La Série Distribution d’Alerion par Catherine Robin et Johanna Guerrero – Agent commercial (épisode 4)

Alerion vous invite à suivre les actualités du droit de la distribution. Pour débuter cette série, focus sur le statut d’agent commercial. Inauguré dès 1958 en France, le statut a suivi l’harmonisation européenne en 1986 et continue d’évoluer sous l’influence de la Cour de justice.

Episode 1 –     Pour bénéficier du statut d’agent commercial, nul besoin d’avoir le pouvoir de négocier les prix

Episode 2 –     La faculté de déroger au droit à commission de l’agent

Episode 3 –    Indemnité de rupture et faute grave de l’agent

Episode 4 –     Agent commercial exerçant en dehors de l’UE et droit français

Episode 4 

Agent commercial exerçant en dehors de l’UE et droit français

La Cour de cassation affirme pour la première fois le principe d’application du statut d’agent commercial à l’intermédiaire établi et exerçant son activité en dehors de l’Union Européenne, lorsque le contrat est soumis au droit français[1]. Si la Cour avait déjà reconnu implicitement cette possibilité en 2021 pour un intermédiaire exerçant en Russie,[2], elle ne s’était pas prononcée sur le sujet qui n’était alors pas contesté.

Comme évoqué dans les épisodes précédents de la Série Distribution d’Alerion consacrée à l’agent commercial, le statut de l’agent commercial est harmonisé dans l’Union européenne (directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986, C.com. art. L. 134-1 et s.). Rappelons que, à la cessation de la relation, l’agent a droit à une indemnité de fin de contrat. En France, le régime est généreux avec l’agent : sauf circonstances particulières, il a droit à deux années de commissions, calculées sur les trois dernières années.

L’affaire qui fait l’objet de cet arrêt concerne un producteur français qui avait confié la commercialisation de ses vins et spiritueux au Canada, à un agent canadien, et avait choisi de soumettre leur contrat au droit français et aux juridictions françaises. Lors de la cessation de la relation, le producteur avait refusé de verser l’indemnité aux motifs que l’agent ne répondait pas à la définition du statut d’agent commercial, faute de pouvoir négocier les prix, et du fait de la spécificité de l’importation des boissons alcooliques au Canada.

Pendant la procédure, avant que la Cour d’appel ne statue, la Cour de justice européenne avait rendu l’arrêt Trendsetteuse[3], aux termes duquel elle jugeait que, pour bénéficier du statut d’agent commercial, l’intermédiaire n’avait pas à justifier du pouvoir de négocier les prix (cf. Episode 1).

C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Paris a reconnu le bénéfice du statut d’agent commercial à l’agent canadien et que le producteur a été condamné à lui verser une indemnité de rupture égale à deux années de commissions.

Le producteur français a alors formé un pourvoi en cassation en faisant notamment valoir que :

  • Le droit français, tel qu’interprété par la juridiction européenne, ne pouvait pas s’appliquer à un agent canadien exerçant son activité en dehors du territoire de l’Union européenne ;
  • La relation contractuelle s’était formée, exécutée et terminée avant l’arrêt de la Cour de justice, qui n’avait donc pas lieu de s’appliquer.

Ces arguments sont rejetés par la Cour de cassation qui juge qu’en application de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, les parties ont choisi valablement de soumettre leur contrat au droit français. En conséquence, c’est au regard du droit français, tel qu’issu de la directive de 1986 et interprétée par la jurisprudence européenne, qu’il convient d’apprécier les critères de qualification d’un agent commercial.

La loi française désignée dans le contrat s’applique « quand bien même l’agent commercial était établi et exerçait son activité en dehors du territoire de l’Union européenne ».

A cet égard, il convient de noter que la directive de 1986 ne limite pas son champ d’application au territoire de l’Union européenne. Chaque Etat membre avait la liberté d’étendre ou non la protection du statut d’agent commercial aux intermédiaires exerçant leur mission dans un pays tiers. Le législateur français ayant fait le choix de ne prévoir aucune limitation quant au champ d’application spatial du texte, celui-ci s’applique dans toutes ses dispositions, quels que soient le lieu d’établissement de l’intermédiaire et le territoire sur lequel il exerce sa mission.

La Cour de cassation rappelle également rappelle que « la sécurité juridique ne consacre pas un droit acquis à une jurisprudence figée ». Même si l’intégralité de la relation s’était déroulée avant le revirement opéré par l’arrêt Trendsetteuse, à une époque où la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour d’appel de Paris était plus sévère pour accorder le bénéfice du statut d’agent commercial puisqu’elle exigeait la preuve de son pouvoir de modifier le prix, les parties « ne peuvent se prévaloir, en cas de litige postérieur, de la loi telle qu’interprétée à la date de conclusion du contrat. » Le revirement opéré par l’arrêt Trendsetteuse est applicable, même intervenu une fois la relation terminée.

La Cour rejette donc le pourvoi. L’arrêt d’appel[4] est confirmé en ce qu’il avait reconnu le statut d’agent commercial à l’agent canadien après avoir relevé qu’il exerçait une activité de négociation, propre à ce statut, et l’agent a droit à l’indemnité de fin de contrat, qui, en l’espèce, s’élevait à presque trois millions d’euros.

L’équipe d’Alerion en charge de la Contrats commerciaux-distribution, Catherine Robin et Johanna Guerrero, est à votre disposition pour vous assister dans la rédaction de vos contrats d’agence commerciale et vous accompagner dans le cadre de tout précontentieux et contentieux en lien avec ce type de distribution. Cette affaire a été suivie par Alerion (procédures de première instance et d’appel) et par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre (pourvoi en cassation).


[1] Cass. civ. 1ère 11 janvier 2023, n°21-18.683

[2] Cass. com. 12 mai 2021, n°19-17.042

[3] CJUE 4 juin 2020, aff. C-828/18, Trendsetteuse

[4] CA Paris, 20 mai 2021, n°19/05011

La Série Distribution d’Alerion par Catherine Robin et Johanna Guerrero – Agent commercial (épisode 3)

Alerion vous invite à suivre les actualités du droit de la distribution. Pour débuter cette série, focus sur le statut d’agent commercial. Inauguré dès 1958 en France, le statut a suivi l’harmonisation européenne en 1986 et continue d’évoluer sous l’influence de la Cour de justice.

Episode 1 –     Pour bénéficier du statut d’agent commercial, nul besoin d’avoir le pouvoir de négocier les prix

Episode 2 –     La faculté de déroger au droit à commission de l’agent

Episode 3 –    Indemnité de rupture et faute grave de l’agent

Episode 4 –     Agent commercial exerçant en dehors de l’UE et droit français

Episode 3 

Agent commercial – indemnité de fin de contrat et faute grave

Plusieurs décisions récentes en matière d’agence commerciale se sont concentrées sur l’indemnité de fin de contrat due à l’agent. La Cour de cassation a même opéré un revirement de jurisprudence : elle impose désormais que la faute grave de l’agent soit dénoncée lors du courrier de résiliation du contrat pour qu’elle soit privative de l’indemnité de rupture.

L’agent commercial est un intermédiaire indépendant qui négocie et/ou conclut des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, industriels, commerçants ou autres agents commerciaux (C.com. art. L. 134-1).

A la cessation des relations, l’agent a droit à une indemnité de fin de contrat (C.com. art. L. 134-12) qui, selon les usages, correspond à deux ans de commissions, calculés sur les trois dernières années. Cette disposition étant d’ordre public, il n’est pas possible d’y déroger. L’agent perd son droit à indemnité uniquement en cas de faute grave, de rupture du contrat à son initiative et sans justification ou en cas de cession du contrat avec l’accord du mandant (C.com. art. L. 134-13).

Plusieurs décisions récentes sont venues préciser les contours de ce droit à indemnité de fin de contrat de l’agent :

  • Il est possible pour un mandant de reprendre un client du portefeuille de son agent et lui verser en contrepartie l’indemnité forfaitaire prévue dans le contrat. Cette clause est licite car elle ne stipule pas une indemnité forfaitaire du préjudice résultant de la cessation des relations avec le mandant (Cass. com., 5 octobre 2022, n°20-16.665). 
  • Le décès du gérant associé unique d’une EURL ayant une activité commerciale n’ouvre pas droit à l’indemnité de fin de contrat. En effet, sauf stipulation contraire des statuts, l’EURL n’est pas dissoute par le décès d’un associé. L’exploitation de la société continue entre les ayants-droits et héritiers (Cass. com. 22 juin 2022, n°21-11.675).
  • La faute grave de l’agent doit être exposée dès l’envoi du courrier de rupture, à défaut l’agent conserve son droit à indemnité. La Cour de cassation opère par cette décision un revirement de jurisprudence et s’aligne sur la position de la Cour de justice de l’Union européenne. La Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que l’agent commercial pouvait être privé de son indemnité de fin de contrat même lorsque sa faute grave, commise pendant l’exécution du contrat, était dénoncée par le mandant après l’envoi du courrier de résiliation (Cass. com. 16 novembre 2022, n°21-17.423).

L’indemnité de fin de contrat de l’agent est un coût à prendre en compte dans la mise en place d’un réseau d’agents. Ce mode de distribution est néanmoins particulièrement adapté pour développer une activité à l’international, compte tenu de la souplesse de son organisation et de la connaissance du marché étranger que possède l’agent commercial.

Le mandant doit s’assurer de se conformer à la nouvelle position de la Cour de cassation en mentionnant la faute grave reprochée à l’agent dans la lettre de rupture. A défaut, l’agent peut conserver son droit à indemnisation. Nous considérons cependant que, même alléguée tardivement, la faute grave de l’agent est de nature à diminuer le montant de l’indemnité de rupture.

L’équipe d’Alerion en charge de la Contrats commerciaux-distribution, Catherine Robin et Johanna Guerrero, est à votre disposition pour vous assister dans la rédaction de vos contrats d’agence commerciale et vous accompagner dans le cadre de tout précontentieux et contentieux en lien avec ce type de distribution.

Décret n° 2023-187 du 17 mars 2023 portant adaptation du code de procédure pénale à la création des officiers judiciaires de l’environnement

Décret n°2023-187 du 17 mars 2023

Le décret du 17 mars 2023 crée une nouvelle section dans la Deuxième Partie du Code de procédure pénale : Deuxième Partie, Livre 1er, Titre 1er, Chapitre 1er, Section 10 : Des officiers judiciaires de l’environnement.

Il a pour objet l’adaptation du code de procédure pénale à la création des officiers judiciaires de l’environnement (Inspecteurs de l’environnement) prévus par l’article 28-3 du même code.

L’article 28-3 prévoit, en effet, que des inspecteurs de l’environnement désignés par arrêté ministériel ont, dans le cadre des enquêtes judiciaires qu’ils diligentent sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction, les mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux Officiers de Police Judiciaire (OPJ).

Habilités personnellement par décision du procureur général et placés sous la direction du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction du siège de leur fonction, le décret du 17 mars 2023 détermine, ainsi :

  • Les modalités de leur désignation ;
  • Les conditions de leur habilitation et de leur notation par le procureur général.

Selon ce nouveau décret entré en vigueur le 20 mars 2023, les Officiers Judiciaires de l’Environnement (OJE) sont désignés par arrêté ministériel, sur proposition du Directeur général de l’Office français de la biodiversité et après avis conforme d’une commission dont les membres sont désignés dans les conditions prévues au nouvel article R.15-33-29-19 du Code de procédure pénale.

Chaque OJE exerce ses attributions conformément à l’habilitation qui lui est individuellement donnée par le procureur général de son service de rattachement.

Le procureur général territorialement compétent apprécie la qualité des missions exercées par chaque OJE et adresse, à l’issue, une notation (de 0 à 10) à l’Office français de la biodiversité.

Fahima Gasmi, Associée

RSE : la médaille et son revers (3)

Notre maison brûle et … nous ne regardons plus ailleurs

Confrontés à la réalité du réchauffement climatique que chacun peut appréhender par lui-même quasi quotidiennement, les climato-sceptiques ne disposent plus de la même audience dans l’opinion publique qu’en 2002.

De fait, nous ne pouvons faire autrement que de regarder la réalité en face :  même s’il faudrait investir 40M euros supplémentaires par an pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, les incantations ont quand même laissé la place à l’action.

Sur un plan politique tout d’abord

La prise de conscience a donné lieu à des textes pris au niveau européen (Corporate Sustainability Reporting Directive de décembre 2022) et au niveau national (loi relative au devoir de vigilance du 27 mars 2017, certains aspects de la loi PACTE du 22 mai 2019,  loi Climat et résilience du 22 août 2021) ; ces textes prévoient notamment :

  • L’instauration d’un Plan de vigilance (Art 225-102-4 C. de Commerce) destiné à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves contre les libertés et droits fondamentaux , sécurité des personnes ou de l’environnement.
  • La possibilité ouverte de rechercher la responsabilité de la société mère avec la loi Climat pour les dommages causés par une de ses filiales exploitant ou explorant une mine placée en liquidation judiciaire.
  • La consultation du CSE sur les conséquences environnementales des décisions prises par l’entreprise est désormais obligatoire.

La prise de conscience a donné lieu à des textes pris au niveau européen (Corporate Sustainability Reporting Directive de décembre 2022) et au niveau national (loi relative au devoir de vigilance du 27 mars 2017, certains aspects de la loi PACTE du 22 mai 2019,  loi Climat et résilience du 22 août 2021) ; ces textes prévoient notamment :

  • L’instauration d’un Plan de vigilance (Art 225-102-4 C. de Commerce) destiné à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves contre les libertés et droits fondamentaux , sécurité des personnes ou de l’environnement.
  • La possibilité ouverte de rechercher la responsabilité de la société mère avec la loi Climat pour les dommages causés par une de ses filiales exploitant ou explorant une mine placée en liquidation judiciaire.
  • La consultation du CSE sur les conséquences environnementales des décisions prises par l’entreprise est désormais obligatoire.

Dans l’opinion publique ensuite

Plus de la moitié des dirigeants français (en hausse de 25%) souhaite que le Medef soit proactif sur les questions de transition écologique.

Certains proposent de faire de BPIfrance la « Banque de la transition écologique », ou de faire de l’impact écologique et social la clé de voûte de la commande publique ou encore de créer un crédit d’impôt « transition ».

D’autres suggèrent :

  • La disparition des niches fiscales nuisibles à l’environnement
  • L’écoconditionnalité de l’accès aux marchés et financements publics
  • De conditionner la rémunération des dirigeants à la réussite de critères environnementaux préalablement fixés et l’obligation de la réalisation d’un bilan carbone scope 3 pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés (le scope 3 intégrant toutes les émissions indirectes soit le cycle de vie d’un produit, les déchets, les mobilités du personnel, les transports de marchandises)
  • De former les salariés au numérique responsable
  • De diriger l’épargne salariale vers des fonds respectueux de l’environnement
  • De procéder à des mises à jour régulières de la BDESE afin d’éviter le « greenwashing »

En attendant, des décisions à forte connotation environnementale ont déjà été prises même si certaines d’entre elles peuvent paraître dérisoires par rapport aux enjeux.

  • Lutte contre le gaspillage : une information concrète pour le consommateur sur les impacts environnementaux d’un produit (analyse du cycle de vie du produit au regard de critères tels que : empreinte carbone, biodiversité, consommation d’eau net d’autres ressources naturelles etc ..).
  • Affichage de la saisonnalité des fruits et légumes
  • Recours obligatoire à un label reconnu par l’Etat pour être équitable (aujourd’hui il n’existe pas de garantie).
  • Sanction des publicités incitant à la fin de vie des produits
  • Contrôle de la distribution d’échantillons publicitaires
  • Interdiction des avions publicitaires
  • Encadrement des publicités lumineuses
  • Réduction des emballages polluants et le gaspillage : fin des emballages plastiques au 1er janvier 2025
  • Fin des emballages non recyclables pour la restauration collective
  • Forcer la vente en vrac dans les supermarchés
  • Rendre obligatoire la mise à disposition de pièces de rechange
  • Freiner la création de nouvelles zones commerciales : interdiction d’installer toute nouvelle surface commerciale « artificialisante »
  • Négociation collective sur la GEPP : doit intégrer une dimension environnementale pour répondre aux enjeux de la transition écologique

Quoiqu’il en soit, l’Etat doit donner l’exemple

L’Etat doit jouer son rôle ce qu’il ne fait pas toujours, comme en témoigne la décision du Conseil d’Etat condamnant l’Etat pour inaction climatique (affaire Grande Synthe dite « Affaire du Siècle du 19 novembre 2020 »)… une décision historique.

L’occasion pour nous d’évoquer dans nos prochaines chroniques la question de ces nouveaux risques pour les entreprises et la mise en cause de leur responsabilité.

Jacques Perotto, Associé

La Série Distribution d’Alerion par Catherine Robin et Johanna Guerrero – Agent commercial (épisode 2)

Alerion vous invite à suivre les actualités du droit de la distribution. Pour débuter cette série, focus sur le statut d’agent commercial. Inauguré dès 1958 en France, le statut a suivi l’harmonisation européenne en 1986 et continue d’évoluer sous l’influence de la Cour de justice.

Episode 1 –     Pour bénéficier du statut d’agent commercial, nul besoin d’avoir le pouvoir de négocier les prix

Episode 2 –    La faculté de déroger au droit à commission de l’agent

Episode 3 –     Indemnité de rupture et faute grave de l’agent

Episode 4 –     Agent commercial exerçant en dehors de l’UE et droit français

Episode 2 

Agent commercial – La faculté de déroger au droit à commission

La Cour de justice de l’Union européenne reconnait la possibilité de déroger contractuellement au droit à commission de l’agent commercial pour les ventes conclues avec un tiers dont cet agent a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre. La portée de cette décision est majeure en ce qu’elle permet de limiter directement le droit à commission de l’agent et, indirectement, son droit à indemnité de fin de contrat qui est calculée sur les commissions versées.

Le statut de l’agent commercial est légal (C.com. art. L. 134-1 et s.) et harmonisé dans l’Union Européenne (directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986). L’agent commercial est un intermédiaire indépendant qui négocie et/ou conclut des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, industriels, commerçants ou autres agents commerciaux (C. com. art. L. 134-1). En contrepartie, l’agent a droit à une commission sur les opérations (comme les ventes) conclues grâce à son intervention ou sur celles conclues avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre, (C. com. art. L. 134-6, Dir. Art. 7.1). Certaines des dispositions du statut légal sont impératives : il n’est pas possible d’y déroger. Cette décision rappelle que, malgré ces règles impératives, les parties bénéficient d’une certaine liberté contractuelle s’agissant des règles supplétives du statut.

Selon la Cour de Justice*, le droit de l’agent à recevoir une commission, comme le prévoit la directive, peut être aménagé contractuellement lorsqu’il s’applique aux opérations conclues avec un client, acquis initialement par l’intermédiaire de l’agent. La Cour a jugé que le contrat d’agent commercial peut prévoir que l’agent ne recevra aucune commission sur les ventes ultérieures.

Ainsi, les parties sont libres d’aménager les règles supplétives du statut d’agent commercial, comme le droit à commission sur les ventes ultérieures. Il est certain qu’un tel aménagement peut susciter de fortes réticences de la part des agents. Pour autant, la Cour relève que conférer un caractère impératif au droit à commission sur de telles opérations ne serait pas nécessairement plus protecteur des agents dans la mesure où « il ne saurait être exclu que, en pareille circonstance, certains commettants compenseraient le coût de la commission qui serait nécessairement due […]  en réduisant le taux de la commission de base, en limitant ou en excluant les frais antérieurement remboursés ou d’autres éléments de la rémunération, voire renonceraient à nouer une relation contractuelle avec un agent commercial. » (§35)

Le statut protecteur de l’agent commercial est cependant fortement altéré par une telle faculté donnée au mandant.

En effet, en droit français, comme l’indemnité de fin de contrat due à l’agent est calculée sur le montant des commissions versées pendant les dernières années, priver l’agent des commissions sur les ventes ultérieures conduit mécaniquement à réduire le montant de cette indemnité.

  • Pour préserver l’attractivité du statut d’agent commercial, à la fois pour l’agent qui a droit à une juste rémunération, et pour le mandant, qui peut développer sa clientèle sans engager de lourds investissements, le contrat d’agence commerciale doit donc être rédigé en veillant à préserver les intérêts des deux parties, pendant la relation et à la date de sa cessation.

L’équipe d’Alerion en charge de la distribution et des contrats commerciaux, Catherine Robin et Johanna Guerrero, est à votre disposition pour vous assister dans la rédaction des contrats d’agence commerciale et vous accompagner dans le cadre de tout précontentieux et contentieux en lien avec ce type de distribution.

*CJUE 13 octobre 2022, aff. 64/21, Rigall Arteria Management sp. Z o.o sp.k c/ Bank Handlowy w Warszawie S.A.

La Série Distribution d’Alerion par Catherine Robin et Johanna Guerrero – Agent commercial (épisode 1)

Alerion vous invite à suivre les actualités du droit de la distribution. Pour débuter cette série, focus sur le statut d’agent commercial. Inauguré dès 1958 en France, le statut a suivi l’harmonisation européenne en 1986 et continue d’évoluer sous l’influence de la Cour de justice.

Episode 1 –    Pour bénéficier du statut d’agent commercial, nul besoin d’avoir le pouvoir de négocier les prix

Episode 2 –     La faculté de déroger au droit à commission de l’agent

Episode 3 –     Indemnité de rupture et faute grave de l’agent

Episode 4 –     Agent commercial exerçant en dehors de l’UE et droit français

Episode 1

Pour bénéficier du statut d’agent commercial, nul besoin d’avoir le pouvoir de négocier les prix

En droit français et européen, l’agent commercial a droit à une indemnité à la fin de la relation avec le mandant (Code de commerce français, Art. L 134-12, Directive 86/653/CEE du 18/12/1986).

Jusqu’en 2020, et malgré les critiques, la Cour de cassation, suivie par la Cour d’appel de Paris, a toujours considéré que l’intermédiaire qui n’avait pas le pouvoir de modifier le prix et les conditions de vente avec les clients, ne pouvait pas être qualifié d’agent commercial. En conséquence, un tel intermédiaire ne pouvait obtenir ladite indemnité, sauf à apporter la preuve lourde et difficile de ses diligences auprès des clients, de ses négociations sur le prix et de son pouvoir de le modifier.

Le 4 juin 2020*, la Cour de justice de l’Union européenne a adopté une position diamétralement opposée et a jugé qu’une personne qui vend des marchandises au nom et pour le compte de son mandant n’a pas nécessairement besoin d’avoir le pouvoir de modifier les prix pour se voir reconnaître le statut juridique d’agent commercial.

La Cour de cassation* et la Cour d’appel de Paris* sont alors revenues sur leur jurisprudence et ont abandonné la condition du pouvoir de modifier les prix comme exigence pour un agent commercial.

La distribution via un réseau d’agents commerciaux est particulièrement adaptée à la distribution nationale et internationale de produits et de services. Pendant la durée du contrat, l’agent n’agit pas en son nom propre et ne développe pas sa propre clientèle mais celle du mandant, qui peut ainsi faire connaître ses marques et développer ses ventes sur un marché national ou étranger avec une structure légère (l’agent est rémunéré par une commission sur les ventes) par l’intermédiaire d’un opérateur connaissant bien le fonctionnement de ce marché.

A la fin du contrat, le mandant conserve la clientèle développée par l’agent, ce qui lui permet de s’implanter durablement sur le marché développé par celui-ci, par l’intermédiaire d’une filiale locale ou d’un distributeur local qui accepte le risque de distribuer les produits et services pour son propre compte. En revanche, l’agent perd le fruit de son travail. Cependant, le statut d’agent commercial prévu par la directive (86/653/CEE du 18/12/1986) incorporée dans le code de commerce français (art. L134-1 et suivants) lui permet d’obtenir une indemnité qui, selon la jurisprudence française, est le plus souvent égale à 2 années de commission, calculées sur les 3 dernières années du contrat. Ce montant n’est pas mentionné dans la loi : les circonstances peuvent justifier un montant inférieur.

Cette indemnité est limitée à l’activité d’agence commerciale et ne peut pas être étendue à d’autres intermédiaires ou prestataires de services.

En effet, l’agent commercial doit veiller aux intérêts du donneur d’ordres, agir loyalement et de bonne foi (directive, art. 3). En particulier, l’agent commercial doit « déployer les efforts appropriés pour négocier et, le cas échéant, conclure les opérations dont il a la charge ». Bien que ces opérations n’impliquent pas nécessairement la possibilité de modifier le prix des marchandises, elles nécessitent qu’il fournisse des informations et des conseils, qu’il entretienne une relation étroite avec les clients potentiels ou existants afin de favoriser les ventes. Seuls les efforts et les actions accomplis à ce titre permettent à l’agent de prétendre au statut et aux commissions sur les ventes s’il les déploie de manière permanente. Ainsi, un agent qui ne visite jamais les clients ou un prestataire de services qui n’est chargé que des opérations publicitaires sur un territoire, ne peut prétendre ni au statut d’agent commercial ni à une quelconque indemnité de cessation d’activité.

L’équipe d’Alerion en charge de la distribution et des contrats commerciaux, Catherine Robin et Johanna Guerrero, est à la disposition des entreprises françaises et étrangères pour les assister dans la rédaction et l’organisation de leurs relations commerciales.

* CJUE, 4 juin 4th, 2020, aff. C‑828/18, Trendsetteuse; Cass. com. 12 mai 2021, 19-17.042 ; CA Paris 20 mai 2021 19/05011

Le recul de l’autorité de la chose jugée en présence d’une clause abusive

Com. 8 février 2023, n°21-17.763

L’autorité de la chose jugée attachée à une décision d’admission de créance n’exclut pas que le débiteur conteste utilement la créance devant le juge de l’exécution en présence d’une clause abusive.

Dans cette affaire, une banque a consenti à une personne physique deux prêts notariés garantis par une hypothèque.  L’emprunteur a été placé en liquidation judiciaire et le juge commissaire a admis les créances de la banque au passif du débiteur par deux ordonnances devenues irrévocables et ainsi revêtues de l’autorité de la chose jugée.

Par la suite, la banque a initié une procédure de saisie immobilière.  A l’audience d’orientation du juge de l’exécution, puis devant la Cour saisie de l’appel formé contre le jugement d’orientation, le débiteur a soulevé une contestation des créances de la banque tirée de ce que la clause d’exigibilité anticipée stipulée aux contrats de prêt serait abusive, de sorte que la créance de la banque ne serait pas exigible.

Les juges du fond ont rejeté la contestation en se fondant notamment sur (i) l’autorité de la chose jugée qui s’attache au dispositif des décisions de justice irrévocables et en particulier des décisions d’admission d’une créance et (ii) l’article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, qui précise que, lorsque le titre exécutoire qui sert de fondement aux poursuites est une décision de justice, le juge de l’exécution ne peut en modifier le dispositif ni en suspendre l’exécution.

Toutefois, tout en confirmant l’autorité de la chose jugée de la décision d’admission du Juge commissaire sur l’existence, la nature et le montant de la créance admise, la Cour de cassation ajoute que l’autorité de la chose jugée « ne doit pas être susceptible de vider de sa substance l’obligation incombant au juge national de procéder à un examen d’office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles ».

Autrement dit, le mécanisme de l’autorité de la chose jugée ne peut faire obstacle au contrôle juridictionnel effectif d’une clause si la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée n’a pas contrôlé (d’office ou à la demande des parties) la clause susceptible d’être abusive.

Cette solution, qui vaut quelle que soit la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, et non pour le seul cas de la décision d’admission au passif, repose sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui consacre l’office obligatoire du juge national de contrôler caractère abusif d’une clause y compris au stade des mesures d’exécution forcée.

Cet important tempérament au principe de l’autorité de la chose jugée marque une insécurité élevée pour les créanciers, qui peuvent avoir intérêt à provoquer d’eux-mêmes le débat des clauses abusives dans le cadre de l’instance qui doit constater l’existence de leur créance, afin d’éviter que les débiteurs n’attendent le stade de l’exécution pour invoquer une contestation portant sur le caractère abusif d’une clause.

Sibylle Mareau, Associée et Caroline Meunier, Counsel

Négociations commerciales

Fournisseurs, distributeurs : prenez garde !

La convention unique doit être signée : un échange de courriels n’est pas suffisant

Cette précision a été apportée dans le jugement qui a condamné la centrale d’achat Eurelec Trading, commune à l’enseigne E. Leclerc et au distributeur allemand Rewe, au paiement d’une amende record de 6,34 millions d’euros pour avoir commis pas moins de 21 manquements à son obligation de conclure avec ses fournisseurs des conventions uniques avant le 1er mars de l’année de leur application (TA, Paris 23 juin 2022, n° 2108979/2-1).

Selon le jugement, seule la signature de la convention unique apporte la preuve de sa conclusion. Sont rejetés les arguments de la centrale selon lesquels les « échanges de consentements » et les « accords de principe » étaient matérialisés par l’envoi de courriers électroniques ou la passation de commandes.

A noter : le tribunal cumule les amendes prononcées pour chacun des 21 manquements suivant en cela la solution du Conseil Constitutionnel du 25 mars 2022. Le Tribunal relève que le quantum de la sanction, fixé sur le chiffre d’affaires prévisionnel, n’est pas critiquable, compte tenu du nombre de manquements constatés et du caractère délibéré de ceux-ci résultant de la volonté de la centrale de se soustraire au droit français.

Comment se mettre d’accord sur le prix dans un contrat à durée déterminée et faire face aux augmentations des coûts ?

Plusieurs solutions sont possibles :

  • Obtenir de son partenaire une nouvelle négociation et le convaincre d’accepter un nouveau prix, à la hausse. C’est la seule solution lorsque le contrat prévoit un prix fix, sans clause de révision.
  • Prévoir dans le contrat une obligation de négocier de nouveau les conditions financières. C’est la clause de rendez-vous ou la clause de renégociation ou de revoyure. Les parties sont contractuellement tenues de se rencontrer et de discuter d’un nouveau prix.

    Elles veilleront à mentionner dans le contrat quelles sont les circonstances qui déclenchent l’obligation de réunion, une obligation de discussion de bonne foi et les conséquences d’un échec.

    Ce mécanisme n’aboutit pas forcément à un accord. Le fournisseur est en principe tenu de justifier de l’augmentation de ses coûts, tout en souhaitant conserver secret les composants de son prix de revient : l’exercice est délicat, mais pas impossible. Dans une relation équilibrée, l’acheteur a aussi intérêt à ce que la relation soit satisfaisante pour son contractant : la modification du prix ne sera peut-être pas aussi importante que celle souhaitée par le vendeur.
  •  Le contrat prévoit une révision automatique du prix : c’est la solution la plus efficace … et la moins pratique. Elle pose la question du choix de l’indice de référence qui doit être en lien avec l’activité des parties ou l’objet du contrat. La clause doit également prévoir les conditions de sa mise en œuvre de la manière la plus claire possible afin que son application soit aérée.

    La loi a rendu obligatoire la révision automatique du prix dans le contrat de vente de produits agricoles (C.rural et de la pêche maritime art. L.631-24, III al. 1 à 8).

(Encore !) une nouvelle loi pour encadrer les relations commerciales

La proposition de loi n° 58 a pour objectif affiché : sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation.

Les moyens qu’elle propose :

  • Confirmer le caractère de loi de police aux dispositions du Code de Commerce relatives à la transparence et autres pratiques restrictives de concurrence (Titre IV du Livre IV) afin qu’il soit clair qu’elles s’appliquent à toute relation contractuelle dès lors que les produits qu’elle vise sont commercialisés en France ; autrement dit, la loi à venir viendrait contrer le phénomène d’évasion juridique consistant à délocaliser la négociation contractuelle en Belgique (comme Eurelec Trading) ou en Suisse (Eureca).
  • En cas d’échec des négociations commerciales et de non-signature d’une convention unique au 1er mars : aménagement du préavis de rupture qui doit tenir compte des « conditions économiques du marché » sur lequel opèrent les parties, notamment pour la fixation du prix applicable pendant le préavis. En cas de désaccord, obligation de saisir le médiateur. En cas d’accord entre les parties suite à la médiation, le prix convenu s’applique rétroactivement aux commandes passées pendant la durée de la médiation. En cas d’échec de la médiation, saisine du tribunal compétent. Cette solution viendrait clarifier la situation actuelle selon laquelle l’absence d’accord au 1er mars conduit au maintien des livraisons par le fabricant au dernier prix convenu, à savoir celui de l’année précédente, pendant plusieurs mois.
  • En matière de produits alimentaires, une certification par un tiers indépendant sur la valorisation des matières premières agricoles entrant dans la composition des produits alimentaires, qui interviendrait avant la signature de la convention unique et s’ajouterait à la qualification prévue à l’issue de la conclusion du contrat (C.com art. L.441-1-1 I 3° et L.443-8 II).

Après avoir été d’abord présentée devant l’Assemblée Nationale, la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par le Sénat le 15 février 2023 et sera étudiée en commission mixte paritaire le 8 mars prochain donc après la date butoir pour la conclusion des conventions uniques pour l’année 2023.

Catherine Robin, Associée et Johanna Guerrero, Collaboratrice en Droit de la distribution, concurrence et contrats.

E-COMMERCE : 20 ans d’une révolution qui continue de défier législateurs et juridictions

Depuis son apparition dans les années 90, le commerce électronique a révolutionné les habitudes de consommation et les modes de distribution des produits et services dans le monde. Son développement intrinsèquement lié à l’évolution des nouvelles technologies connait une forte croissance depuis deux décennies1.

La consécration du commerce électronique a mis en lumière de nouveaux enjeux (1) auxquels le droit a été contraint de s’adapter (2) notamment pour faire face aux nouveaux opérateurs : la plateforme en ligne (3).

1.     Les enjeux du commerce électronique

Le commerce électronique a fait émerger de nouveaux acteurs, de nouveaux modes de distribution et de nouveaux enjeux qui continuent de challenger les autorités françaises et européennes. La distribution des produits et services ne peut plus se passer de l’internet. Le site internet est devenu indispensable à un tel point qu’aujourd’hui, dans l’Union Européenne 78% des sociétés possèdent un site web2. De la même manière, la part de sociétés françaises qui utilisent les médias sociaux a triplé progressant de 20% en 2013 à 61 % en 20213. Les professionnels, y compris les plus réticents au départ comme les industriels du luxe, se sont pleinement approprié ces nouveaux modes de communication pour les transformer en puissants outils de marketing et de commercialisation de leurs produits et services afin de conquérir de nouveaux clients que leurs marchés géographiques traditionnels ne leur permettaient pas d’atteindre, et établir avec eux des relations ciblées.

Le renforcement de la concurrence entre les producteurs et le renforcement de la transparence des politiques de prix sont éminemment favorables à l’acheteur (consommateur ou professionnel) qui dispose d’une offre accessible à tout moment (sous réserve d’une liaison internet !) et d’un outil de comparaison supérieur à celui du commerce traditionnel.

La stimulation de la concurrence et la transparence comportent néanmoins des risques de déloyauté et de parasitisme qui se sont amplifiés. Les exemples sont multiples. Le consommateur n’hésite pas à comparer les produits et services en ligne avant de les acheter dans un magasin physique. A l’inverse, une fois les conseils obtenus du vendeur personne physique ou la démonstration du produit effectuée dans le point de vente physique, le consommateur commandera le produit en ligne pour bénéficier d’un prix plus attractif ou de la protection de la vente en ligne. Les produits de qualité aux marques notoires ou reconnues sont utilisés comme produits d’appel et vendus en ligne à prix cassé par des revendeurs incontrôlables… Quant à la transparence des prix, elle soumet la tête du réseau de distribution à des tentations de contrôle … incompatibles avec la prohibition des ententes.

2.     Et le droit dans cette révolution ? 

Afin de protéger les consommateurs et d’assurer une concurrence saine, les normes existantes ont été adaptées et de nouvelles règles ont été adoptées. Le cadre normatif issu tant du droit français qu’européen est contraint de s’actualiser sans cesse afin de prendre en compte les constantes évolutions de ce marché.

Les grands principes du droit de la consommation que sont la loyauté et transparence de l’information ont été adaptés. Le commerce électronique a fait basculer la vente à distance dans l’ère numérique4. Des informations spécifiques doivent être fournies au consommateur sur le site internet. La publicité en ligne ainsi que le traitement des données personnelles collectées sont encadrées. Des nouveaux statuts d’hébergeur et d’éditeurs de site internet ont été spécifiquement créés avec un régime de responsabilité qui leur est propre5.

De la même manière dans les rapports entre professionnels et particulièrement dans les réseaux de distribution, le recours effectif à l’internet est protégé : les entraves, directes et indirectes, à son utilisation sont sanctionnées ainsi que les pratiques anticoncurrentielles suscitées par la vente en ligne comme les prix imposés en ligne, la discrimination entre la vente physique et la vente en ligne ou encore le géoblocage6.

3.     Un opérateur omniprésent : la plateforme en ligne

Les plateformes en ligne, apparues dès les prémisses du e-commerce, comme Amazon en 1994 ou encore Booking en 1996, sont devenues aujourd’hui des géants incontournables aussi bien pour les consommateurs que les entreprises utilisatrices de leurs services.

Les affaires Expedia7 et Amazon8 ont mis en lumières leurs abus à l’égard des utilisateurs professionnels. La première imposait notamment aux hôteliers l’obtention automatique de meilleurs conditions tarifaires et offres promotionnelles. La deuxième s’octroyait notamment le droit de résilier discrétionnairement le contrat conclu avec un vendeur professionnel. Le juge français n’a pas hésité à condamner ces pratiques et à sanctionner les plateformes à des amendes de 1 million et 4 millions d’euros.

Le législateur français9 et européen10 encadre l’activité de ces plateformes en les soumettant notamment à des obligations de loyauté et de transparence, et en leur imposant le respect de droits spéciaux pour les consommateurs et la régulation des avis en ligne.

La prochaine étape est européenne avec les deux derniers règlements européens :

  • Digital Service Act (DSA)11, (applicable à partir du 17 février 2024) dont le but est de mieux protéger les internautes européens et atténuer les risques de désinformation et vise à une responsabilisation des plateformes.
  • Digital Market Act (DMA)12 (applicable à partir du 2 mai 2023) : dont le but est de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des géants du net et en particulier des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon and Microsoft) et corriger les déséquilibres de leur domination sur le marché numérique européen en leur imposant de nouvelles obligations et interdiction sous peine de lourdes amendes.

Une chose est certaine les évolutions technologiques impactant directement le développement du e-commerce n’ont pas fini de défier les législateurs et juridictions. On pense notamment au développement de l’intelligence artificielle qui va permettre d’accroitre la personnalisation des interactions avec les clients, ou encore la mise en place du web sémantique dit « web 3.0 » encore peu connu du grand public alors qu’il promet de transformer le web en une gigantesque base de connaissance et va certainement poser de nouvelles problématiques en termes de gestion de la sécurité et confidentialité.

Notre équipe est à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner sur vos problématiques liées à la vente en ligne. 

Catherine Robin, Associée et Johanna Guerrero, Collaboratrice en Droit de la distribution, concurrence et contrats.

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[1] Chiffres issus du rapport « Chiffres clés du e-commerce 2022 » de la Fédération E-commerce et Vente à distance (FEVAD)
[2] INSEE « Les entreprises en France – Edition 2022 »
[3] INSEE « Les entreprises en France – Edition 2022 »
[4] Directive 2000/31/CE relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »)
[5] Loi n°2004-575, du 21 juin 2004 « pour la confiance dans l’économie numérique »
[6] Règlement (EU) 2022/720 du 10 mai 2022 sur les accords verticaux et les pratiques concertées
[7] CA Paris, 21 juin 2017, RG n°15/18784
[8] Tribunal de commerce de Paris, 2 septembre 2019, RG n°2017/050625
[9] Loi n°2016-1321, du 7 octobre 2016 « pour une République numérique »
[10] Règlement (EU) 2019/1150 du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne
[11] Règlement (EU) 2022/2065 du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/EC
[12] Règlement (EU) 2022/1925 du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives 2019/1937 et 2020/1228

Licéité des pactes d’actionnaires conclus pour la durée de la société

Civ. 1ère, 25 janvier 2023, n° 19-25.478, publié au Bulletin

Un pacte conclu pour la durée de vie de la société n’est pas un engagement perpétuel prohibé de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement.

Par acte du 30 janvier 2010, les associés d’une société par actions simplifiée familiale détenue par son fondateur, ses cinq enfants et une autre société, ont conclu un pacte d’actionnaires destiné à organiser la bonne marche de l’entreprise et son maintien au sein de la famille au décès du fondateur.

Certains signataires ont été assignés après avoir résilié unilatéralement le pacte, afin qu’il soit jugé que la résolution du pacte était irrégulière et inefficace.

La possibilité de résilier unilatéralement un contrat étant réservée aux contrats à durée indéterminée, la question qui se posait était celle de la qualification de la durée (déterminée ou indéterminée) du pacte d’actionnaires.

L’article 10 du pacte stipulait (i) qu’il avait été conclu pour la durée de la société, soit 99 ans, au terme de laquelle il serait renouvelé pour la nouvelle durée de la société éventuellement prorogée (ii) qu’à l’occasion de chaque renouvellement, toute partie pourrait dénoncer le pacte en notifiant sa décision au moins six mois à l’avance aux autres parties.

En outre, aux termes de son article 11, le pacte devait lier et bénéficier aux héritiers, aux légataires, ayants droit, ayants cause de chacune des parties, et notamment leurs holdings familiales, ainsi que leurs représentants légaux.

La cour d’appel, sans s’attacher à la qualification de la durée fixée dans le Pacte avait jugé la résiliation unilatérale régulière dans la mesure où « la première période de ce pacte expirera le 24 janvier 2068, et en respectant [les dispositions précitées], les descendants ne pourront sortir du pacte qu’à un âge particulièrement avancé, entre 79 et 96 ans selon les signataires du pacte. Cette durée excessive, qui confisque toute possibilité réelle de fin de pacte pour les associés, ouvre aux parties la possibilité de résilier ce pacte unilatéralement à tout moment », appliquant ainsi le régime des contrats à durée indéterminée.

La Haute juridiction a cassé l’arrêt d’appel en jugeant que « la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement ».

C’est ici un éclaircissement appréciable au service de la sécurisation du pacte d’actionnaires et des accords contractuels.

Sibylle Mareau, Associée et Cassandre Giraudeau, Collaboratrice.

Résumé de la politique de confidentialité

Version mise en ligne Janvier 2020

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