Comment préparer sa reprise d’activité face à l’épidémie de Covid-19 ?

Entre survie des entreprises et santé des salariés, le Covid-19 donne une nouvelle occasion aux patrons et syndicats de se confronter sinon de s’affronter : chiffon rouge du droit de retrait agité si les conditions de sécurité ne sont pas assurées dans l’entreprise et préavis de grève déjà déposés en anticipation d’une contestation de ce même droit de retrait par l’employeur.

Si la bonne volonté ne manque pas du côté des entreprises pour mettre en place les mesures barrières et de distanciation sociale, les incertitudes demeurent grandes, liées en cela à l’étendue de leur responsabilité en cas d’infection d’un salarié par le Covid-19 ; incertitudes également liées aux conditions de propagation de la maladie, à l’absence de vaccin et sans doute enfin aux atermoiements gouvernementaux sur le port du masque et la pratique des tests dans les entreprises.

Les décisions de justice récentes rendues à propos du Covid-19 sont là pour nous rappeler que malgré les incertitudes rappelées, l’employeur doit remplir son obligation de moyens pour protéger la santé et la sécurité de ses salariés ; petit tour d’horizon de ce qu’il faudrait faire … et surtout ne pas faire.

Le Covid-19 impose-t-il obligatoirement une mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER) ?

Rappel de quelques principes :

– Le Covid-19 n’est pas une maladie professionnelle en soi : en effet, hormis pour le personnel soignant régulièrement exposé au risque pour lesquelles des annonces ministérielles ont été faites, le Covid-19 n’est pas une maladie professionnelle à condition que l’employeur ait bien mis en place les mesures nécessaires et en particulier celles découlant du protocole de déconfinement et celles résultant des fiches métiers du Ministère du travail.

– En revanche, les juges ont déjà admis la prise en charge d’une pathologie lorsqu’elle a pour origine un ou plusieurs événements déclencheurs, survenus à des dates « certaines », en lien avec le travail, peu important le temps écoulé entre cet évènement et l’apparition de la lésion (Cass. soc., 2 avril 2003, n°00-21.768 et Cass. 2e civ., 6 octobre 2016, n°15-25.924 pour la vaccination contre l’hépatite B).

La reconnaissance d’un accident du travail supposerait de pouvoir déterminer l’événement à l’origine de la contamination au Covid-19, comme un contact étroit et/ou prolongé avec un autre salarié, l’employeur ou encore un client, à l’occasion d’un rendez-vous, entretien, d’une livraison, du travail dans un open-space ou dans un atelier …

– Le seul constat d’une contamination au Covid-19 ne sera pas suffisant pour que puisse être engagée la responsabilité civile ou pénale de l’employeur ; elle pourra l’être si et seulement si l’évènement à l’origine de la contamination est identifié et si le dispositif de sécurité adéquat n’a pas été mis en place par l’employeur.

– La première traduction du respect de ces dispositifs doit s’effectuer au travers du DUER ; son absence de mise à jour ou son absence tout court, fait encourir à l’employeur une responsabilité de principe en cas d’infection de l’un de ses salariés.

L’article R. 4121-2 du Code du travail prévoit en effet que tout employeur souhaitant poursuivre ou reprendre son activité doit (i) mettre à jour son DUER pour tenir compte de l’épidémie de Covid-19 et (ii) procéder, autant qu’il est nécessaire, à son actualisation pour tenir compte des changements intervenus : évolution de l’épidémie, matériel de protection disponible, avancée des connaissances médicales, préconisations des autorités sanitaires, etc…

Ainsi, le DUER doit comporter un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail, y compris notamment les équipements de travail, l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et la définition des postes de travail.

La décision rendue contre Amazon France Logistique a ordonné qu’il soit procédé « à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts » avec une réduction imposée de son activité aux produits essentiels, sous astreinte de 1.000.000 d’euros par jour de retard et infractions constatées (TJ Nanterre, 14 avril 2010 « Amazon », n°20/00503).

Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de Versailles qui rappelle entre autres l’impérieuse nécessité d’actualisation du DUER sur les risques professionnels liés au Covid-19 (CA Versailles, 24 avril 2020 « Amazon », n°20/01993).

De la même manière, le Tribunal judiciaire de Paris a ordonné à La Poste d’élaborer et de diffuser le DUER à jour du Covid-19, après avoir relevé « qu’aucun document de ce type n’existe encore au sein du Groupe La Poste », et ce malgré un effort d’évaluation jugé « suffisamment accompli » (TJ Paris, 9 avril 2020 « La Poste », n°20/52223).

A quelles sanctions s’expose l’employeur qui ne procède pas régulièrement à l’actualisation du DUER ?

L’article R. 4741-1 du Code du travail dispose notamment que : « Le fait de ne pas transcrire ou de ne pas mettre à jour les résultats de l’évaluation des risques est puni de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe ».

Sur le fondement de l’obligation de sécurité, et comme ce fut le cas pour Amazon, un employeur peut être condamné à restreindre, voir arrêter, ses activités le temps qu’il soit procédé à la mise à jour du DUER, le cas échéant, sous astreinte (TJ Nanterre, 14 avril 2010 « Amazon », n°20/00503).

Une mise à jour du règlement intérieur est-elle aussi nécessaire ?

Oui, il est possible, voire souhaitable selon les situations, de procéder à une mise à jour du règlement intérieur pour prendre en compte, non seulement l’épidémie de Covid-19, mais également les mesures de prévention complémentaires adoptées par l’entreprise.

Au-delà de contenir, par nature, des dispositions relatives à la santé et la sécurité, le règlement intérieur est le support du droit disciplinaire et prévoit notamment l’échelle des sanctions disciplinaires applicables, dont celles qui pourront être prises, le cas échéant, en cas de comportement contraire aux nouvelles règles de sécurité.

Conjointement, est-il nécessaire de mettre à jour les plans de prévention relatifs aux prestataires extérieurs ?

Oui, il est impératif pour tout employeur qui souhaite poursuivre ou reprendre son activité de mettre à son jour ses plans de prévention relatifs aux prestataires extérieurs en intégrant les risques spécifiques à l’épidémie de Covid-19.

A titre d’exemple, pour les transporteurs « les opérations de chargement et de déchargement doivent faire l’objet d’un document écrit comprenant les informations utiles à l’évaluation des risques de toute nature générés par l’opération ainsi que les mesures de prévention et de sécurité à observer » (TJ Nanterre, 14 avril 2020 « Amazon » n°20/00503 ; également TJ du Havre, 7 mai 2020 « SAS Renault », n°20/00143).

Quels sont les partenaires devant être associés à la mise à jour du DUER ?

La circulaire DRT n°2002-6 dispose que l’employeur doit associer les « acteurs internes à l’entreprise » dans le processus d’élaboration et de mise à jour, du DUER, à savoir :

– Les instances représentatives du personnel, principalement le CSE et, le cas échéant, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) ou son équivalent.

– Le médecin du travail qui contribue plus particulièrement à la démarche de prévention ;

– Dans la mesure du possible, les salariés eux-mêmes.

En conséquence, et comme l’a relevé la Cour d’appel de Versailles, « la règlementation n’impose pas de méthode particulière pour procéder à l’évaluation des risques professionnels, la méthode retenue doit permettre d’appréhender la réalité des conditions d’exposition des salariés aux dangers. » (CA Versailles, 24 avril 2020 « Amazon », n°20/01993)

Amazon et Carrefour Hypermarchés ont été ainsi condamnés pour ne pas avoir associé les représentants du personnel dans l’actualisation du DUER aux motifs que :

– Le CSE a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise et qu’il doit notamment être consulté en cas de modification importante de l’organisation de travail ;

– La pertinence de l’évaluation des risques repose sur la prise en compte de situations concrètes de travail, les salariés, par le prisme des représentants du personnel, disposant des connaissances et de l’expérience de leur propre situation de travail et des risques engendrés.

En conséquence, il est donc (i) impératif d’associer le CSE dans l’actualisation du DUER et (ii) d’adopter « une approche pluridisciplinaire » en convoquant des compétences médicales (notamment le médecin du travail), techniques et organisationnelles.

Une simple information a posteriori du CSE sera nécessairement jugée insuffisante.

Bien entendu, il est également indispensable de formaliser par écrit, dans un document, l’ensemble des actions menées (rédaction des PV, rédaction de comptes-rendus, etc …) ; à défaut il pourrait être reproché à l’employeur ne pas avoir associé les représentants des salariés et en premier lieu le CSE (CA Versailles, 24 avril 2020 « Amazon », n°20/01993).

En cas de refus ou de retard du secrétaire dans la rédaction des PV, il est fortement conseillé à l’employeur de procéder par voie de mise en demeure, le cas échéant, avec l’Inspecteur du travail en copie. Le recours à un sténographe peut aussi être envisagé.

Quelles sont les principales implications du Covid-19 en termes d’évaluation des risques professionnels et des mesures de prévention afférentes ?

Les premières décisions de justice sur le sujet permettent de donner un éclairage des attentes spécifiques au Covid-19 et du modus operandi, bien que celles-ci soient propres à chaque entreprise en fonction notamment de son activité, de ses spécificités et de ses contraintes.

D’une manière générale, l’employeur doit identifier l’ensemble des situations de travail susceptibles d’occasionner un risque de transmission du Covid-19 de l’entrée à la sortie de l’entreprise en se posant notamment les questions suivantes :

– Est-ce que l’organisation du travail telle qu’elle existait avant la crise sanitaire est compatible avec les contraintes liées à la distanciation sociale ?

– Si tel n’est pas le cas, comment réorganiser son activité pour tenir compte de ces nouvelles contraintes ? Ces évolutions seront à mentionner dans le DUER.

– Lorsque l’organisation de certains postes de travail est incompatible avec le strict respect des exigences de distanciation sociale ; doit-on interdire purement et simplement le travail sur ces postes ?

Ainsi, tout employeur qui souhaite poursuivre ou reprendre son activité devra intégrer dans ses mesures d’évaluation et de prévention les risques professionnels liés :

– Aux modalités d’entrée et de sortie des salariés au sein de l’entreprise qui pourraient représenter une source de contamination résultant notamment d’un afflux trop important de salariés ou de dispositifs de sécurité compromettant les règles de distanciation sociale.

C’est ainsi qu’Amazon a dû procéder à une évaluation plus poussée et prendre les mesures de prévention adéquates pour son dispositif de portiques magnétiques contrôlant l’entrée et la sortie du site alors qu’entre 150 à 450 salariés prenaient leur poste en même temps.

– Aux relations avec les collègues de travail et les clients se traduisant, notamment en matière de prévention, par le respect des gestes barrières et la mise à dispositions de gels hydroalcooliques ou de points d’eau avec savon pour procéder à un lavage des mains.

– Aux modalités d’utilisation de l’ensemble des équipements mis à la disposition des salariés, notamment l’utilisation des vestiaires, des douches, des sanitaires, des salles de pause, des salles déjeuner ; ces endroits devant a minima faire l’objet de procédure particulière de nettoyage et permettre de respecter les règles de distanciation sociale (TJ du Havre, 7 mai 2020 « SAS Renault », n°20/00143 en matière de restauration).

En cas de restriction d’usage de certains de ces équipements, il conviendra d’être vigilant à ne pas générer de nouveaux risques de contamination. A titre d’exemple, en limitant l’accès aux vestiaires, Amazon a créé un nouveau risque lié rangement des manteaux « les uns à côté des autres sur des rambardes à proximité de leur poste de travail ».

– Aux conditions et modalités d’utilisation des matériels, outils professionnels, matières premières, marchandises, etc … ; des protocoles de manipulation et de nettoyage suffisamment précis devant être arrêtés et formalisés par écrit par l’employeur.

– A la gestion des cas d’infections signalés, avérés ou suspectés, tant en ce qui concerne les salariés que les locaux et le mobiliers (définition d’une procédure précise de gestion des salariés contaminés ainsi que des personnes ayant été en contact avec eux, définition d’une procédure de nettoyage des locaux et des surfaces de travail …).

S’agissant des mesures de prévention, le Conseil d’état a jugé que « l’absence de distribution systématique de masques aux salariés ne révèle pas, compte tenu des moyens dont dispose l’administration et des mesures qu’elle a déjà mises en œuvre, de carence grave et manifestement illégale » (CE, 18 avril 2020 « Fermeture des entreprises de la métallurgie », n°440012).

Ainsi, l’absence de fourniture de masques aux salariés n’est pas de nature à caractériser, de ce seul fait, un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ; même si le recours à ce type d’équipement apparaît nécessaire pour certains emplois.

Le Covid-19 est-il un risque biologique ?

Dans certains cas, oui. Le Code du travail comporte, aux articles L. 4421-1 et R. 4421-1 à R. 4427-5 des mesures de prévention spécifiques applicables aux « établissements dans lesquels la nature de l’activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques », telles la mise en œuvre de mesures de protections collectives et individuelles particulières ou encore la tenue d’un registre spécifique répertoriant notamment les activités sensibles, les travailleurs exposés, le plan d’urgence.
Selon le Ministère du travail, peuvent être considérés comme exposés au risque biologique au titre du Covid-19 :

– Les professionnels systématiquement exposés au risque de contamination du virus du fait de la nature de leur activité habituelle (ex : professionnels de santé et de secours) ;

– mais également les travailleurs dont les fonctions les exposent à un risque spécifique quand bien même l’activité de leur entreprise n’impliquerait pas normalement l’utilisation délibérée d’un agent biologique. Cette situation peut notamment concerner les travailleurs des secteurs des soins, de l’aide à domicile ou des services à la personne, dès lors que leurs tâches impliquent des contacts de moins d’un mètre avec des personnes potentiellement contaminées (ex : toilette, habillage, nourriture). »

C’est dans ce contexte que le Tribunal judiciaire de Lille a jugé, dans trois affaires distinctes, que l’exposition des salariés au Covid-19 constitue un risque biologique impliquant le respect des dispositions plus coercitives relatives à cette qualification. Bien que les activités en cause n’impliquaient pas, par nature, l’utilisation délibérée d’un agent biologique, la juridiction a relevé, que les employeurs avaient explicitement identifié ce risque au sein de leur DUER (TJ Lille, 3 avril 2020 « Association ADAR Flandres Métropole », n°20/00380 ;, 14 avril 2020 « Carrefour Market », n°20/00386 ; 24 avril 2020 « Carrefour Hypermarchés », n°20/00395).

Plus récemment, le Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a rejeté l’application de cette règlementation dans le secteur de la boulangerie (TJ, Aix-en-Provence, 30 avril 2020, n°20/00365) alors que celui du Havre l’a également rejeté dans le secteur de l’industrie automobile (TJ du Havre, 7 mai 2020 « SAS Renault », n°20/00143).

Il convient donc d’être particulièrement vigilant dans la mise à jour de sa DUER et dans la qualification juridique des risques induits par l’épidémie de Covid-19 sous peine de se voir appliquer de facto les dispositions coercitives liées à la prévention des risques biologiques.

L’employeur doit-il porter une attention spécifique aux risques psychosociaux (RPS) ?

Oui, l’épidémie de Covid-19 constitue indéniablement un facteur supplémentaire de RPS que les employeurs ne doivent évidemment pas négliger dans la mise à jour de leur DUER (TJ Paris, 9 avril 2020 « La Poste », n°20/52223 ; CA Versailles, 24 avril 2020 « Amazon », n°20/01993 ; (TJ du Havre, 7 mai 2020 « SAS Renault », n°20/00143).

L’évaluation des RPS doit notamment prendre en compte :

– Le risque épidémique en lui-même en ce qu’il est facteur de stress et d’inquiétude pour les salariés, notamment ceux poursuivant leur activité professionnelle ; ce risque perdurera tant que le virus sera présent.

– D’autre part, les conséquences de la réorganisation de l’entreprise et les changements organisationnels (modification des plages de travail, travail à distance, contraintes liées aux règles d’hygiène, incertitude professionnelle, etc …).

L’employeur doit-il informer les salariés des risques identifiés et des mesures de prévention adoptées ?

Oui, l’employeur doit procéder à une information individuelle, régulière, précise et intelligible des salariés sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier (Article R. 4141-1 du Code du travail).

Cette information peut notamment prendre la forme de notes internes, d’affichages dans les locaux, d’infographies, etc …

A titre d’exemple, le Tribunal judiciaire de Lille a notamment ordonné à l’ADAR Flandre Métropole de procéder à plusieurs informations spécifiques sur les procédures particulières mises en œuvre, telle l’interdiction de se rendre chez un client sans être munis des équipements de sécurité nécessaires (TJ Lille, 3 avril 2020 « Association ADAR Flandres Métropole », n°20/00380).

L’employeur doit-il prévoir des mesures de formation spécifique des salariés ?

Oui, il est bien entendu indispensable pour l’employeur d’assurer la formation des salariés au respect des nouvelles règles de sécurité adoptées pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

Il ressort des premières décisions qu’il convient notamment d’assurer la formation des salariés sur l’utilisation (port, retrait, nettoyage, stockage) des équipements de protection (gants, masques, combinaison …), sur les gestes barrières, sur la procédure en cas de suspicion d’exposition ou d’exposition avérée au Covid-19.

Selon, le Tribunal judiciaire du Havre les programmes de formation doivent être préalablement soumis au CSE pour consultation (TJ du Havre, 7 mai 2020 « SAS Renault », n°20/00143).

Il conviendra, bien entendu, d’intégrer une dimension hiérarchique dans les formations dispensées, les managers devant être spécifiquement formés à la gestion de cette situation de crise.

Est-il nécessaire de décliner un Plan de continuation d’activité (PCA) ou de reprise d’activité (PRA) ?

Le PCA est un outil, sans existence ni reconnaissance légale, qui a pour objectif de décliner une stratégie dans un contexte de crise afin d’assurer la continuité de l’activité d’une entreprise en période de crise, telle l’épidémie de Covid-19. Ce document peut notamment évoquer :

– La mise en place d’une structure de crise ;

– L’identification des perturbations possibles et des postes-clés au maintien de l’activité ;

– La réorganisation de la production (télétravail, changements des horaires, des affectations, organisation de la polyvalence…) ;

– Les mesures d’hygiène, santé, sécurité et de prévention des risques.

Contribuant à renforcer l’intérêt d’établir un PCA dans le contexte actuel, la note du 30 mars 2020, rédigée par la DGT à l’attention des DIRECCTE, indique, à titre d’exemple, que l’Inspecteur du travail peut demander à l’employeur, lors d’un contrôle, la communication de « son plan de continuation de l’activité (PCA) ».

Selon une étude menée en mars et avril derniers par l’ANDRH auprès de 550 DRH, 33 % des entreprises sondées disposaient d’un PCA dédié à la pandémie avant le 16 mars 2020 (début du début du confinement) et 39 % en ont mis un en œuvre à partir de cette date.

Jacques Perotto, Benoît Dehaene et Quentin Kéraval, Avocats en droit social.

Le contentieux commercial de l’urgence face à la crise du Covid-19

La crise liée à la pandémie du Covid-19 se traduit, dans la sphère judiciaire par une paralysie quasi-totale des tribunaux, le traitement des dossiers étant limité par la chancellerie aux contentieux essentiels.

Cette période frappe de plein fouet l’activité économique.

Si les contrats conclus continuent de produire leurs effets sous réserve des aménagements mis en place par l’Ordonnance n°2020/306 du 25 mars 2020 [1] et l’Ordonnance n°2020/427 du 15 avril 2020 [2], le confinement et la crise sans précédent qui en découle bouleversent la vie des affaires et les équilibres des relations commerciales. Les difficultés qui naissent de cette situation menacent des projets et des entreprises et requièrent souvent des solutions urgentes.

Face aux restrictions imposées à l’activité judiciaire par la situation sanitaire et -il faut le dire- le manque de moyens de la justice, les acteurs de la vie économique se demandent comment trouver une solution à leurs difficultés dans les délais requis pas la gravité de la situation. Cela concerne les contentieux naissant pendant la période du confinement comme ceux qui apparaîtront dans la période qui suivra.

Les outils procéduraux prévus par le Code de procédure civile permettent de répondre à ces situations d’urgence pendant le confinement ou, lorsque les conditions ne sont pas réunies, de saisir le juge dès le retour à une activité judiciaire normale en vue d’avoir une décision dans un délai rapide.

Le référé d’heure à heure pour obtenir une décision provisoire

La procédure de référé permet de demander des mesures provisoires selon un calendrier plus rapide que la procédure au fond.

Si le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d’assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés, selon la procédure dite du référé d’heure à heure [3].

Ainsi, alors que la procédure de référé classique aboutit à une décision dans un délai généralement compris entre un et six mois, le référé d’heure à heure permet d’obtenir une Ordonnance dans un délai qui peut être inférieur à une semaine.

Cette procédure d’urgence ne peut être mise en œuvre que dans les cas les plus graves et les plus urgents. Le référé d’heure à heure étant une procédure exceptionnelle, le demandeur doit se faire autoriser à assigner par le président du tribunal qui aura à trancher l’affaire en lui présentant par voie de requête un exposé détaillé de l’urgence de la situation.

L’article 796-1 du code de procédure civile prévoit que la requête doit être présentée par voie électronique, ce qui est heureux dans le contexte du confinement.

A ce stade, le demandeur visant exclusivement à se faire autoriser à assigner sans respecter les délais de rigueur, le défendeur -la partie visée par la mesure- n’est pas averti de l’engagement de cette demande et ne peut pas faire valoir ses arguments auprès du président pour s’y opposer.

Dans le contexte du confinement, les juges devraient apprécier le caractère urgent de la demande avec une particulière attention.

A cet égard, l’Ordonnance 2020/304 du 25 mars 2020 [4] prévoit qu’en cas d’assignation en référé, « la juridiction statuant en référé peut rejeter la demande avant l’audience, par ordonnance non contradictoire, si la demande est irrecevable ou s’il n’y a pas lieu à référé ».

S’il considère que l’urgence est caractérisée, le président autorise le demandeur à assigner d’heure à heure la partie adverse et fixera une date d’audience plus ou moins rapprochée en fonction du degré d’urgence (la date peut être fixée un jour férié ou un jour chômé).

Une fois l’autorisation obtenue, le demandeur doit faire assigner son adversaire en vue de l’audience fixée par le président du tribunal compétent.

A l’audience, le juge vérifie qu’il s’est écoulé un délai suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense [5].

Par une décision qui peut être rendue le jour même ou le lendemain de l’audience, le juge a la possibilité d’ordonner notamment :

– Des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige ;

– Des mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. A titre d’illustration, il pourra s’agir de la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale ou de la désignation d’un séquestre ;

– L’exécution d’une obligation contractuelle.

L’Ordonnance de référé pourra être exécutée immédiatement, même si la partie adverse fait appel.

Le juge pourra cependant subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie par le demandeur à la procédure.

La procédure de référé permet de répondre au besoin d’urgence et de prendre des mesures provisoires mais elle ne permet pas d’obtenir une décision au fond, tranchant définitivement le litige et assortie de l’autorité de la chose jugée.

L’assignation à jour fixe ou à bref délai pour obtenir une décision au fond

Lorsque les mesures permises par le référé ne sont pas suffisantes, il est nécessaire d’obtenir une décision de justice sur la totalité du litige.

Dans cette hypothèse, deux procédures similaires peuvent être envisagées en fonction du tribunal compétent :

– L’assignation à jour fixe devant le Tribunal judiciaire [6];

– L’assignation à bref délai devant le Tribunal de commerce [7].

Ces procédures sont plus rapides que la procédure classique en ce qu’elles dispensent de la mise en état.

Le demandeur doit se faire autoriser à recourir à ce type de procédure exceptionnelle par le président du Tribunal en lui présentant :

– Une requête établissant que la situation est suffisamment urgente pour recourir à cette voie accélérée ;

– Le projet d’assignation.

Le président rend ensuite une Ordonnance qui autorise ou non la délivrance d’une assignation à jour fixe ou à bref délai et fixe la date de l’audience.

Dès qu’il reçoit l’Ordonnance, le demandeur doit assigner le défendeur et saisir le tribunal compétent.

Une procédure particulière est prévue devant le tribunal de commerce en matière d’affaires maritimes et aériennes : l’assignation peut être donnée, même d’heure à heure, sans autorisation du président, lorsqu’il existe des parties non domiciliées ou s’il s’agit de matières urgentes et provisoires.

Le Juge s’assurera que la partie assignée a eu le temps de préparer sa défense lors de l’audience et pourra prononcer, s’il l’estime nécessaire au contradictoire, un renvoi à une audience ultérieure.

Ces outils procéduraux, qu’ils visent à obtenir des décisions provisoires ou définitives, ont l’avantage de répondre à l’urgence dictée par la crise sanitaire et ses conséquences.

Le Covid-19 ayant impacté inégalement l’activité des juridictions françaises, il conviendra d’adapter au cas par cas les possibilités offertes au demandeur en fonction du tribunal saisi.

Jacques Bouyssou, Associé et Karadeg Coeffic, Avocat.

[1] Ordonnance n° 2020- 306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période
https://www.alerionavocats.com/covid-19-prorogation-delais-echus-periode-urgence-sanitaire/

[2] Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 : https://www.alerionavocats.com/covid-19-contrats-temps-suspendu-equite-prix-complexite/

[3] Article 485 du Code de procédure civile : « Si, néanmoins, le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d’assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés. »

[4] Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

[5] Article 486 du Code de procédure civile.

[6]Article 840 du Code de procédure civile : « Dans les litiges relevant de la procédure écrite ordinaire, le président du tribunal peut, en cas d’urgence, autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe. Il désigne, s’il y a lieu, la chambre à laquelle l’affaire est distribuée. »

[7] Article 858 du Code de procédure civile : « En cas d’urgence, les délais de comparution et de remise de l’assignation peuvent être réduits par autorisation du président du tribunal ».

Covid-19 et contrats : le temps suspendu 2. L’équité au prix de la complexité

La nouvelle ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 relative aux délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 modifie l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 régissant la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et, notamment, son article 4 relatif aux contrats, en introduisant un mécanisme glissant plus subtil.

Rappelons que le gouvernement a souhaité protéger les acteurs économiques pendant la période d’urgence sanitaire, tout en assurant la sécurité juridique, notamment dans les contrats. A ce titre, il a été créé une « période juridiquement protégée » du 12 mars au 24 juin 2020.

L’ordonnance du 25 mars 2020 ayant provoqué des critiques et présentant des difficultés d’interprétation, la nouvelle est venue apporter des précisions et modifier certains aspects.

1. Seules les astreintes, les clauses pénales, résolutoires ou de déchéance font l’objet d’aménagements des délais contractuels

Cette ordonnance confirme que seules les astreintes, les clauses pénales, résolutoires ou de déchéance, qui ont vocation à protéger une partie en cas d’inexécution de ses obligations par l’autre partie dans les délais contractuellement prévus (ex. une livraison, une échéance), sont concernées par les dispositions de l’ordonnance.

Toutes les autres clauses du contrat continuent à s’appliquer dans les conditions initialement convenues par les parties. Tel est le cas des obligations de paiement, qui ne font pas l’objet d’aménagement particulier. Comme le rappelle le rapport au Président de la République : « Le paiement des obligations contractuelles doit toujours avoir lieu à la date prévue par le contrat ».

2. Le report par « glissement » de la date d’effet des clauses à l’issue de la période juridiquement protégée

Dans sa version initiale, l’ordonnance prévoyait un report unique, fixée à un mois à compter de la fin de la période juridiquement protégée, soit à ce jour le 24 juillet 2020.

Afin de ne pas accorder plus de droits au débiteur d’une obligation inexécutée qu’il n’en disposait contractuellement, l’ordonnance oblige désormais à calculer la prise d’effet de ces clauses en référence à la « durée d’exécution du contrat qui a été impactée (sic) par les mesures résultant de l’état d’urgence sanitaire » [1].

Cette règle plus complexe oblige à mettre en œuvre les principes de computation des délais [2], à savoir :

– Le jour de départ est le jour suivant l’acte, l’événement, la décision ou la notification qui fait courir le délai au regard de la loi ;

– Le dernier jour compte entièrement dans le délai (jusqu’à minuit, c’est-à-dire jusqu’à 23h59 inclus) ;

– Si le délai obtenu après calcul se termine un samedi, un dimanche ou un jour férié, le délai est prolongé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

a. Si le délai expire pendant la période juridiquement protégée (entre le 12 mars et le 24 juin 2020), son point de départ sera reporté après la fin de cette période augmentée du temps écoulé entre le 12 mars 2020 (ou si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née) et la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée. L’ordonnance prévoit donc le glissement, après le 24 juin 2020, du laps de temps qui restait à courir jusqu’à la prise d’effet de la clause. [3]

Exemple : En cas d’inexécution d’une obligation née le 2 mars, une clause résolutoire devait prendre effet le 16 mars. La durée de 4 jours restant à courir (entre le 12 mars, début de la période juridiquement protégée, et le 16 mars, date de prise d’effet de la clause) est reportée à partir du 25 juin 2020 compris. La clause prendra donc effet le 29 juin 2020, si l’obligation n’est pas exécutée le 28 juin 2020 à minuit.

b. Si le délai expire après la période juridiquement protégée (après le 24 juin 2020), les astreintes ne courront ou les clauses ne prendront effet qu’à la date prévue par le contrat augmentée d’une durée égale à la période juridiquement protégée (soit 3 mois et 12 jours entre le 12 mars et le 24 juin 2020). Toutefois, si la date à laquelle l’obligation est née est postérieure au 12 mars, la durée de cette période glissante est calculée à compter de cette date seulement et non celle du 12 mars. [4]

Exemple : Un contrat de travaux est signé avant le 12 mars 2020. La livraison du bâtiment est prévue le 10 juillet 2020 avec une astreinte à compter de cette date. L’astreinte ne prendra effet qu’à compter du 10 juillet 2020 + 3 mois et 12 jours, soit le 23 octobre 2020. Si le même contrat est conclu le 10 avril 2020, soit pendant la période juridiquement protégée, la période reportée ne sera pas comptée à partir du 12 mars mais à compter du 10 avril, soit 2 mois et 14 jours qui est la seule période sur laquelle la crise sanitaire a un effet. L’astreinte courra à compter du 25 septembre 2020.

Aucun aménagement n’est prévu pour les astreintes et clauses sanctionnant l’inexécution d’une obligation de paiement. Le gouvernement estime en effet que « l’incidence des mesures résultant de l’état d’urgence sanitaire sur la possibilité d’exécution des obligations de somme d’argent n’est qu’indirecte et, passé la période juridiquement protégée, les difficultés financières des débiteurs ont vocation à être prises en compte par les règles de droit commun (délai de grâce, procédure collective, surendettement) » [5].

Enfin, les règles concernant l’astreinte ou la clause pénale qui aurait pris effet avant le 12 mars 2020 (quel que soit le type d’obligation concerné) ne sont pas modifiées par l’ordonnance rectificative : leur effet est suspendu jusqu’à la fin de la période juridiquement protégée. Leur cours reprendra normalement à compter du 25 juin 2020.

Exemple : le contrat prévoit une astreinte à compter du 1er mars 2020. Les pénalités s’appliquent pour la période du 1er mars au 11 mars 2020 inclus. Elles sont suspendues du 12 mars au 24 juin 2020 inclus, et sont de nouveau décomptées à partir du 25 juin 2020.

3. Les aménagements contractuels à convenir entre les parties

Pour toutes les autres clauses du contrat (lieux et délais d’exécution, qualité, disponibilité, paiement, délai de livraison, etc.), le contrat demeure la loi des parties et les règles du droit des contrats s’appliquent : force majeure, imprévision, etc.

Afin de préserver des relations commerciales qui devront nécessairement reprendre, dans des conditions qu’il est aujourd’hui difficile d’anticiper, à l’issue de la période d’urgence sanitaire, il est fortement recommandé que les parties parviennent à s’entendre sur des aménagements contractuels qui aident à surmonter cette période difficile et préserve l’avenir de la relation.

Le gouvernement y incite les acteurs économiques qui peuvent renoncer d’un commun accord à l’application du dispositif de report et convenir des aménagements différents des effets de la crise sanitaire sur les conditions d’exécution de leur contrat (cf. Rapport au Président précité).

Les équipes Droit commercial et Conformité & Affaires règlementaires d’Alerion sont à votre disposition pour vous assister dans l’analyse de votre situation :

Catherine Robin, Associée

Frédéric Saffroy, Associé

Justine Clerc, Collaboratrice

Jeanne Quéneudec, Collaboratrice

[1] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19..

[2] Articles 640 à 647-1 du Code de procédure civile.

[3] Article 4, alinéa 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 modifiée.

[4] Article 4, alinéa 3 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 modifiée.

[5] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Clap de fin pour les « arrêts de travail dérogatoires Covid-19 » au profit du régime de l’activité partielle ?

Dans un communiqué de presse du 17 avril dernier, le Gouvernement s’est engagé à « assurer une indemnisation adaptée des arrêts de travail rendus nécessaires par la crise sanitaire, que ce soit pour les arrêts de travail pour garde d’enfants ou pour les arrêts de travail délivrés aux personnes vulnérables présentant un risque accru de développer des formes graves de la maladie ainsi qu’aux personnes cohabitant avec ces personnes vulnérables ».

Dans la continuité de cette annonce, l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, entérinant l’amendement n°457 déposé par le Gouvernement, vient modifier et repenser la logique de prise en charge de certains salariés bénéficiant jusqu’à lors des nouveaux « arrêts de travail dérogatoires Covid-19 ».

Quels sont les arrêts de travail dérogatoires concernés par ce basculement dans le régime de l’activité partielle ?

Aux termes de l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, sont placés en position d’activité partielle les salariés se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler pour l’un des motifs suivants :

– Le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 ;

– Le salarié partage le même domicile qu’une personne vulnérable susvisée ;

– Le salarié est parent d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.

Avec la réouvertures des établissements scolaires annoncée au 11 mai prochain, ces situations seront nécessairement amenées à se réduire à compter de cette date.

Contrairement à l’amendement n°457 précité, l’article 20 de la loi n’exclut pas expressément du dispositif les salariés isolés du fait de leur contact rapproché avec une personne malade du COVID-19 ou de leur retour d’une zone de circulation active du virus SARS-CoV-2 ;

A contrario, quels sont les travailleurs exclus de ce basculement dans le régime de l’activité partielle ?

Sont donc exclus de ce dispositif et, par conséquent, continuent d’être indemnisés selon les conditions actuellement en vigueur :

– Les travailleurs indépendants ;

– Les fonctionnaires et les agents contractuels de droit public.

A partir de quand s’appliqueront ces dispositions ?

Ces dispositions s’appliqueront, à compter du 1er mai 2020, quelle que soit la date du jour de début de l’arrêt de travail et ce :

– Jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020 pour les salariés vulnérables et ceux partageant le même domicile qu’une personne vulnérable ;

– Pour toute la durée de la mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile concernant les salariés d’un enfant de moins de seize ans.

Comment gérer les arrêts de travail dérogatoires Covid-19 jusqu’au 30 avril prochain ?

Conformément à l’article 2 du décret du 16 avril 2020 (n°2020-434), le montant de l’indemnité complémentaire (IC) des salariés en arrêts de travail dérogatoires est maintenu à 90% de la rémunération brute, sous déduction des IJSS, et ce quelle que soit la durée totale de l’indemnisation et l’ancienneté du salarié.

Ces dispositions sont rétroactives et s’appliquent aux arrêts de travail dérogatoires Covid-19 depuis le 12 mars 2020, et ce quelle que soit la date du 1er jour de l’arrêt de travail.

***

A titre informatif, ledit décret du 16 avril 2020 (n°2020-434) prévoit également :

– Un alignement des délais de carence applicables aux IC sur ceux applicables au IJSS en fonction (i) de la nature de l’arrêt de travail (de droit commun ou dérogatoire) et (ii) de sa date (antérieure ou postérieure au 24 mars 2020).

– L’absence de prise en compte des arrêts de travail tant de droit commun que dérogatoires Covid-19, en cours au 12 mars et ceux ayant commencé postérieurement, pour l’appréciation de la durée maximale d’indemnisation au cours de 12 mois.

***

Quelles seront les conséquences opérationnelles à compter du 1er mai prochain ?

Les salariés entrant dans le périmètre d’application de l’amendement n°457 :

– Seront placés en activité partielle à compter du 1er mai prochain ;

Cesseront, à cette date, de bénéficier des IJSS et des IC, non cumulables avec l’indemnité spécifique d’activité partielle.

Les salariés concernés percevront ladite indemnité spécifique, sans qu’il ne soit nécessaire de caractériser les conditions légales du chômage partiel, à savoir :

– Soit la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établissement ;

– Soit la réduction de l’horaire de travail en deçà de la durée légale de travail.

Comme pour l’ensemble des salariés placés en activité partielle :

– Ces nouveaux bénéficiaires percevront une indemnité à hauteur de 70% du salaire brut, (environ 84% du salaire net) dans la limite de 4,5 SMIC ;

– Maintien de 100 % du salaire pour les salariés rémunérés au niveau du SMIC ;

– L’indemnité d’activité partielle sera directement versée par l’employeur, à échéance classique de paie ; ce dernier bénéficiera par la suite du versement de l’allocation afférente.

***

A titre informatif, il conviendra, le cas échéant, de faire notamment application :

o Du décret du 16 avril 2020 (n° 2020-435) qui est venu préciser :

– Les règles d’indemnisation d’activité partielle pour les salariés au forfait jours et pour ceux non soumis aux dispositions légales ou conventionnelles, relatives à la durée du travail (VRP, personnels navigants de l’aviation civile, pigistes, salariés à domicile rémunérés à la tâche, les intermittents du spectacle et mannequins) ;

– Les modalités de prises en compte « d’éléments de rémunération variables ou versés selon une périodicité non mensuelle » pour le calcul de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle.

o De l’article 7 de l’ordonnance du 22 avril 2020 n°2020-460 disposant qu’il « est tenu compte des heures supplémentaires prévues par la convention individuelle de forfait en heures ou par la convention ou l’accord collectif (…) pour la détermination du nombre d’heures non travaillées indemnisées ».

Attention : la convention ou l’accord doivent être obligatoirement antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance pour bénéficier de l’application de l’article 7.

***

Selon le Gouvernement, ce basculement se veut « simple et protecteur » des salariés en ce qu’il a pour objectif de pallier la dégressivité du niveau d’indemnisation des arrêts de travail en fonction de leur durée.

Néanmoins, à ce jour de nombreuses questions pratiques restent encore en suspens :

– L’employeur devra-t-il faire une demande spécifique de prise en charge au titre de l’activité partielle sur le site dédié en créant, le cas échéant, ses identifiants et un espace numérique sécurisé ?

– Une case dédiée pour justifier ce type de demande de prise en charge sera-t-elle créée sur le site dédié ?

– L’employeur devra-t-il personnellement informer la CPAM du bénéfice de l’activité partielle pour des salarié bénéficiant, avant le 1er mai prochain, d’IJSS ?

Sous réserve des précisions règlementaires annoncées par l’article 20, il nous semble que la responsabilité de ce basculement reposera effectivement sur les épaules de l’employeur qui devra procéder aux démarches en ligne sur le site dédié en créant, pour une première demande, son espace sécurisé.

A ce stade, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) a néanmoins publié, le 27 avril dernier, une note synthétique des démarches à réaliser en vue du basculement.

En outre, la CPAM a également rédigé deux fiches pratiques détaillant les modalités pour chaque situation qui sont disponibles en téléchargement :

– Pour la garde d’enfant ;

– Pour les personnes vulnérables.

Dès lors, se dirige-t-on vers une individualisation des demandes d’activité partielle ?

Toujours dans son communiqué de presse du 17 avril dernier, le Gouvernement a annoncé de nouvelles adaptations à venir du dispositif de l’activité partielle, sans pour autant en préciser officiellement, à ce stade, leurs natures.

C’est dorénavant chose faite : L’article 8 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 permet de placer une partie seulement des salariés de l’entreprise, d’un établissement, d’un service ou d’un atelier, y compris ceux relevant de la même catégorie professionnelle, en position d’activité partielle ou d’appliquer à ces salariés une répartition différente des heures travaillées et non travaillées.

Pour ce faire, l’individualisation doit être :

– Prévue (i) par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou d’accord de branche ; ou (ii) en l’absence d’accord collectif, après avis favorable du CSE ;

Les modalités de recours à l’individualisation de l’activité partielle, en ce qu’elles octroient un véritable droit de véto aux partenaires sociaux, devront donc nécessairement se faire dans une logique de dialogue social.

– Nécessaire pour assurer le maintien ou la reprise d’activité.

En outre, l’accord collectif, ou le document soumis au CSE, doit déterminer :

o Les compétences identifiées comme nécessaires au maintien ou à la reprise de l’activité de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier ;

o Les critères objectifs, liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles, justifiant la désignation des salariés maintenus ou placés en activité partielle ou faisant l’objet d’une répartition différente des heures travaillées et non travaillées ;

o Les modalités et la périodicité, qui ne peut être inférieure à trois mois, selon lesquelles il est procédé à un réexamen périodique des critères susmentionnés afin de tenir compte de l’évolution du volume et des conditions d’activité de l’entreprise en vue, le cas échéant, d’une modification de l’accord ou du document unilatéral ;

o Les modalités particulières selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés concernés ;

o Les modalités d’information des salariés de l’entreprise sur l’application de l’accord pendant toute sa durée.

Jacques Perotto, Benoît Dehaene et Quentin Kéraval, Avocats en droit social.

Publication de l’avis de la CNIL le 26 avril 2020 sur le projet d’application mobile « StopCovid » : et si finalement le jeu n’en valait pas la chandelle ?

• La portée de l’avis de la CNIL minimisée par l’annonce de l’abandon du débat spécifique prévu sur le traçage numérique

Dans une situation exceptionnelle de crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19, la CNIL vient de rendre publique sa délibération du 24 avril dernier portant avis sur le projet gouvernemental d’application « StopCovid » afin de lutter contre la diffusion du virus. Fruit d’un travail mené par des acteurs du public et du privé dans le cadre du consortium européen inauguré à la fin du mois de mars dernier, l’outil « StopCovid », reposant sur la base du volontariat, permettrait d’identifier et d’isoler les personnes exposées ou diagnostiquées positives au virus et de retracer ainsi tous leurs contacts grâce à la technologie du Bluetooth. L’absence de recours à la géolocalisation permettrait de minimiser toute identification des personnes utilisatrices, contrairement aux outils existants dans certains pays asiatiques notamment.

L’avis de la CNIL fait suite à la saisine du Secrétaire d’Etat chargé du numérique, M. Cédric O, intervenue le 20 avril dernier dans un contexte particulièrement tendu en raison des nombreuses questions que posent ces outils de traçage numérique en matière de protection des données à caractère personnel et de respect à la vie privée.

Avant de présenter les grandes lignes retenues par la CNIL concernant ce dispositif de « tracking » envisagé par le Gouvernement français, il est à noter que le projet « StopCovid » ne fera finalement pas l’objet d’un débat spécifique le 28 avril prochain à l’Assemblée nationale, comme cela était pourtant initialement envisagé. En effet, compte tenu de l’accélération du calendrier pour faire sortir la France du confinement, et de la sensibilité certaine d’un tel sujet dans la sphère publique et médiatique, le Premier Ministre a ainsi annoncé le 25 avril dernier que les députés ne voteront plus qu’une seule fois sur l’ensemble du plan de déconfinement.

Dès lors, l’avis de la CNIL doit être lu en prenant en considération ces récentes annonces gouvernementales qui semblent sonner le glas à tout recours précipité à des applications de « tracking » qui ne seraient peut-être plus si indispensables pour espérer réussir le difficile pari du déconfinement.

• Des recommandations justifiées par une vigilance et une prudence nécessaires au regard des exigences légales

Saisie afin de se prononcer sur la conformité de l’éventuelle application « StopCovid » aux exigences du RGPD et de la loi « Informatique et Libertés » en matière de protection des données à caractère personnel et des garanties supplémentaires qu’il conviendrait de prévoir, la CNIL reconnaît que ce projet « pose des questions inédites en termes de protection de la vie privée » (cf nos observations dans notre News du 26 mars dernier) . Même si l’application repose sur un traitement de données pseudonymes, celle-ci « doit être envisagée avec une grande prudence ».

Ainsi, les arguments soulevés par la CNIL dans sa délibération sont les suivants :

• le dispositif « StopCovid » traitant effectivement des données à caractère personnel, et notamment des données de santé, l’utilisation de pseudonymes constituerait une garantie élevée pour minimiser le risque de ré-identification des personnes physiques associées aux données stockées sur leur smartphone. Des précautions techniques particulièrement fortes sont ainsi à prévoir pour atténuer au maximum ces possibilités de remonter les listes de personnes contaminées ;

• le dispositif, fondé sur le volontariat, doit être limité à la seule alerte des personnes exposées au risque de contamination au Covid-19, et n’a donc pas pour objet de surveiller les mesures de confinement ou toutes autres obligations sanitaires ;

• la base légale la plus appropriée pour ce type d’applications serait la poursuite d’une « mission d’intérêt public » par les autorités publiques, et non le consentement de ses utilisateurs. La CNIL se range ainsi du côté du Comité européen de la protection des données qui s’était prononcé dans ce sens le 21 avril dernier concernant l’utilisation du traçage numérique pour lutter contre la propagation du Covid-19 ;

• une telle application portant atteinte à la vie privée des personnes, il ne peut s’agir que d’une collecte temporaire des données conservées pendant une durée limitée.

Plus généralement, la CNIL met en garde « contre la tentation du « solutionnisme technologique » » qui consisterait à utiliser ces applications de « tracking » uniquement comme une mesure autonome, en dehors de toute stratégie sanitaire globale.

C’est finalement peut-être pour cette raison que le Gouvernement a fait le choix de ne plus soumettre ce dispositif à un vote spécifique à l’Assemblée nationale lors d’un débat prévu le 28 avril prochain. De toute évidence, il était manifestement trop prématuré d’espérer aboutir à l’architecture et à la sécurisation d’une application efficace de traçage numérique dans la perspective d’une sortie du confinement à compter du 11 mai prochain.

En tout état de cause, la CNIL restera particulièrement attentive aux suites éventuelles de ce projet, ainsi qu’à ses conditions de mise en œuvre effectives.

Mais si finalement, le jeu n’en valait plus la chandelle en présence des risques liés à la protection de la vie privée et en l’absence de garantie d’une véritable efficacité d’une telle application ? Le feuilleton relatif au traçage numérique ne fait que commencer…

Corinne Thiérache, Associée et Alice Gautron, Collaboratrice.

COVID-19 et contrats : le temps suspendu

La période de confinement bouleversant profondément l’économie, le gouvernement a adopté des mesures d’assouplissement des délais en matières contractuelle et administrative. L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période créé une période « protégée », durant laquelle les délais sont suspendus ou reportés.

La « période juridiquement protégée » en un coup d’œil: du 12 mars 2020 au 24 juin 2020

Les difficultés d’exécution contractuelle

Les contrats contiennent fréquemment des astreintes, des clauses pénales, résolutoires ou de déchéance, qui ont vocation à protéger une partie en cas d’inexécution de ses obligations par l’autre partie dans les délais contractuellement prévus (ex. une livraison, un paiement, une échéance) :

(i) Si ce délai expire pendant la période juridiquement protégée, c’est-à-dire entre le 12 mars et le 24 juin 2020, les clauses sont réputées ne pas avoir produit effet, ni les astreintes commencé à courir.

Ainsi, ces clauses ne produiront leurs effets qu’après un délai d’un mois suivant la fin de la période juridiquement protégée, c’est-à-dire à partir du 25 juillet 2020, à la condition que le débiteur ne se soit pas exécuté entre temps.

Exemple : au titre d’une clause résolutoire, vous avez mis en demeure votre cocontractant de s’exécuter dans un délai de 10 jours à compter du 6 mars 2020. Le délai expire pendant la période juridiquement protégée, soit le 16 mars 2020. Ce délai de 10 jours ne courra à nouveau qu’à partir du 25 juillet 2020, pour expirer le 3 août 2020.

(ii) Si l’application d’une clause pénale – ou le cours d’une astreinte – a pris effet avant le 12 mars 2020, soit avant le début de la période juridiquement protégée, elle est suspendue pendant cette période. Le décompte ne reprendra qu’à compter du 25 juin 2020.

Exemple : Un contrat prévoit une astreinte journalière si le cocontractant n’exécute pas son obligation au plus tard le 27 février 2020. Le créancier met en demeure son cocontractant le 28 février de s’exécuter sous 10 jours. Le 9 mars l’astreinte commence à courir. Toutefois, à compter du 12 mars, celle-ci est suspendue et ne reprendra effet qu’à compter du 25 juin, si le cocontractant ne s’est pas exécuté entre temps.

Il convient donc de vérifier systématiquement :

– Si le délai d’exécution vient à expiration pendant la période juridiquement protégée, ce qui entraine le report de son point de départ un mois après la fin de la période juridiquement protégée (soit le 25 juillet 2020), si le cocontractant ne s’est pas exécuté à cette date.

– Si l’astreinte ou la clause pénale prend effet avant le 12 mars 2020, ce qui entraine sa suspension jusqu’à la fin de la période juridiquement protégée (soit le 25 juin 2020).

Résiliation et dénonciation des contrats

Si la période pendant laquelle un contrat peut être résilié ou le préavis pendant lequel un contrat peut être dénoncé (pour éviter sa tacite reconduction) expire pendant la période juridiquement protégée, ceux-ci sont prolongés de deux mois après la fin de cette période, soit jusqu’au 24 août 2020.

Exemple : Si vous n’avez n’a pas été en mesure de résilier un contrat qui est automatiquement renouvelé chaque 31 mars, sauf dénonciation dans le mois précédant cette « date anniversaire », il sera toujours possible de le résilier jusqu’au 24 août 2020.

Relations avec l’administration

Des suspensions et reports de délais sont également applicables dans les relations avec les administrations de l’Etat, avec les collectivités territoriales, les établissements publics administratifs et les organismes de droit public (ou de droit privé chargés d’une mission de service public administratif), y compris les organismes de sécurité sociale (article 6 de l’ordonnance).

Décision, accord ou avis à intervenir (article 7)

Si le délai à l’issue duquel une décision, un accord ou un avis de l’administration doit/peut intervenir ou est acquis, expire pendant la période juridiquement protégée, ce délai est suspendu jusqu’à la fin de cette période, soit jusqu’au 24 juin 2020.

Si le délai a commencé à courir avant le 12 mars 2020, il est suspendu jusqu’au 24 juin 2020, le décompte reprendra le 25 juin 2020.

Si le délai commence à courir pendant la période protégée, son point de départ est reporté jusqu’à la fin de cette période : il ne commencera à courir qu’à compter du 25 juin 2020.

Exemple : En cas d’investissements étrangers soumis à autorisation préalable du Ministre de l’économie, l’autorisation ne peut être réputée acquise, faute d’une réponse dans un délai de deux mois, si ce délai n’a pas expiré avant le 12 mars 2020. Sinon, le délai est suspendu et ne courra à nouveau qu’à compter du 25 juin 2020.

Vérification du caractère complet d’un dossier, sollicitation de pièces complémentaires pour l’instruction d’une demande, consultation ou participation du public par l’administration (article 7).

Voir le point précédent. Le délai est suspendu ou reporté, selon sa date d’expiration ou de son commencement. Cela s’applique, par exemple, dans le cas d’une enquête administrative.

Il convient également de consulter le site de l’administration concernée pour connaître ses modalités de fonctionnement en cette période (Agence française anticorruption, Autorité de la concurrence, Service des biens doubles usages, etc.).

Réalisation des contrôles et des travaux par l’entreprise ou mise en conformité de l’entreprise à des prescriptions (article 8)

La règle est toujours la même :

– Si le délai imposé par l’administration n’a pas expiré avant le 12 mars 2020 (sauf lorsque le délai résulte d’une décision de justice), le délai est suspendu jusqu’à la fin de la période juridiquement protégée (soit le 24 juin 2020).

– Si le délai devait commencer à courir pendant la période juridiquement protégée, son point de départ est reporté jusqu’à la fin de cette période.

Exemple : En cas d’injonction de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de se mettre en conformité avec la règlementation adressée le 12 mars 2020, le délai de mise en conformité ne courra qu’à compter du 25 juin 2020.

Pour les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, il n’est pas opportun de suspendre les délais, des décrets viennent préciser les règles applicables (article 9).

Exemples : les exploitants d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), d’ouvrages hydrauliques (digues, barrages), d’installations minières, de canalisations de transport de matières dangereuses, etc. (Décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19)

Les équipes Droit commercial et Conformité & Affaires règlementaires d’Alerion sont à votre disposition pour vous assister dans l’analyse de votre situation :

Catherine Robin, Frédéric Saffroy, Associés, Justine Clerc et Jeanne Quéneudec, Collaboratrices.

COVID-19 : Protégez-vous, protégez vos créations et vos droits de propriété intellectuelle et tous ensemble soutenons la culture

Impact inédit sur l’activité culturelle en France

Pour lutter contre la propagation du Covid-19 et alors que de nombreuses institutions, lieux culturels et exploitants en charge de la protection et de la valorisation de la création artistique et des droits de propriété intellectuelle ont été amenés à fermer leurs portes et à réduire leurs activités jusqu’à nouvel ordre, ceux-ci s’organisent et s’adaptent.

Depuis l’interdiction des rassemblements, ce sont de nombreux évènements culturels majeurs qui ont dû être annulés pour se conformer aux restrictions que la situation sanitaire impose. De très nombreux artistes et intermittents se retrouvent au chômage technique, et les journalistes pigistes rencontrent actuellement des difficultés en pratique pour bénéficier des mesures mises en place par le Gouvernement pour les salariés au titre de l’activité partielle.

Au niveau individuel, le confinement et la création ne font a priori pas le meilleur des ménages : comment trouver son public, comment vivre de sa création et comment protéger ses créations depuis chez soi ? Nous pouvons déjà nous réjouir et saluer les nombreuses initiatives prises par beaucoup d’artistes et de nombreuses institutions, mais également par le public. Depuis le 16 mars, le Festival des Arts confinés propose des créations artistiques inédites en ligne à découvrir chaque jour vers 19h sur la plateforme culturelle Agora Off. En outre, avec l’opération #CultureChezNous, le site du ministère de la Culture a vocation à devenir une plateforme où seront répertoriées toutes les initiatives permettant de faire venir la culture à domicile pendant le confinement.

La société s’est très rapidement adaptée mais comment les artistes, la création et ses exploitants, ainsi que les droits de propriété intellectuelle vont-ils pouvoir sortir de cette crise inédite et majeure ?

En effet, le Cabinet EY annonce déjà plus de 590 millions d’euros de pertes de chiffre d’affaires dans le secteur du spectacle vivant et près de 38 000 personnes en arrêt d’activité sur la seule période du 1er mars au 31 mai 2020. Pendant que tous les programmes sont à l’arrêt, le temps d’antenne des chaînes d’information de la télévision française est mobilisé à près de 80% par le Covid-19 selon le rapport de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) publié le 24 mars dernier.

Focus sur les mesures prises et les plans d’urgence en cours d’adoption pour remédier aux conséquences de la situation subies de plein fouet par les acteurs de la création, les professionnels de la culture et les exploitants : comment continuer à protéger la création et à diffuser la culture alors qu’il ne s’agit clairement pas d’objectifs prioritaires dans une telle crise sanitaire mondiale ?

PARTIE 1 : LES PREMIERES MESURES PRISES EN SOUTIEN A LA CREATION ARTISTIQUE PENDANT LA CRISE DU COVID-19

Pour assurer la survie des auteurs, des artistes, des professionnels de la culture et des exploitants, le ministère de la Culture a annoncé, dans un communiqué de presse du 18 mars 2020 la mise en place des aides d’urgence suivantes relayées dans les jours suivants par les institutions compétentes :

• L’enveloppe la plus importante est accordée au secteur de la musique et des variétés avec la création d’un fonds de secours de 11,5 millions d’euros à destination des « professionnels les plus fragilisés » parmi les TPE et les PME titulaires d’une licence de spectacle. Ce fonds sera doté par le Centre national de la musique (CNM) mais également par la SACEM, l’ADAMI et la SPEDIDAM à hauteur de 500 000 euros chacun.

Chaque aide sera plafonnée à un montant de 8 000 euros qui pourra être porté à 11 500 euros dans l’hypothèse où certains cachets n’auraient pas été versés aux artistes du fait de l’annulation des représentations. 5% de cette aide sera reversée à un fonds de solidarité en faveur des auteurs et compositeurs. Les formulaires de demande sont téléchargeables depuis le 23 mars sur le site internet du CNM. Les critères d’éligibilité et les modalités de dépôt d’une demande sont à consulter ICI.

Pour le secteur du spectacle vivant hors musical, notamment le secteur du théâtre privé, des aides d’urgence pourront être allouées, à hauteur de 5 millions d’euros avec une attention particulière au maintien de l’emploi.

Pour la filière du livre, un plan d’urgence doté d’une première enveloppe de 5 millions d’euros est mis en place par le Centre national du Livre (CNL) pour répondre aux difficultés immédiates des éditeurs, des auteurs et des libraires et le CNL a annoncé que les subventions déjà acquises pour les manifestations littéraires resteront acquises. Le CNL va en outre reporter les échéances des prêts accordés aux libraires et aux éditeurs.

Pour le cinéma et l’audiovisuel, le Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC) a annoncé ses premières mesures de soutien d’urgence : le versement anticipé des subventions aux salles d’art et essai et des soutiens sélectifs aux distributeurs, la suspension du paiement de l’échéance de mars 2020 de la taxe sur les entrées en salles de spectacles cinématographiques, le maintien des subventions prévues aux manifestations annulées ainsi que la faculté donnée aux exploitants, distributeurs et producteurs de mobiliser par anticipation leur fonds de soutien.

Il convient également de noter que l’article 17 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 met en place un régime exceptionnel d’assouplissement de la chronologie des médias concernant les films qui faisaient déjà l’objet d’une exploitation en salles au 14 mars 2020, c’est-à-dire la veille de la fermeture des salles françaises. Pour ces films, le président du CNC pourra accorder, après examen des demandes au cas par cas, une dérogation au délai officiel de 4 mois pour pouvoir être exploités sous forme de VOD à l’acte ou de DVD/Blu-Ray. Pour les films non encore sortis en salles au 14 mars 2020, ils ne seront pas soumis à la chronologie des médias et certains pourront ainsi être exploités sur tout support par leurs exploitants selon les contrats conclus. Ils pourront donc être directement mis à la disposition du public sous forme de VOD à l’acte ou de DVD/Blu-Ray.

Pour les arts plastiques (arts décoratifs, création sonore, design, design graphique, dessin, estampe, gravure, film, vidéo, installation, nouveaux médias, peinture, photographie, sculpture), un fonds d’urgence doté dans un premier temps de 2 millions d’euros est créé en faveur des galeries d’art, des centres d’art labellisés et des artistes-auteurs et opéré par le Centre national des arts plastiques (CNAP) et les DRAC. A ce titre, le CNAP a d’ores et déjà annoncé accorder, sous réserve d’éligibilité, une aide forfaitaire d’un montant de 1 000 euros aux artistes résidant en France qui rencontrent des difficultés financières et sociales ne leur permettant plus d’exercer leur activité artistique de manière professionnelle et constante. Les critères d’éligibilité et les modalités de dépôt d’une demande sont à consulter ICI.

Dans le champ des médias, il apparaît fondamental de garantir l’accès à l’information de tous les citoyens, ce qui constitue un enjeu primordial dans le contexte actuel. C’est pourquoi le ministre de l’Intérieur a, dès l’annonce des mesures de confinement, déclaré que les cartes de presse pourraient tenir lieu d’attestation de déplacement « car l’information jouera un rôle essentiel contre le virus ». A noter que la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) a décidé de prolonger la durée de validité de la carte 2019 jusqu’au 31 mai 2020. Afin de garantir l’accès à l’information, Radio France a ainsi décidé de remanier l’intégralité de ses programmes pour concentrer ses moyens sur la production d’information sur France Inter, franceinfo ou France Bleu.

Par ailleurs, des mesures d’adaptation seront prises pour le plan de filière presse qui sera enrichi pour prendre en compte les effets de la crise sanitaire et pour les procédures du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) pour les radios associatives, etc.

Toutefois, il n’est pas certain que ces aides soient suffisantes pour soutenir le secteur de la presse papier, déjà fragilisé par l’avènement de la presse numérique et qui vit actuellement l’une de ses plus graves crises en raison du Covid-19. Ainsi, en réponse à l’annonce de la réduction du nombre de tournées de La Poste, l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) a rappelé que la distribution postale, mission essentielle de service public, est centrale pour de nombreux quotidiens nationaux et régionaux et que son interruption, même partielle, pose un problème d’accès pour tous à une information sûre et vérifiée et crée un risque économique majeur. La presse en ligne n’est pas non plus épargnée par la crise sanitaire actuelle, laquelle s’ajoute au contexte économique incertain causé par la publication le 14 janvier dernier du nouveau projet de recommandation de la CNIL visant à réguler plus strictement les « cookies ». Compte tenu de la situation actuelle, la CNIL a toutefois décidé le 25 mars dernier de reporter sine die l’adoption finale de sa recommandation sur les cookies et autres traceurs. Dans le but de ne pas bouleverser leur modèle économique basé sur la publicité digitale ciblée, une vingtaine de médias français couvrant une grande partie du trafic réfléchissent ensemble par anticipation à des solutions visant à convaincre les internautes de s’inscrire pour consulter leurs sites. Il s’agirait d’une inscription (« log in ») commune à tous ces sites, simple et assortie de services convaincants, afin de continuer à cibler la publicité sans pour autant entraîner un partage de données entre les médias.

Le ministre de la Culture, en lien avec le ministre du Travail ainsi qu’avec les organisations professionnelles, les organisations syndicales de salariés et d’employeurs et les organismes de gestion collective, étudie par ailleurs :

• des mesures spécifiques en faveur des intermittents du spectacle et des artistes-interprètes, qui ont vocation à être mises en œuvre rapidement avec notamment la neutralisation de la période de confinement dans le calcul de la période de référence ouvrant droit à l’assurance chômage pour les intermittents.

• des mesures de soutien spécifiques pour accompagner les artistes et les auteurs. A ce titre, il convient de relever que l’ordonnance n°2020-353 du 27 mars 2020 a prévu d’autoriser, à titre exceptionnel, les organismes de gestion collective à recourir aux sommes (issues en partie de la rémunération pour copie privée) que la loi leur impose de consacrer notamment à des actions artistiques et culturelles pour soutenir financièrement les auteurs et les artistes privés de recettes en raison des répercussions de la crise sanitaire du Covid-19. Le versement de ces aides devra intervenir avant le 31 décembre 2020.

Ces réflexions sont conduites en complément des actions et des mesures déjà prises pour les structures et les personnes qui y sont éligibles (chômage partiel, délais de paiement des échéances sociales et/fiscales, accélération du remboursement des créances liées au crédit d’impôts directs, etc.).

Ces mesures sont par ailleurs accompagnées des trois dispositifs transversaux précisés par le Ministre de l’économie et des finances :

• la mise en place d’un mécanisme de garantie à hauteur de 300 milliards d’euros apportée par l’Etat aux banques françaises pour tous les prêts accordés à une entreprise française, mesure emblématique portée par la loi n°2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 et dont les modalités ont été précisées par un arrêté du 23 mars 2020,

• la création par ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 d’un fonds de solidarité spécifique (1 milliard d’euros) pour les entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, et dont les modalités seront fixées par décret,

• l’adoption d’un plan d’action de la Banque publique d’investissement (3 milliards d’euros).

D’autres mesures viendront s’ajouter à ces premiers dispositifs de soutien, y compris celles qui seront prises par les collectivités locales, très impliquées dans le financement de la culture, en espérant que celles-ci rassureront davantage les acteurs et professionnels de la création qui, à ce jour, manifestent comme dans beaucoup d’autres secteurs une inquiétude grandissante quant à l’issue incertaine de cette crise et à ses conséquences.

Enfin, les initiatives privées et publiques (médias, institutions culturelles, etc.) méritent également d’être relevées, démontrant ainsi l’effort collectif et le soutien massif apportés pour contribuer malgré tout à la diffusion et au partage des œuvres et autres contenus informatifs notamment via les réseaux numériques :

• l’Opéra de Paris, en partenariat avec France TV, propose aux internautes de visionner les opéras, concerts et ballets en ligne ;

• la Philharmonie de Paris et la Cinémathèque française, proposent aux internautes de consulter des centaines de contenus en ligne sur leurs sites ;

• des musées tels que le Louvre, le Musée d’Orsay ou encore le Musée du Quai Branly, proposent des visites virtuelles de leurs collections ;

• l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) vient de lancer sa nouvelle offre de streaming illimitée Madelen et annonce une gratuité de 3 mois ;

• Canal+ propose, jusqu’au 31 mars et à tous les clients box internet, toutes les chaînes en clair à tout moment de la journée. Cette initiative n’a néanmoins pas été bien accueillie par le CSA, qui y voit notamment le risque d’un déséquilibre entre les chaînes gratuites et payantes et une possible remise en cause de la chronologie des médias ;

• les plateformes de VOD tels que Netflix – qui ne représentait pas moins de 20% du trafic Internet français en 2018 selon l’ARCEP –, YouTube ou AmazonPrime sont également mises à contribution.

A la demande de la Commission européenne, ces dernières ont ainsi été appelées à abaisser le débit de leurs vidéos afin de libérer de la bande passante pour des activités plus prioritaires que les loisirs, ce qu’elles se sont engagées à faire pendant une période de 30 jours, sans pour autant remettre en cause l’accès de leurs utilisateurs à l’ensemble des contenus proposés. Ces mesures, permettant d’éviter un risque de saturation des réseaux causé par des usages numériques massifs liés au confinement de la population, ont été saluées par le Gouvernement.

Nous ne pouvons que vous recommander de mettre également à profit cette période pour réfléchir à long terme sur une stratégie de protection et de valorisation de vos actifs immatériels, et de faire preuve de patience pour les défendre devant les juridictions nationales.

PARTIE 2 : LA PROTECTION DES TITRES DE PROPRIETE INDUSTRIELLE ET LA DEFENSE DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE PENDANT LA CRISE DU COVID-19

• La protection des titres de propriété industrielle

1 – Au niveau national: L’institut national de la propriété intellectuelle (INPI) – Malgré la fermeture des différents sites de l’INPI, l’examen et la délivrance des titres de propriété industrielle ainsi que la diffusion du Registre national du commerce et des sociétés (RNCS) sont maintenus.

Les procédures devant l’INPI étant dématérialisées, les démarches en ligne suivantes peuvent être effectuées pendant cette période de crise : les dépôts de marques, de brevets, de dessins et modèles et des enveloppes e-Soleau ; le renouvellement des marques ; le paiement des annuités de brevets ; les inscriptions aux registres ; les indications géographiques.

Concernant les délais prescrits par le Code de la propriété intellectuelle, et à l’exception de ceux résultant d’accords internationaux ou de textes européens comme par exemple les délais de priorité pour une extension internationale, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 prévoit que toutes les échéances intervenant dans la période entre le 12 mars et un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (dite « période juridiquement protégée ») sont reportées à :

• un mois après la fin de la période juridiquement protégée si le délai initial était d’un mois, et à,

• deux mois après la fin de la période juridiquement protégée si le délai initial était de deux mois ou plus,

étant précisé que, pour le moment, la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est fixée au 24 mai 2020, sous réserve d’un report ultérieur lié à l’évolution de la pandémie Covid-19.

Cela signifie donc que si la fin de l’état d’urgence est effectivement déclarée le 24 mai 2020, tous les délais censés se terminer entre le 12 mars et le 24 juin sont reportés au 24 juillet 2020 si le délai initial était d’un mois, et au 24 août 2020 s’il était de deux mois ou plus.

Concrètement, selon les précisions apportées par l’INPI dans son communiqué du 26 mars 2020, cela concerne les délais pour :

faire opposition à une marque ;

payer une annuité de brevet ;

renouveler une marque ou proroger un dessin ou modèle et pour bénéficier du délai de grâce correspondant ;

introduire un recours administratif ou juridictionnel ;

formuler des observations de tiers ou pour répondre à une notification de l’INPI.

Cette ordonnance annule et remplace la décision n°2020-32 du Directeur général de l’INPI du 16 mars 2020.

En revanche, l’entrée en vigueur des nouvelles procédures administratives de demandes en nullité ou en déchéance de marque et d’oppositions à l’encontre d’un brevet a été maintenue au 1er avril 2020, comme rappelé par l’INPI par son communiqué du 1er avril 2020. Les délais gouvernant ces procédures devant l’INPI sont toutefois concernés par les reports.

2 – Au niveau de l’Union Européenne, à ce jour, les institutions suivantes ont d’ores et déjà pris certaines mesures tout en précisant qu’elles maintenaient leurs services essentiels :

L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a prorogé les délais expirant entre le 9 mars et le 30 avril 2020 jusqu’au 1er mai 2020 (soit jusqu’au 4 mai 2020 puisque le 1er mai est un jour férié). L’EUIPO a précisé dans un communiqué du 19 mars 2020 que cette prorogation concerne notamment les délais pour :

payer la taxe de base d’une demande de marque de l’UE ;

revendiquer un droit de priorité ;

former opposition à l’enregistrement d’une marque de l’UE ;

payer la taxe d’opposition ;

demander le renouvellement d’une marque de l’UE ;

former un recours auprès de l’Office et payer la taxe de recours.

L’Office européen des brevets (OEB) a prorogé les délais expirant le 15 mars 2020 ou postérieurement jusqu’au 17 avril 2020. Il est précisé que si la perturbation venait à se poursuivre au-delà du 17 avril 2020, l’OEB pourrait publier un autre communiqué.

3 – Au niveau mondial: L’Organistaion mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a indiqué qu’elle continuait à traiter les principales demandes qui relèvent de sa compétence : celles déposées par l’intermédiaire des services mondiaux de propriété intellectuelle ; celles déposées dans le cadre du PCT (enregistrement international des brevets), du système de Madrid (enregistrement international des marques) et du système de La Haye (enregistrement international des dessins et modèles). Dans un avis n°7/2020, l’OMPI a par ailleurs rappelé les différents recours disponibles en cas d’inobservation d’un délai dans le cadre du système de Madrid et les possibilités de prorogation des délais en cas de fermeture de l’office national d’une partie contractante.

Enfin, un petit mot pour ceux qui seraient tentés de déposer à titre de marque le signe « Coronavirus » ou « Covid-19 » (ou encore « I survived coronavirus 2020 ») : certains offices de propriété industrielle dans le monde ont à se prononcer sur le dépôt de ces marques (notamment l’EUIPO, en Chine, aux USA et en Belgique) et ont déjà annoncé qu’il y avait peu de chances que ces demandes de marques soient acceptées. En France, une marque « Coronavirus » ou « Covid-19 » qui serait déposée pour désigner des médicaments ou des masques encourra certainement le risque de se voir rejetée par l’INPI pour défaut de distinctivité.

• La défense des droits de propriété intellectuelle devant les juridictions nationales

Toutes les affaires civiles et commerciales pendantes devant les juridictions françaises vont être fortement impactées par cette crise sanitaire, jusqu’à nouvel ordre, à moins qu’il ne s’agisse de « contentieux essentiels » selon le communiqué de presse du Ministère de la Justice du 15 mars 2020. Si les avocats peuvent continuer à traiter les contentieux, en revanche, seules les urgences civiles absolues, référés et requêtes, sont traitées par les juridictions depuis lundi 16 mars 2020. Il y a peu de chance qu’un contentieux en propriété intellectuelle puisse entrer dans le cadre de cette exception, sauf urgence impérieuse.

La mise en œuvre des procédures liées aux problématiques de propriété intellectuelle ne sera donc pas aisée en période d’état d’urgence sanitaire. Des plans de continuation d’activité ont néanmoins été adoptés afin de permettre la continuité du service public de la justice.

Pour les procédures en cours, toutes les audiences programmées sont supprimées, les délibérés prévus à compter du 17 mars 2020 sont prorogés et aucune diligence n’est requise par les parties. Les délais qui venaient ou viendraient à expiration pendant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (dite « période juridiquement protégée ») sont prorogés, comme rappelé ci-dessus. Il en va ainsi, par exemple, du délai prévu par le Code de la propriété intellectuelle pour introduire une instance au fond après un référé-contrefaçon, des délais applicables en procédure d’appel et des délais pour exercer une voie de recours. En revanche, les délais en cours, qui ne seront pas arrivés à terme pendant cette période, sont maintenus.

Attention, aucune automaticité n’est prévue, il est toujours possible et préférable d’accomplir les diligences dans les délais requis afin d’éviter tout retard lorsque tous les délais s’accumuleront au cours de l’été prochain (à moins que l’état d’urgence ne soit prolongé).

S’agissant des procédures non encore engagées, il est à noter qu’aucune saisie-contrefaçon ne pourra en principe être réalisée par les huissiers de justice. En revanche, malgré le confinement, il demeure possible pour toute personne victime d’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle de préparer son dossier en amont pour de futurs contentieux, notamment via :

• la réalisation par un huissier de justice de constats à distance, lesquels ne semblent pas poser de difficulté. Il en existe deux types :

o un constat Internet, en vue de rapporter la preuve de l’existence de contenus litigieux en ligne,

o un constat d’achat en ligne de marchandises ou d’œuvres présumées contrefaisantes, en vue de démontrer qu’elles font l’objet d’une commercialisation,

• le recueil d’attestations sur l’honneur,

• le dépôt dématérialisé d’une enveloppe e-Soleau auprès de l’INPI ou d’un code-source auprès d’un huissier de justice ou de l’Agence pour la protection des programmes (APP) afin de donner une date certaine aux créations.

Il est enfin toujours possible de faire délivrer une assignation par un huissier de justice puisque la plateforme Securact permet la signification des actes d’huissier de justice par le biais de la signature électronique qualifiée. Elle s’adresse à la fois aux entreprises et aux particuliers. Toutefois, si le destinataire de l’acte refuse de donner son consentement, l’huissier de justice devra alors procéder à une signification « sans contact » en se déplaçant au domicile du destinataire, mais en prenant toutes les précautions imposées dans le cadre de la crise sanitaire.

En tout état de cause, toutes les mesures sont prises afin d’adapter le fonctionnement des procédures contentieuses à la situation exceptionnelle, que ce soit au fond ou en référé. Ainsi, l’article 7 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 permet de tenir certaines audiences en visio-conférence ou par tout moyen de communication électronique, tandis que l’article 8 permet au juge de décider que la procédure se déroulera sans audience, de façon exclusivement écrite. Les parties disposeront d’un délai de 15 jours pour s’y opposer, sauf en référé où elles ne pourront pas s’y opposer.

Chacun s’accorde à dire qu’il y aura un avant et un après la pandémie liée au Covid-19 mais sachons préserver le capital artistique au moins autant que le capital humain et économique pour qu’une fois sortis de cette période de confinement, les créateurs puissent à nouveau embellir nos vies, alors même qu’ils nous auront permis de mieux supporter le confinement en nous ouvrant l’esprit vers d’autres territoires d’évasion.

Le département Propriété intellectuelle du cabinet Alerion se tient à votre entière disposition en cas de questions sur ces nouvelles mesures pour vous assister au mieux dans cette période délicate.

Corinne Thiérache, Associée, et Laura Raimondo, Collaboratrice en Propriété Intellectuelle. Avec le concours d’Alice Marie, Elève-Avocat à l’EFB.

Les ordonnances sociales COVID-19 (suite)

Prime Macron, elle revient ! Et elle est deux fois plus forte !

La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 que nous vous présentions dans notre newsletter du 24 mars 2020 annonçait le retour de la « prime Macron », dispositif permettant aux entreprises qui le souhaitent de verser à leurs salariés une prime totalement défiscalisée et sans charges sociales.

L’ordonnance modifiant la date limite et les conditions de versement de cette prime exceptionnelle a été présentée hier matin en Conseil des ministres et publié ce jour au journal officiel, ainsi que d’autres ordonnances, dont notamment une relative (i) aux missions des services de santé au travail, et une autre relative (ii) aux institutions représentatives du personnel (IRP).

Nous vous les détaillons ci-après.

Prime Macron

Instaurée en 2019 à l’occasion de la crise des gilets jaunes, la « prime Macron » permettait aux entreprises qui le souhaitaient de verser à leurs salariés une prime d’un montant maximum de 1.000 euros, exonérée de charges sociales et totalement défiscalisée pour le salarié.

Reconduite en 2020 mais uniquement pour les entreprises bénéficiant d’un accord d’intéressement, le ministre de l’économie avait déjà annoncé sur son compte tweeter que, pour faire face à la crise et récompenser les salariés poursuivant leur activité dans le contexte sanitaire actuel, la condition tenant à la conclusion d’un accord d’intéressement serait supprimée pour les entreprises de moins de 250 salariés.

L’ordonnance publiée ce matin en Conseil des ministres va encore plus loin que ce qu’annonçait le ministre :

– Elle reporte la date limite de versement de la prime du 30 juin 2020 au 31 août 2020 ;

– Elle permet à toutes entreprises, quels que soient ses effectifs et qu’elles soient dotées ou non d’un accord d’intéressement, de verser une prime d’un montant maximum de 1.000 euros, exonérée de cotisations et contributions sociales ainsi que d’impôt sur le revenu ;

– Pour les entreprises dotées d’un accord d’intéressement, le plafond de 1.000 euros est relevé à 2.000 euros ;

– La possibilité de conclure un accord d’intéressement d’une durée dérogatoire (soit une durée inférieure à 3 ans, sans pouvoir être inférieure à 1 an) est prorogée jusqu’au 31 août 2020 (au lieu du 30 juin 2020) ;

– Toutes les entreprises, dans les limites précisées ci-avant, peuvent tenir des conditions de travail des salariés durant l’épidémie, pour moduler le montant de leur prime, dans le but affiché « de récompenser plus spécifiquement les salariés ayant travaillé pendant l’épidémie de covid-19 ».

Naturellement, nous nous tenons à votre entière disposition pour vous assister dans la rédaction d’un tel accord si vous souhaitiez récompenser vos salariés bravant le contexte épidémique.

Missions des services de santé au travail

Pour faire face à l’épidémie de Covid-19, les modalités d’exercice des services de santé au travail sont aménagées afin de leur permettre de poursuivre leurs missions et notamment le suivi de l’état de santé des salariés.

Au plus tard, jusqu’au 31 août 2020, il est prévu que :

– les services de santé au travail participent à la lutte contre la propagation du covid-19, notamment par la diffusion de messages de prévention à l’attention des employeurs et des salariés, l’appui aux entreprises dans la mise en œuvre de mesures de prévention adéquates et l’accompagnement des entreprises amenées à accroître ou adapter leur activité ;

– le médecin du travail peut prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au covid-19 et procéder à des tests de dépistage du covid-19, selon un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail et dans des conditions définies par décret ;

– la possibilité de reporter les visites médicales prévues dans le cadre du suivi de l’état de santé des travailleurs, sauf lorsque le médecin du travail les estimera indispensables. On pense notamment aux travailleurs de nuit, travailleurs handicapés ou titulaires d’une pension d’invalidité, mineurs, femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes ;

– la possibilité de reporter les autres catégories d’interventions dans ou auprès de l’entreprise sans lien avec l’épidémie (études de poste, procédures d’inaptitude, réalisation de fiches d’entreprise, etc.), sauf si le médecin du travail estime que l’urgence ou la gravité des risques pour la santé des travailleurs justifient une intervention sans délai ;

– les visites ou interventions reportées doivent être organisées avant une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2020.

Mesures d’urgences relatives aux IRP

Enfin, le Gouvernement prend toute une série de mesure pour permettre la continuité du fonctionnement des institutions représentatives du personnel.

Nous attirons tout particulièrement l’attention de nos clients qui n’auraient pas respecté l’échéance du 31 décembre 2019 pour se mettre en conformité avec leurs obligations relatives à la première mise en place du comité social et économique (CSE), qu’une nouvelle chance s’offre à eux !

Il est notamment prévu :

– La suspension des processus électoraux en cours à compter du 12 mars 2020, ou de la date de l’accomplissement de la dernière formalité électorale intervenue après le 12 mars 2020. Cette suspension prendra fin 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

L’ordonnance rappelle que (i) la suspension du processus électoral entre le 1er et le 2nd tour n’affecte pas la validité du 1er tour et (ii) que les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date de chacun des deux tours.

– L’obligation pour les employeurs d’engager le processus électoral dans les 3 mois de la fin de l’état d’urgence. Sont concernés, non seulement les employeurs dont l’obligation d’engager le processus nait durant la période de suspension instaurée par l’ordonnance, mais également ceux qui, bien que soumis à l’obligation d’organiser les élections des représentants du personnel, n’auraient pas engager le processus avant la publication de cette ordonnance.

C’est donc une nouvelle opportunité de se mettre en conformité avec l’obligation d’avoir mis en place un CSE pour ceux qui n’auraient pas respecté la première échéance du 31 décembre 2019.

Nous sommes à votre disposition pour évoquer avec vous les risques encourus à défaut de respecter cette obligation électorale, et surtout, contrairement parfois aux idées reçues, les opportunités qui peuvent s’offrir à vous avec la présence d’un CSE !

– La prorogation des mandats et de la protection spécifique dont bénéficient les représentants du personnel (en ce compris les candidats aux élections) jusqu’à la proclamation des résultats au premier tour des élections, ou, le cas échéant, au second tour ;

– Une dispense pour l’employeur d’organiser des élections partielles lorsque la fin de la période de suspension instaurée par cette ordonnance intervient moins de 6 mois avant le terme des mandats en cours ;

– La visioconférence devient la règle pour l’organisation des réunions du CSE et autres instances représentatives du personnel.

A défaut d’accord avec les élus, le nombre de visioconférences est en principe limité à 3 par années civiles.

Jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, les réunions des instances représentatives du personnel peuvent se tenir par visioconférence et même par conférence téléphonique.

En cas d’impossibilité d’organiser la réunion par visioconférence ou conférence téléphonique, l’employeur peut même avoir recours au dispositif de messagerie instantanée.

Le département social du cabinet Alerion se tient à votre entière disposition en cas de questions, notamment via notre hotline dédiée.

Jacques Perotto, Jean-Christophe Brun et Benoît Dehaene, Avocats en droit social.

COVID 19 – Ce qu’il faut retenir en matière civile de la prorogation par l’ordonnance du 25 mars 2020 des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire

Conformément à la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Président de la République sur rapport du Premier ministre et de la garde des Sceaux, a rendu le 25 mars 2020 une Ordonnance n°2020-306 (ci-après l’« Ordonnance ») relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et l’adaptation des procédures pendant cette même période.

L’Ordonnance est composée d’un titre premier consacré aux dispositions générales relatives à la prorogation des délais et un second titre consacré aux délais et procédures en matière administrative – seul le premier titre, qui est notamment applicable pour les délais en matière de procédure civile, sera ici abordé.

Une circulaire du 26 mars 2020 (ci-après la « Circulaire ») du ministère de la Justice est venue préciser le champ d’application et le mécanisme de report des délais prévu par le titre premier de l’Ordonnance.

1. La prorogation des délais de procédure et d’accomplissement des actes et formalités prévus par la loi ou le règlement

L’article 2 de l’Ordonnance instaure un mécanisme de prorogation des délais qui a pour effet d’offrir un délai supplémentaire pour accomplir les actes et formalités et intenter les actions en justice et recours échus pendant la période de crise sanitaire.

1.1 Champ d’application de l’article 2 de l’Ordonnance

• Les actes et recours concernés

La Circulaire synthétise le champ d’application matériel du mécanisme de prorogation de l’article 2 de l’Ordonnance en énonçant que sont notamment concernées les situations suivantes :

– Les actes et formalités prescrits par la loi ou le règlement qui doivent être réalisés dans un délai déterminé et dont l’inexécution est sanctionnée par un texte (par exemple inscription aux fins de publicité sanctionnée par l’inopposabilité ou la nullité de l’acte ou de la formalité d’enregistrement) ;

– Les actions en justice, recours et actes de procédure qui doivent être réalisés dans un délai légalement déterminé à peine de sanction ; étant précisé que pour les délais de procédure, l’article 2 de l’ordonnance portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale renvoie à l’Ordonnance ;

– Les paiements prescrits par des dispositions législatives ou réglementaires en vue de l’acquisition ou la conservation d’un droit (par exemple paiement de la redevance auprès de l’INPI pour le dépôt d’un droit de propriété intellectuelle).

L’Ordonnance exclut de son champ d’application les situations suivantes :

– Les délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale, ou concernant les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable ;

– Les délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté ;

– Les délais concernant les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique ;

– Les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;

– Les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci.

A cet égard, la Circulaire précise que l’ensemble des matières non exclues sont couvertes par ses dispositions, cela concerne notamment les délais prévus en matière commerciale qui n’auraient pas été spécifiquement adaptés par d’autres textes pris en application de la loi du 23 mars 2020.

Il convient de noter que, à l’exception des clauses visées par l’Ordonnance, les délais contractuellement prévus sont par principe exclus de l’Ordonnance qui réserve l’application de son mécanisme de report aux délais prévus par la loi ou le règlement.

• La période concernée : l’instauration d’une période juridiquement protégée

L’Ordonnance consacre une période dite « juridiquement protégée » (terme employé dans la Circulaire) qui vise les délais et mesures qui expirent ou ont expiré entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Pour rappel, la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 publiée le 24 mars 2020 au journal officiel a instauré un état d’urgence sanitaire à compter de sa publication pour une durée de deux mois, soit pour l’instant du 24 mars au 24 mai 2020.

Ainsi, la période juridiquement protégée s’étend pour l’instant du 12 mars au 24 juin 2020 (fin de la période de l’état d’urgence sanitaire augmenté d’un mois).

Cette période est susceptible d’être étendue si une nouvelle loi venait à étendre la période de l’état d’urgence sanitaire.

En ce qui concerne le champ d’application temporel de l’Ordonnance, il faut également retenir que :

– L’Ordonnance ne vise que les délais qui sont arrivés à échéance ou les actes qui devaient être accomplis pendant la période juridiquement protégée ;

– Les termes des actes antérieurs au 12 mars 2020 ne sont pas reportés ;

– Les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant l’expiration de la cessation de l’état d’urgence sanitaire ne font l’objet d’aucun report.

1.2 Le mécanisme de prorogation des délais

L’article 2 de l’Ordonnance qui instaure le mécanisme de prorogation dispose que :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »

L’article 2 de l’Ordonnance instaure un mécanisme de report des délais des actes ou recours dont le terme ou la déchéance sont échus pendant la période juridiquement protégée.

L’Ordonnance ne prévoit pas d’interrompre ou de suspendre les délais échus pendant la période juridiquement protégée, ni de supprimer l’obligation de réaliser les actes et formalités dont le terme échoit pendant cette période, mais elle instaure un délai supplémentaire pour qu’ils ne soient pas considérés comme tardifs, lorsque qu’ils sont réalisés dans ce nouveau délai supplémentaire.

La Circulaire permet une meilleure compréhension du mécanisme de prorogation des délais en précisant ce qui suit :

« Ainsi, alors même qu’il est réalisé après la date ou le terme initialement prévu, l’acte peut, en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, être régulièrement effectué avant l’expiration d’un nouveau délai égal au délai qui était initialement imparti par la loi ou le règlement, lequel recommence à courir à compter de la fin de la période juridiquement protégée définie à l’article 1er (c’est-à-dire à l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois).

Ce délai supplémentaire après la fin de la période juridiquement protégée ne peut toutefois excéder deux mois : soit le délai initial était inférieur à deux mois et l’acte doit être effectué dans le délai imparti par la loi ou le règlement, soit il était supérieur à deux mois et il doit être effectué dans un délai de deux mois. »

Deux cas de figure sont donc à différencier :

– Lorsque le délai initial est inférieur à deux mois : l’acte ou le recours devra être accompli dans ce délai initial à compter de la fin de la période juridiquement protégée.

Par exemple, si le délai légal d’un mois d’inscription d’un nantissement d’un fonds de commerce expire pendant la période juridiquement protégée, ce nantissement devra être inscrit dans le délai d’un mois à compter de la fin de la période juridiquement protégée.

– Lorsque le délai initial est égal ou supérieur à deux mois : l’acte ou le recours devra être accompli dans un délai de deux mois à compter de la fin de la période juridiquement protégée.

Par exemple, si une action se prescrit le 30 mars 2020 selon la prescription quinquennale de l’article 2044 du Code civil, le demandeur pourra toujours agir dans un délai de deux mois suivant la fin de la période juridiquement protégée sans que son action soit déclarée irrecevable en raison de la prescription.

Un point d’attention doit être apporté à cette deuxième situation, si le délai initial était supérieur à 2 mois, l’acte ou le recours devra tout de même être accompli dans un délai de deux mois suivant la fin de la période juridiquement protégée.

2. Prorogation des mesures administratives ou juridictionnelles

L’Ordonnance prévoit également une prorogation de mesures administratives ou juridictionnelles en son article 3 qui dispose que :

« Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période :

1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;

2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ;

3° Autorisations, permis et agréments ;

4° Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;

5° Les mesures d’aide à la gestion du budget familial.

Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. »

En matière de contentieux civil, il faut notamment retenir que les mesures d’enquêtes, de conciliation ou de médiation sont arrêtées pendant la crise sanitaire, et qu’à la fin de la période juridiquement protégée, ces mesures seront prorogées de plein droit pour un délai de deux mois sans qu’il y ait besoin de solliciter du juge une prorogation de délais.

3. Le sort des astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance

L’article 4 de l’ordonnance prévoit que :

« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er.

Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme.

Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er. »

Aux termes de cet article, il convient donc de distinguer :

– Les clauses ayant pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé (astreinte, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéances), qui sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit d’effet si ce délai a expiré pendant la période juridiquement protégée. Elles prendront effet un mois après cette période en cas d’inexécution du débiteur.

Par exemple, un contrat devant être exécuté le 30 mars 2020 contenant une clause résolutoire en cas d’inexécution à cette date. Si l’un des cocontractants ne s’exécute pas à cette date, la clause résolutoire ne produira pas son effet dans la mesure où elle intervient pendant la période juridiquement protégée. En revanche, la clause produira son effet, si le débiteur ne s’est toujours pas exécuté dans un délai d’un mois suivant la fin de la période juridiquement protégée.

– Les clauses pénales et astreintes qui avaient commencé à courir avant le début de la période juridiquement protégée et dont le cours est suspendu jusqu’à la fin de la période juridiquement protégée.

Par exemple, un contrat devant être exécuté le 10 mars 2020 contenant une clause pénale prévoyant une sanction financière par jour de retard. En cas d’inexécution du débiteur, la clause pénale a pris effet avant la période juridiquement protégée. Cette clause pénale courait avant le 12 mars 2020, son cours est suspendu pendant la période juridiquement protégée et reprendra son effet dès la fin de cette période.

4. Le sort des contrats renouvelables par tacite reconduction ou résiliable dans une période déterminée

L’article 5 de l’Ordonnance prévoit que :

« Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période. »

Cet article offre donc un délai supplémentaire de deux mois à la fin de la période juridiquement protégée pour pouvoir résilier ou dénoncer une convention lorsque le délai offert à une partie pour résilier ou s’opposer au renouvellement du contrat expire pendant la période juridiquement protégée.

Par exemple, un contrat conclu le 20 avril 2019 d’une durée d’un an prévoit une clause de tacite reconduction sauf si l’une des parties adresse une notification un mois avant le terme du contrat. Dans ce cas, chaque partie ayant la faculté de s’opposer au renouvellement du contrat avant le 20 mars 2020, ce délai expirant pendant la période juridiquement protégée, les cocontractants pourront encore s’opposer à la tacite reconduction dans le délai de deux mois suivants la fin de la période juridiquement protégée.

Jacques Bouyssou, Associé et Arthur August, Avocat en Contentieux, Arbitrage et Pénal des affaires.

COVID-19 et force majeure

La force majeure est une notion complexe qui doit être appréciée au cas par cas pour pouvoir exonérer un cocontractant de son inexécution contractuelle.

Le Covid-19 n’est pas automatiquement un cas de force majeure.

Qu’est-ce que la force majeure en droit du contrat ?

Un événement de force majeure est un évènement (article 1218 du Code civil qui reprend les principes jurisprudentiels fixés avant la réforme du droit des contrats) :

– qui échappe au contrôle du débiteur de l’obligation contractuelle,

– ne pouvait pas être raisonnablement prévu à la date de conclusion du contrat,

– dont les effets ne peuvent pas être évités par des mesures appropriées,

– qui empêche l’exécution de l’obligation concernée.

C’est au débiteur de l’obligation de rapporter la preuve de la réunion de ces éléments, étant entendu que ces critères sont d’appréciation stricte par la jurisprudence.

Le contrat peut-il déroger à cette définition ?

Oui, les dispositions relatives à la force majeure ne sont pas d’ordre public. Les parties peuvent librement déterminer :

– les événements de force majeure concernés,

– la procédure contractuelle à respecter en cas de survenance d’un cas de force majeure ;

– les effets de l’événement de force majeure (suspension du contrat, concertation des parties, cessation du contrat …)

Notre conseil : se référer au contrat en cause pour vérifier si une clause de force majeure a été stipulée et en appliquer les termes.

Qu’en est-il en l’absence de contrat écrit ou de clause de force majeure ?

En droit français, la force majeure peut être invoquée, même si elle n’est pas stipulée expressément, de sorte que :

– Dans les contrats soumis au droit français, chacune des parties peut se prévaloir de la force majeure et de ses effets sur le fondement du code civil.

– Dans les contrats de vente internationale de marchandises conclus entre une société française et une société étrangère, soumis au droit français, la convention de Vienne prévoit en son article 79, une disposition analogue à celle du code civil.

– S’agissant des contrats soumis à un droit étranger, il convient de se reporter aux dispositions de ce droit.

A quelle date s’apprécie la force majeure ?

Le caractère imprévisible et irrésistible de la force majeure est apprécié au regard de la date de conclusion du contrat…

– Pour un contrat à exécution successive ou un contrat instantané : la date de signature du contrat ;

– Pour un contrat cadre (fourniture distribution …) qui donne lieu à contrats d’application (bons de commande, ordres de service ou autres) : la date de conclusion du contrat d’application.

… et de la date de l’événement, en fonction de l’obligation inexécutée concernée.

Plusieurs dates sont envisageables, telles que par exemple :

– La réunion du Comité d’urgence du Règlement sanitaire international de l’OMS le 23 janvier 2020 concernant la flambée du coronavirus en Chine ou celle du 11 mars 2020 / 13 mars 2020 pour l’Union européenne ;

– La déclaration de Bruno Le Maire le 28 février 2020 reconnaissant un cas de force majeure pour les marchés publics ;

– le décret le décret n°2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, etc.

Dans quelles conditions un événement est-il irrésistible ?

Seul l’événement qui met le cocontractant dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations est pris en compte. La possibilité de recourir à d’autres mesures, même plus onéreuses, s’oppose à la qualification de force majeure. Les tribunaux se livreront à une appréciation au cas par cas.

Quels sont les effets de la force majeure ?

Si le débiteur est empêché d’exécuter son obligation de façon définitive , le contrat est résolu automatiquement et chaque partie est déchargée de ses obligations (solution à nuancer en fonction de la date du contrat et de son contenu).

Si l’empêchement du débiteur est temporaire, son obligation est simplement suspendue, à moins que le retard qui en résulte justifie la résolution du contrat.

Attention ! L’épidémie et les mesures gouvernementales n’exonèrent pas automatiquement les cocontractant de leurs obligations. Ainsi, par exemple, si une prestation a été effectivement rendue, que ce soit avant, pendant ou après l’événement de force majeure, ce dernier n’exonère pas de l’obligation de payer la facture correspondante.

Est-il possible d’aménager ou de renégocier le contrat ?

Contrats conclus avant le 1er octobre 2016 : oui, mais seulement si cela est prévu par une clause (clause de hardship ou d’imprévision). A défaut, les parties au contrat doivent trouver un accord.

Contrats conclus après le 1er octobre 2016 : oui, en application de l’article 1195 du Code civil qui permet au cocontractant de demander à l’autre partie une renégociation du contrat. En cas d’échec, le juge peut être saisi afin de réviser les termes contractuels ou mettre fin au contrat. Ce mécanisme légal, dit de l’imprévision, peut toutefois avoir été écarté ou aménagé par les parties dans le contrat.

Est-il possible de faire jouer sa police d’assurance ?

Si l’épidémie de Covid-19 peut être considérée comme un cas de force majeure ayant empêché, ou suspendu, l’exécution du contrat, la responsabilité du débiteur de l’obligation ne pourra pas être engagée par son contractant, et sa garantie d’assurance responsabilité civile professionnelle ne sera pas mobilisable.

Pour les pertes financières subies par le débiteur de l’obligation qui, déchargé de son obligation, n’en percevra pas la contrepartie, la vérification de la couverture d’assurance s’impose. Il conviendra alors d’analyser si l’épidémie peut être considérée comme un risque assuré susceptible de déclencher une garantie couvrant les pertes financières consécutives (pertes d’exploitation, rupture de la chaîne d’approvisionnement, annulation d’événements, défaut de livraison…), et si cette garantie n’est pas exclue, notamment en l’absence de dommage matériel, ou lorsque la perte trouve son origine dans une décision des autorités administratives.

Conseils pour le cocontractant empêché :

Evaluer l’événement et vérifier qu’il réunit tous les caractères de la force majeure: les déclarations de l’épidémie et les mesures gouvernementales ne sont pas suffisantes ;

Collecter les preuves de l’impossibilité d’exécuter ;

Discuter et convenir avec l’autre partie (i) des mesures de nature à réduire le préjudice au maximum, et (ii) des conditions d’exécution.

Conseils pour les autres parties :

Mettre en demeure d’exécuter ;

Discuter et convenir avec l’autre partie (i) des mesures de nature à réduire le préjudice au maximum, et (ii) des conditions d’exécution ;

Etablir les preuves de la possibilité d’exécuter le cas échéant en ayant recours à des moyens plus onéreux, ou du caractère temporaire de l’empêchement d’exécuter.

Catherine Robin, Frédéric Saffroy et Nathalie Dupuy-Loup (pour la partie Assurance).

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Version mise en ligne Janvier 2020

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