucratif.
La mise en place du régime de groupe TVA revêt un enjeu significatif pour les groupes financiers – banques et assurances – puisqu’ils pourront, par ce biais, continuer d’exonérer de TVA les services internes.
L’ensemble des opérations effectuées par un membre du groupe TVA avec un tiers sont réputées avoir été effectuées par l’assujetti unique lui-même. Les opérations réalisées entre les membres du groupe TVA constituent des opérations internes neutralisées au regard de la TVA.
Les sociétés remplissant les conditions précitées peuvent demander à constituer un assujetti unique et désigner un représentant à condition de formaliser une option avant le 31 octobre de l’année précédant la formation du groupe.
Une fois formulée, l’option est obligatoirement valable sur une période de trois années civiles, durant lesquelles le périmètre du groupe devra demeurer inchangé. Aucun membre ne peut en principe entrer ou sortir du groupe pendant cette période (sauf exceptions).
À l’issue de la période obligatoire de trois ans, le groupe TVA pourra accueillir de nouveaux membres et procéder à la sortie de certains membres.
Le représentant de l’assujetti unique doit également chaque année télédéclarer la liste des sociétés membres au 1er janvier de la même année. La date limite de transmission de cette liste est désormais fixée au 10 janvier de chaque année par la loi de finances 2023.
Des modalités de contrôle particulières sont prévues. L’administration fiscale devra notamment communiquer au membre de l’assujetti unique les conséquences financières du contrôle telles qu’elles résultent de son appartenance à l’assujetti unique.
MESURES DE CONTROLE
Lutte contre les fraudes transfrontalières à la TVA : obligation pour les prestataires de services de paiement (PSP) de tenir des registres de paiements transfrontaliers
Le nouvel article 286 sexies du CGI instaure l’obligation pour les PSP de tenir, à compter du 1er janvier 2024, un registre des paiements transfrontaliers et des bénéficiaires des services de paiement et de le mettre à la disposition de l’administration fiscale, dans le but de lutter contre la fraude transfrontalière à la TVA.
Les PSP concernés par cette nouvelle obligation sont les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de crédit et les offices de chèques postaux qui ont en France soit leur siège social, soit leur administration centrale, soit un agent ou une succursale, soit y fournissent des services de paiement.
Les PSP sont soumis à l’obligation de tenue de ce registre lorsqu’ils fournissent des services de paiement correspondant à plus de 25 paiements transfrontaliers destinés à un même bénéficiaire au cours d’un trimestre civil.
Ce registre doit être tenu sous format électronique et conservé pendant une période de trois années civiles à compter de la fin de l’année civile de la date de paiement.
Un décret en Conseil d’Etat devra notamment préciser les informations qui doivent figurer sur ce registre et les modalités de transmission à l’administration fiscale.
Invalidation du numéro individuel d’identification à la TVA en cas de manquement aux obligations déclaratives
Les hypothèses dans lesquelles la DGFIP est en droit d’invalider le numéro de TVA individuel afin notamment de sanctionner les manquements aux obligations déclaratives des contribuables sont étendues dès le 1er janvier 2023.
Les situations supplémentaires concernées par cette sanction sont notamment :
Lorsque l’obligation de représentation par un assujetti établi en France accrédité en application de l’article 289 A I et II du CGI cesse d’être respectée ;
Lorsqu’il existe des indices concordants indiquant qu’un numéro d’identification à la TVA est utilisé par un opérateur qui savait ou ne pouvait ignorer être impliqué dans une fraude visant à ne pas reverser la TVA due en France ou dans l’UE et qu’il n’apporte aucune réponse à la demande de régularisation adressée par l’administration dans un délai de 30 jours.
L’invalidation intervient au terme d’un délai de 15 jours à compter de la notification des manquements constatés lorsqu’il est établi que l’opérateur identifié a porté de façon répétée des informations inexactes dans divers documents et qu’il en est résulté une minoration de la TVA due à raison de ces opérations ou des opérations de revente subséquentes.
Le numéro individuel d’identification à la TVA sera rétabli sans délai lorsque les manquements ont cessé ou que les observations transmises par l’opérateur identifié sont de nature à justifier ce rétablissement.
Les pouvoirs de contrôle de l’administration sont renforcés
Dans le cadre de la procédure d’examen de la situation fiscale personnelle (ESFP) l’administration fiscale peut demander au contribuable, dès l’avis de vérification, de produire dans un délai de 60 jours les relevés de ses comptes.
Lorsque le contribuable ne produit pas les relevés, l’administration fiscale doit les demander aux établissements financiers. La durée de l’ESFP, en principe limité à un an, est alors prorogé des délais nécessaires pour obtenir ces relevés.
Afin de gagner du temps, pour les ESFP engagés à compter du 1er janvier 2013, l’administration fiscale peut solliciter directement, dès l’engagement du contrôle, les établissements financiers en vue d’obtenir les relevés de comptes bancaires ouverts en France dont elle a déjà connaissance.
L’avis de vérification doit mentionner la liste des comptes connus de l’administration fiscale pour lesquels elle a demandé aux établissements financiers de produire les relevés.
L’urgence climatique et la prise de conscience politique de l’impérieuse nécessité d’engager des actions correctives fortes au niveau des Etats et des entreprises ont contribué à générer un alignement politique au niveau européen dont cette Directive publiée le 16 décembre 2022 en est le résultat.
Celle-ci est entrée en vigueur le 5 janvier 2023 ; les Etats membres devront l’avoir transposée dans leur droit national le 6 juillet 2024 au plus tard.
Nous avons choisi cette occasion pour lancer la publication d’une série de chroniques autour de la question de la responsabilité sociale des entreprises confrontée aux enjeux de durabilité.
Pourquoi cette nouvelle directive ?
L’UE souhaite amener à terme l’information de durabilité au même niveau que l’information financière afin de contribuer à son objectif de neutralité climatique en 2050.
La CSRD s’inscrit en ce sens directement dans le prolongement de la directive NFRD de 2014.
Qui est concerné ?
La CSRD s’applique aux entreprises suivantes :
Toutes les grandes entreprises en ce compris les sociétés non européennes cotées sur le marché réglementé européen et les entités non cotées, dépassant au moins deux de ces trois critères : i. 250 salariés. ii. 40M€ de CA net. iii. 20M€ de total du bilan.
Toutes les sociétés mères d’un grand groupe sont incluses dans le périmètre de la CSRD.
Les petites et moyennes entreprises cotées remplissant deux de ces trois critères : i. entre 10 et 250 salariés. ii. CA net entre 700K€ et 40M€. iii. total du bilan entre 350K€ et 20M€.
Les entreprises non européennes générant au moins 150M€ de CA net dans l’UE et ayant une succursale ou une filiale dans l’UE (grande entreprise ou PME cotée).
Les entreprises non cotées et les PME cotées (y compris filiales de groupes non européens) sont dispensées de publier des états de durabilité à leur niveau si elles appartiennent à un groupe qui publie lui-même des états de durabilité consolidés conformes à la CSRD.
Quelle information devra être publiée ?
En substance, le rapport requis devra mentionner des informations permettant une compréhension en miroir « activité/durabilité » :
Comment l’activité de l’entreprise peut impacter les questions de durabilité.
Comment la question de la durabilité peut affecter le développement de l’entreprise, sa performance et son positionnement par rapport à la concurrence.
L’entreprise devra étayer son rapport notamment en :
Identifiant les principales incidences négatives, réelles ou potentielles générées par les activités de l’entreprise et à sa chaîne de valeur.
Rappelant les engagements pris et les actions menées par la société sur les questions de durabilité.
Décrivant les principaux risques pour l’entreprise liés aux questions de durabilité, en ce compris une description des principales dépendances de l’entreprise en la matière et une description de la manière dont l’entreprise gère ces risques.
Le process n’est pas sans rappeler la méthodologie retenue par le législateur français pour lutter contre les risques en matière de santé et conditions de travail au sein des entreprises : établissement d’un document d’évaluation des risques professionnels permettant à la fois d’identifier les risques pour les salariés générés par les activités de l’entreprise ainsi que les actions correctives à mettre en œuvre pour, soit éradiquer ce risque, soit en atténuer les effets ou les conséquences.
La Chambre sociale est récemment venue confirmer que l’exercice d’une autre activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. (Cass. Soc., 7 décembre 2022, n°21-19.132)
Dans cette affaire, une salariée, employée en qualité d’aide-soignante par une association, est victime d’un accident du travail et est placée en arrêt maladie à compter de mars 2015.
Informé par la CPAM que cette salariée avait, pendant ses arrêts maladie, travaillé de façon régulière pour d’autres employeurs, l’employeur la licencie pour faute grave en septembre 2016 aux motifs donc :
D’avoir travaillé pour le compte d’une autre entreprise durant ses arrêts de travail sans en avoir informé son employeur ;
D’avoir omis d’informer son employeur qu’elle percevait les IJSS alors que son salaire avait été maintenu durant ses arrêts de travail.
Sur le plan des principes, une telle situation paraît choquante, au moins pour deux raisons :
D’une part, parce que l’arrêt de travail paraît injustifié puisque la salariée a repris le travail … mais pour le compte d’un autre employeur ;
D’autre part, l’intéressée a reçu une double rémunération au titre d’une période au cours de laquelle elle n’est censée recevoir qu’une indemnisation en raison de son état de santé.
Mais ce qui peut choquer l’oreille de certains n’émeut pas nécessairement la Chambre sociale qui ne raisonne pas au regard de la morale mais seulement en droit.
Ainsi, pour la juridiction suprême, l’exercice d’une activité pour le compte d’une société non concurrente de celle de l’employeur pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste par ailleurs pendant la durée de cet arrêt.
En revanche, dès lors que l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail causerait un préjudice à son employeur, celui-ci retrouve la faculté de sanctionner disciplinairement ; étant précisé que ce préjudice doit donc être caractérisé et qu’il ne saurait résulter du seul paiement par l’employeur, en conséquence de l’arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières de sécurité sociale.
Aussi, la jurisprudence considère qu’en présence d’une activité concurrente, le manquement à l’obligation de loyauté est établi pour justifier une sanction disciplinaire (notamment Cass. Soc., 28 janvier 2015, n°13-18.354 ; Cass. Soc., 9 février 2012, n°10-26.825).
Le 5 décembre 2022, la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) est venue rappeler que si la vente d’un fichier clients n’est pas interdite par le Règlement général sur la protection des données (RGPD), cette vente doit se faire dans le respect de certaines obligations précises (Vente de fichiers clients : la CNIL rappelle les règles).
Cette communication de la CNIL est publiée alors que, le 7 décembre 2022, une vente aux enchères était organisée à la suite du placement en liquidation judiciaire de la société Camaïeu le 28 septembre dernier. A l’affiche : une vingtaine de lots dont le portefeuille de marques, le portefeuille de noms de domaine et le fichier clients de la société.
La mise aux enchères du fichier clients a fait rapidement débat et la question du consentement des clients concernés s’est notamment posée.
A cette occasion, la CNIL a rappelé les règles à respecter pour vendre des fichiers clients car, si le RGPD ne s’oppose pas à ce type de vente, un fichier clients contient de nombreuses données personnelles dont la transmission ne peut avoir lieu que sous réserve de respecter le Règlement.
Dans un premier temps, c’est au vendeur de s’assurer de deux points :
Le fichier ne doit contenir que les données des clients actifs ;
Seules les données des clients qui ne se sont pas opposés à la transmission de leurs données ou qui y ont consenti peuvent être vendues.
Dans un second temps, c’est à l’acquéreur de s’assurer de deux points :
L’acquéreur doit informer les personnes concernées, dès que possible, et au plus tard dans un délai d’un mois, de son acquisition. Cette obligation ne s’applique pas si les personnes concernées ont déjà reçu les informations nécessaires ;
L’acquéreur doit être en mesure de démontrer qu’il dispose du consentement éclairé des personnes concernées, dès lors qu’il souhaite utiliser leurs données à des fins de prospection commerciale par voie électronique.
Outre les sanctions prévues par le RGPD pour non-respect de ses dispositions, l’annulation de certaines ventes de fonds de commerce a pu être prononcée par décision de justice. Notamment, en 2013, la Cour de cassation a jugé que « tout fichier informatique contenant des données à caractère personnel doit faire l’objet d’une déclaration auprès de CNIL ; que tout manquement à cette obligation constitue, aux termes de l’article 226-16 du Code pénal, une infraction pénale ; qu’il s’ensuit qu’un tel fichier non déclaré constitue un objet illicite, hors commerce, insusceptible d’être vendu ». Ainsi, la vente du fonds de commerce, comprenant uniquement le fichier clients, a été annulée pour objet illicite et violation des dispositions de l’article 22 de la loi n°78-1 du 16 janvier 1978 (Cass. Com., 25 juin 2013, n°12-17.037).
Pour ces raisons, la veille de la vente aux enchères de la société Camaïeu, le commissaire-priseur annonçait que le fichier clients était retiré de la vente, en raison des risques que cette vente pouvait représenter à l’égard des données personnelles des clients. Finalement, c’est la société Celio qui a fait la dernière offre et a obtenu le portefeuille de marques et de noms de domaine de la société Camaïeu pour la somme de 1,8 millions d’euros.
Désormais, il appartient à la société Celio, si elle souhaite acquérir le fichier clients, de négocier cette vente, en apportant ses garanties en termes de respect des données personnelles des clients et du RGPD.
Les avocats d’Alerion du Département IP/IT/Privacy peuvent assister leurs clients sur toutes les questions liées aux données personnelles, y compris pour mener à bien des opérations de transfert de fichiers clients.
Corinne Thiérache, Avocat Associée, et Océane Desplands, Master II Propriété intellectuelle et Technologies nouvelles (UGA)
Si la première « blockchain » ou « chaîne de blocs » a été conceptualisée par Satoshi Nakamoto en 2008, les NFT, « non fungible token » ou « jetons non fongibles », eux, font fureur depuis 2017, grâce aux cryptokitties. Désormais, ces nouvelles technologies sont au cœur du Web 3.0 et les dépôts de marques en sont devenus l’un des principaux enjeux.
Les différents Offices et, notamment, l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) et l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO), réceptionnent de plus en plus de demandes d’enregistrement de marques concernant ces nouvelles technologies et sont confrontés à des libellés bien souvent imprécis. Or l’article R.712-3-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « Les produits et les services sont désignés avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre à toute personne de déterminer, sur cette seule base, l’étendue de la protection. ». Force est de constater qu’il est difficile, pour l’ensemble des acteurs impliqués (déposants, avocats, CPI, juristes, etc.,), de rédiger des libellés suffisamment clairs, précis, et adéquats, recouvrant rigoureusement ces nouveaux produits et services.
A cet égard, le 23 juin 2022, l’EUIPO est venu apporter ses premiers éclaircissements (Produits virtuels, jetons non fongibles et métavers). L’EUIPO confirme que les produits virtuels relèvent de la classe 9. En revanche, le terme « produits virtuels » est imprécis et devra être refusé par les différents Offices. Ainsi, l’EUIPO énonce qu’il est nécessaire de préciser le contenu auquel les produits virtuels se rapportent « par exemple : produits virtuels téléchargeables, à savoir, vêtements virtuels ». Par ailleurs, l’EUIPO indique que la prochaine version de la classification de Nice intégrera, dans la classe 9, le libellé « fichiers numériques téléchargeables authentifiés par des jetons non fongibles », considérant l’utilisation des seuls termes « jetons non fongibles » inacceptable.
L’INPI, le 15 novembre 2022, s’est alignée sur les recommandations de l’EUIPO et a proposé différents exemples de libellés. Ainsi, à l’avenir, pourront être acceptés les « contenus numériques, à savoir fichiers numériques téléchargeables authentifiés par des jetons non fongibles [NFT] contenant des jouets et dessins graphiques à collectionner », de même que les « fichiers d’images téléchargeables contenant des œuvres d’art authentifiées par des jetons non fongibles [NFT] », en classe 9, mais également les « services d’authentification de biens immatériels au moyen de la technologie de la chaîne de blocs [blockchain] » en classe 42[1].
De manière générale, ces nouvelles technologies du Web 3.0 seront essentiellement intégrées aux classes 9, 35, 38, 41 et 42.
Désormais, il appartient aux praticiens de s’adapter aux demandes de leurs clients tout en fournissant leurs meilleurs efforts afin de concilier ces nouveaux dépôts de marques aux exigences des Offices.
[1] A. Drappier, C. Neveu, L.Zambito-Marsala, juristes Marques, K.Bounif, responsable de Pôle marques, au Département des marques, dessins et modèles de l’INPI, « La désignation des produits et services dans le cadre des dépôts de marques relatifs aux NFT, métavers et aux actifs numériques », PIBD 1 1912-II-1, 15 novembre 2022
Les avocats d’Alerion du Département IP/IT/Privacy peuvent assister leurs clients pour toutes les questions liées à la propriété intellectuelle et en particulier pour les stratégies à déterminer en vue des dépôts de marques en lien avec le Web 3.0.
Corinne Thiérache, Avocat Associée, et Océane Desplands, Master II Propriété intellectuelle et Technologies nouvelles (UGA)
Alors que les juges du fond s’opposaient sur la question, la Chambre sociale de la Cour de cassation vient récemment de trancher le débat jurisprudentiel, mais également doctrinal, relatif à l’articulation des consultations ponctuelles du CSE avec la consultation sur les orientations stratégiques en affirmant clairement leurs autonomies respectives (Cass. Soc., 21 septembre 2022, n°20-23.660).
La position de la Chambre sociale était particulièrement attendue et vient contrarier la stratégie mise en place par certains CSE pour retarder la mise en œuvre d’un projet de restructuration impliquant un licenciement collectif et consistant à solliciter la suspension de la consultation ponctuelle relative au projet le temps que soit réalisée ou finalisée ou encore même rouverte la consultation sur les orientations stratégiques.
L’affirmation de l’autonomie des consultations ponctuelles avec la consultation sur les orientations stratégiques
Au cas d’espèce, la Chambre sociale était saisie de la pertinence de la suspension temporairement d’une consultation ponctuelle portant sur la résiliation d’un contrat d’association conclu avec l’Etat le temps que soit finalisée la consultation récurrente sur les orientations stratégiques ouvertes quelques jours après l’annonce du projet.
Censurant l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, la Chambre sociale saisit cette occasion pour poser une règle générale, dont la portée nous paraît aller au-delà du cas d’espèce, pour établir le principe selon lequel « la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise » (Cass. Soc., 21 septembre 2022, n°20-23.660).
Dans sa note explicative, la Cour de cassation justifie sa décision par le fait que la consultation sur les orientations stratégiques, « par son objet et sa temporalité », a été « définie indépendamment des consultations ponctuelles. Elle offre un cadre à une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, distincte des consultations ponctuelles du [CSE] relatives à un projet déterminé de l’employeur ayant des répercussions sur l’emploi, notamment en matière de restructuration ».
L’interdépendance des consultations rejetée mais des risques demeurent
Si cette décision est conforme à l’esprit des textes, il n’en reste pas moins que certaines incertitudes planent encore sur l’articulation entre les consultations ponctuelles et la consultation sur les orientations stratégiques et imposent à l’employeur la plus grande vigilance :
Quelles implications pour l’employeur qui consulterait le CSE sur un projet de réorganisation qui ne serait pas en ligne avec les orientations stratégiques préalablement exposées ou qui contrediraient lesdites orientations ?
Les représentants du personnel pourraient estimer en effet qu’ils n’ont pas bénéficié d’une information exhaustive lors de la consultation sur les orientations stratégiques lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est par exemple mis en œuvre quelques semaines plus tard.
Or, si la consultation sur les orientations stratégiques n’est pas l’instrumentum juridique prévu pour annoncer un projet de réorganisation, il est toutefois impératif que l’information délivrée à un instant « T » ne contredise pas celle délivrée dans le cadre d’un projet de restructuration a posteriori ; celle-ci doit en effet, au minimum, être en ligne avec le rationnel économique développé devant la représentation du personnel pour justifier une réorganisation.
Si une certaine étanchéité doit donc être respectée entre les deux consultations dont les objets sont différents, la représentation du personnel comprendrait mal que lui soit présentée une situation optimiste pour ensuite qu’il soit développé devant elle un projet de licenciements collectifs.
Mais l’attitude de l’employeur tend malheureusement à relever de la posture lorsque celui-ci n’ignore pas le projet de réorganisation à venir lorsqu’il consulte les représentants du personnel sur les orientations stratégiques ; pour autant, les deux informations doivent demeurer dissociées, nous dit la Cour de cassation.
Dans cette situation particulièrement contraignante, le pragmatisme nous paraît de mise en organisant la réunion sur les orientations stratégiques le même jour, voir à J-1, que la R0 (réunion de lancement) relative à l’annonce du projet de réorganisation.
Cette façon de procéder parait plus acceptable psychologiquement pour la représentation du personnel ; juridiquement, elle est conforme aux attentes de la jurisprudence.
Quoiqu’il en soit, une attitude loyale de l’employeur est attendue celui-ci devant restituer des informations sincères relatives aux orientations stratégiques de la société en matière économique et financière ainsi qu’en matière d’emploi, information qui confine alors à l’exercice de style …
Enfin, quelles implications pour l’employeur qui n’aurait tout simplement pas réalisé de consultations sur les orientations stratégiques les années précédentes ?
Au regard de la jurisprudence actuelle, il semble que ces points de contestation ne sauraient conduire, au regard notamment de l’étanchéité évoquée plus haut, à la suspension de la consultation sur le projet de réorganisation.
Mais nul doute qu’en cas d’attitude déloyale de l’employeur, une situation de délit d’entrave serait vraisemblablement caractérisée.
En conclusion, si cette jurisprudence de la Chambre sociale est rassurante quant à l’étanchéité existante entre la consultation sur les orientations stratégiques et celle sur un projet ponctuel, il convient de bien réfléchir au contenu de l’information et à sa forme quand les dates des deux consultations sont très rapprochées.
Le 15 septembre 2022, la Commission européenne proposait le Cyber Resilience Act, portant sur les exigences horizontales en matière de cybersécurité applicables aux produits comportant des éléments numériques.
Etat des lieux et objectifs poursuivis
Le constat de la Commission est le suivant : la plupart des produits connectés et des logiciels ne sont couverts par aucune législation européenne traitant de leur cybersécurité. En effet, seuls les produits médicaux[1], automobiles[2] et aériens[3] sont couverts par des règlements préexistants. Ainsi, les autres produits connectés et logiciels font de plus en plus l’objet de cyberattaques, entraînant un coût annuel mondial de la cybersécurité avoisinant les 5 5000 milliards d’euros depuis 2021.
La Commission a relevé deux problèmes majeurs :
Un faible niveau de cybersécurité qui se traduit par des vulnérabilités généralisées, accompagnées d’une fourniture insuffisante de mises à jour de sécurité pour y remédier ;
Une compréhension et un accès insuffisants aux informations par les utilisateurs, ce qui empêche ces derniers de choisir des produits présentant des propriétés de cybersécurité adéquates ou de les utiliser de manière sécurisée.
Une cyberattaque peut affecter toute une organisation ou toute une chaîne d’approvisionnement. Plus encore, cela peut entraîner une grave perturbation des activités économiques et sociales. La Commission souligne également qu’une cyberattaque peut même mettre des vies en danger et, surtout, que des telles attaques ont bien souvent une dimension transfrontalière, se propageant en quelques minutes à l’ensemble du marché intérieur.
C’est dans ce contexte que s’inscrit cette proposition de Règlement, qui vise à établir :
Des règles pour la mise sur le marché de produits comportant des éléments numériques afin de garantir la cybersécurité de ces produits ;
Des exigences essentielles pour la conception, le développement et la production de produits comportant des éléments numériques, et des obligations pour les opérations économiques en relation avec ces produits en matière de cybersécurité ;
Des exigences essentielles pour le processus de traitement des vulnérabilités mis en place par les fabricants afin de garantir la cybersécurité des produits comportant des éléments numériques tout au long de leur cycle de vie, et des obligations pour les opérateurs économiques en ce qui concerne ces processus ;
Les règles relatives à la surveillance du marché et à l’application des règles et exigences susmentionnées.
A chaque produit technologique, son niveau de risque et ses contraintes
Cette proposition est importante, car elle témoigne de l’attachement de l’Union européenne à prendre en compte l’explosion du nombre de cyberattaques ces dernières années, afin de renforcer la sécurité et la confiance des consommateurs et, plus largement, des citoyens européens.
A ce titre, la Commission propose de distinguer entre plusieurs produits : le « produit comportant des éléments numériques », « le produit critique comportant des éléments numériques »et « produit hautement critique comportant des éléments numériques ».
La Commission définit le premier comme « tout produit logiciel ou matériel et ses solutions de traitement des données à distance, y compris les composants logiciels ou matériels destinés à être mis sur le marché séparément ».
Le « produit critique comportant des éléments numériques »et le « produit hautement critique comportant des éléments numériques » sont tous deux des produits présentant un risque de cybersécurité :
La première catégorie sur les critères visés à l’article 6, paragraphe 2, dont les fonctionnalités essentielles sont définies à l’annexe III. Pour déterminer son niveau de risque de cybersécurité, un ou plusieurs critères sont pris en compte comme, l’utilisation prévue pour l’exécution de fonctions critiques ou sensibles, telles que le traitement de données à caractère personnel et l’étendue potentielle d’un impact négatif, notamment en termes d’intensité et de capacité à affecter une pluralité de personnes.
La seconde repose sur les critères visés à l’article 6, paragraphe 5. Ce sont les produits pour lesquels les fabricants doivent obtenir un certificat de la cybersécurité, conformément au règlement (UE) 2019/881.
Cette distinction entre plusieurs types de produits est un point intéressant, qui permet au Cyber Resilience Act de s’appliquer largement, afin de couvrir concrètement les produits qui sont actuellement dépourvus de toute législation.
Plusieurs obligations sont mises à la charge des fabricants, des importateurs et des distributeurs, en fonction de leur rôle au sein de la chaîne d’approvisionnement :
S’agissant des fabricants (articles 10 et 11), ils doivent, par exemple, procéder à une évaluation des risques de cybersécurité associés à un produit comportant des éléments numériques. Ils doivent tenir compte de cette évaluation au cours des phases de planification, de conception, de développement, de production, de livraison et de maintenance. L’objectif est de réduire les risques de cybersécurité et prévenir les incidents. Ainsi, lorsque le fabricant met un produit sur le marché, il doit inclure l’évaluation du risque dans la documentation technique. Le fabricant doit également évaluer la conformité du produit aux exigences prévues à l’annexe 1. Par ailleurs, lorsqu’un fabricant met un produit sur le marché, il doit veiller, pendant toute la durée de vie du produit ou pendant une durée de cinq ans, à ce que les vulnérabilités de ce produit soient traitées efficacement. Enfin, le fabricant doit notifier à l’ENISA, sans retard excessif et en tout cas dans les vingt-quatre heures après en avoir pris connaissance, toute vulnérabilité ou incident ayant un impact sur la sécurité du produit comportant des éléments numériques. De même, le fabricant doit informer tout utilisateur du produit de l’incident et des mesures correctives déployées.
S’agissant des importateurs, ils doivent s’assurer, avant de mettre un produit sur le marché, que le fabricant a respecté les procédures appropriées, établi la documentation technique et que le produit porte bien le marquage CE tel que défini à l’article 30 du règlement (CE) n°765/2008. Ce marquage doit être apposé de manière visible, lisible et indélébile. D’autres obligations sont mises à leur charge à l’article 13 de la proposition.
S’agissant des distributeurs, ils doivent s’assurent, avant de mettre un produit sur le marché, que le fabricant et l’importateur ont respecté leurs obligations et que le produit porte bien le marquage CE. Les distributeurs ne doivent pas mettre un produit sur le marché tant qu’il n’est pas en conformité. D’autres obligations sont mises à la charge des distributeurs en vertu de l’article 14 de la proposition.
Enjeux pour les opérateurs économiques
Il faut souligner la particulière densité de ce projet de règlement et du nombre d’obligations, mises à la charge des opérateurs économiques. Si ces obligations ont pour objectif de renforcer la sécurité et la confiance des consommateurs, les opérateurs économiques se doivent d’anticiper ce règlement. En effet, une fois adopté, et après une période transitoire de vingt-quatre mois, le règlement sera d’application immédiate dans tous les Etats membres de l’Union européenne, à la date qui sera arrêtée lors de son adoption. Ainsi, si les opérateurs économiques n’anticipent pas cette application, de nombreux produits risquent de voir reporter leur mise sur le marché.
La proposition de règlement vise également à mettre en place des organismes d’évaluation de la conformité des produits. Chaque Etat membre désigne aussi une ou plusieurs autorités de surveillance du marché, responsables de l’application des obligations prévues par le Cyber Resilience Act.
Enfin, les Etats membres devront déterminer le régime des sanctions applicables aux violations du Règlement par les opérateurs économiques. Par exemple, le non-respect des exigences essentielles prévues à l’annexe I et aux articles 10 et 11 est passible d’amendes administratives pour aller jusqu’à 15 millions d’euros, ou, si le contrevenant est une entreprise, jusqu’à 2,5% de son chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu.
La mise en place de sanctions et, surtout, de directives concernant ces dernières sera bienvenue dans le cadre d’un tel futur règlement.
Une fois adopté, avec d’éventuelles modifications qui ne manqueront pas de survenir dans le cadre du processus législatif européen en sus du lobbying de certains, ce règlement viendra combler un vide juridique en matière de cybersécurité. Il conviendra d’être attentif sur la capacité des opérateurs économiques à s’adapter à de telles exigences, sur les régimes des sanctions qui seront mis en place par les Etats membres, et sur l’application concrète de ces sanctions.
[1] Règlement (UE) 2017/744 et Règlement (UE) 2017/746
Les avocats d’Alerion du Département IP/IT/Privacy peuvent assister leurs clients sur toutes les questions liées à la cybercriminalité et en particulier afin de prendre les mesures adaptées pour anticiper l’application du Cyber Resilience Act.
Corinne Thiérache, Avocat Associée, et Océane Desplands, Master II Propriété intellectuelle et Technologies nouvelles (UGA).
Cass. 1ère Chambre civile, 7 septembre 2022, n° 20-22.118, Libye c. SORELEC
En début d’année, dans l’affaire Belokon, la Cour de cassation avait approuvé le « contrôle maximaliste » par le juge de l’annulation de la conformité des sentences arbitrales à l’ordre public international français.
Comme souligné précédemment dans notre newsletter Alerion, un doute subsistait sur le point de savoir si ce contrôle s’appliquerait à toutes les violations alléguées de l’ordre public international ou s’il se limitait à la prohibition du blanchiment d’argent, de la corruption et d’infractions similaires reconnues au niveau international.
Dans un arrêt rendu le 7 septembre 2022 dans l’affaire SORELEC, la Cour de cassation semble confirmer l’élargissement du contrôle judiciaire plein à tous les cas de violations potentielles de l’ordre public international français.
Cependant, cette décision soulève de nouvelles interrogations sur l’applicabilité du contrôle maximaliste à tous les cas d’ouverture du recours en annulation contre une sentence arbitrale prévus en droit français.
Un contexte hautement politique
En 1979, le Ministère de l’Education de Libye a accordé à la société française SORELEC un contrat pour la construction d’écoles en Libye. Un litige est survenu entre les parties en 1985 et le projet a été interrompu. En 2003, après plusieurs années de négociations, un accord transactionnel a été conclu.
En 2013, SORELEC a introduit une procédure d’arbitrage d’investissement contre la Libye afin d’obtenir le paiement de l’indemnité transactionnelle, fondée sur le traité bilatéral de protection des investissements franco-libyen de 2004. La procédure s’est déroulée dans le contexte de la guerre civile libyenne où deux gouvernements rivaux ont été formés, à Tobrouk et à Tripoli.
En 2016, SORELEC a conclu un nouvel accord transactionnel avec le ministre de la Justice du gouvernement de Tobrouk. La Libye devait payer 230 millions d’euros à SORELEC avant une certaine date. En cas de défaut de paiement, la Libye devait payer 452 millions d’euros.
SORELEC a demandé au tribunal arbitral d’homologuer l’accord transactionnel, tandis que la Libye a contesté la validité de l’accord au motif qu’il n’avait pas été signé par le gouvernement de Tripoli. Le tribunal arbitral a homologué l’accord.
En 2017, le tribunal arbitral a rendu une sentence partielle ordonnant à la Libye de payer à SORELEC 230 millions d’euros dans un délai de 45 jours. La Libye ne s’est pas exécutée. En 2018, le tribunal arbitral a rendu une sentence finale condamnant la Libye à payer 452 millions d’euros à SORELEC.
La procédure en annulation devant les tribunaux français
La Libye a déposé devant la Cour d’appel de Paris des recours en annulation contre les deux sentences. Elle a prétendu, pour la première fois, que l’accord transactionnel de 2016 aurait été obtenu par corruption et que, par conséquent, les sentences seraient contraires à l’ordre public international français.
Par arrêts distincts en date du 17 novembre 2020, la Cour d’appel de Paris a annulé les deux sentences. S’agissant de la sentence partielle, la Cour a considéré qu’il existait des indices « graves, précis et concordants » d’une collusion entre SORELEC et le ministre de la Justice libyen pour la signature de l’accord transactionnel de 2016. Cette décision a entraîné l’annulation de la sentence finale, puisque sa validité était directement tributaire de la validité de la sentence partielle dont elle assure l’exécution. Le 7 septembre 2022, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris annulant la sentence partielle pour violation de l’ordre public international. En conséquence, le 14 septembre 2022, la Cour a rejeté le pourvoi de SORELEC contre la sentence finale.
En premier lieu, SORELEC soutenait que la Cour d’appel n’avait pas correctement mis en œuvre le standard de preuve applicable (généralement présenté comme une approche « red flags ») et avait inversé la charge de la preuve.
La Cour de cassation a rejeté ce moyen sommairement sans exposer son raisonnement, ce que certains peuvent regretter, les praticiens de l’arbitrage étant désireux de clarifications sur cette question.
Deuxièmement, SORELEC soutenait que le principe de loyauté procédurale aurait dû empêcher la Libye de porter pour la première fois devant le juge de l’annulation des allégations de corruption qu’elle s’était intentionnellement abstenue de soumettre au tribunal arbitral.
La Cour de cassation a également rejeté cet argument, considérant que les parties avaient le droit d’invoquer des violations potentielles de l’ordre public international français pour la première fois devant le juge de l’annulation.
Troisièmement, SORELEC a fait valoir que la Cour d’appel fondait sa décision sur un certain nombre de moyens qui équivalaient à un contrôle de novo de la sentence sur le fond, ce qui est interdit.
En réponse à ce moyen, la Cour de cassation a d’abord cité intégralement l’article 1520 du Code de procédure civile français, qui énumère les cinq cas d’ouverture du recours en annulation contre une sentence arbitrale en droit français.
Ensuite, la haute juridiction a énoncé que si le juge de l’annulation devait limiter son contrôle aux vices énumérés dans cette disposition, aucune limite n’est apportée à son pouvoir d’examiner, en droit et en fait, tous les éléments concernant les vices en question.
Enfin, la Cour a conclu que la Cour d’appel pouvait, pour vérifier la véracité de l’allégation selon laquelle l’accord transactionnel avait été obtenu par corruption, d’examiner toutes les preuves produites à son appui, même si ces dernières n’avaient pas été présentées aux arbitres.
Le contrôle « maximaliste » des sentences arbitrales
La Cour de cassation a confirmé la position adoptée précédemment dans l’affaire Belokon selon laquelle, lorsqu’il est allégué qu’une sentence internationale viole l’ordre public international français, les tribunaux français doivent procéder à un examen approfondi de ces allégations, en ce compris en étudiant de nouvelles preuves.
En outre, la haute juridiction n’a pas sanctionné le choix du requérant de ne pas porter ces allégations devant le tribunal arbitral, attendant le prononcé de la sentence. Ainsi, elle a fait prévaloir le respect de l’ordre public international français de fond sur la loyauté procédurale.
L’arrêt SORELEC appelle au moins deux commentaires.
En premier lieu, le contrôle maximaliste des cas d’ouverture du recours en annulation contre une sentence se rapproche d’un contrôle de novo sur le fond de l’affaire. La Cour d’appel a examiné en détail plusieurs aspects de l’affaire, y compris les concessions réciproques des parties prévues dans l’accord transactionnel, afin de déterminer si celui-ci pouvait être un indice de corruption.
En second lieu, la formule employée par la Cour conduit certains auteurs à interroger ce qui était jusque-là l’interprétation la plus répandue de sa jurisprudence, à savoir que le contrôle maximaliste avait vocation à s’appliquer uniquement aux contestations relatives à la compétence du tribunal arbitral et aux violations potentielles de l’ordre public international français. La citation par la Cour de cassation de l’intégralité de l’article 1520 du Code de procédure civile français avant de réaffirmer le contrôle maximaliste des moyens soulevés contre la sentence, pourrait indiquer que ce contrôle s’appliquerait à l’ensemble des cinq cas d’ouverture.
Des clarifications sont souhaitées sur ces questions.
Conclusion
Comme les développements ci-dessus le suggèrent, cette décision confirme la volonté de la Cour de cassation de traquer toute trace de corruption dans les affaires soumises à l’arbitrage. Les praticiens doivent en tenir compte dans leurs choix procéduraux, tant au stade de l’arbitrage que de l’exécution.