COVID-19 : Protégez-vous, protégez vos créations et vos droits de propriété intellectuelle et tous ensemble soutenons la culture

03 avril 2020
Corinne Thiérache et Laura Raimondo

Impact inédit sur l’activité culturelle en France

Pour lutter contre la propagation du Covid-19 et alors que de nombreuses institutions, lieux culturels et exploitants en charge de la protection et de la valorisation de la création artistique et des droits de propriété intellectuelle ont été amenés à fermer leurs portes et à réduire leurs activités jusqu’à nouvel ordre, ceux-ci s’organisent et s’adaptent.

Depuis l’interdiction des rassemblements, ce sont de nombreux évènements culturels majeurs qui ont dû être annulés pour se conformer aux restrictions que la situation sanitaire impose. De très nombreux artistes et intermittents se retrouvent au chômage technique, et les journalistes pigistes rencontrent actuellement des difficultés en pratique pour bénéficier des mesures mises en place par le Gouvernement pour les salariés au titre de l’activité partielle.

Au niveau individuel, le confinement et la création ne font a priori pas le meilleur des ménages : comment trouver son public, comment vivre de sa création et comment protéger ses créations depuis chez soi ? Nous pouvons déjà nous réjouir et saluer les nombreuses initiatives prises par beaucoup d’artistes et de nombreuses institutions, mais également par le public. Depuis le 16 mars, le Festival des Arts confinés propose des créations artistiques inédites en ligne à découvrir chaque jour vers 19h sur la plateforme culturelle Agora Off. En outre, avec l’opération #CultureChezNous, le site du ministère de la Culture a vocation à devenir une plateforme où seront répertoriées toutes les initiatives permettant de faire venir la culture à domicile pendant le confinement.

La société s’est très rapidement adaptée mais comment les artistes, la création et ses exploitants, ainsi que les droits de propriété intellectuelle vont-ils pouvoir sortir de cette crise inédite et majeure ?

En effet, le Cabinet EY annonce déjà plus de 590 millions d’euros de pertes de chiffre d’affaires dans le secteur du spectacle vivant et près de 38 000 personnes en arrêt d’activité sur la seule période du 1er mars au 31 mai 2020. Pendant que tous les programmes sont à l’arrêt, le temps d’antenne des chaînes d’information de la télévision française est mobilisé à près de 80% par le Covid-19 selon le rapport de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) publié le 24 mars dernier.

Focus sur les mesures prises et les plans d’urgence en cours d’adoption pour remédier aux conséquences de la situation subies de plein fouet par les acteurs de la création, les professionnels de la culture et les exploitants : comment continuer à protéger la création et à diffuser la culture alors qu’il ne s’agit clairement pas d’objectifs prioritaires dans une telle crise sanitaire mondiale ?

PARTIE 1 : LES PREMIERES MESURES PRISES EN SOUTIEN A LA CREATION ARTISTIQUE PENDANT LA CRISE DU COVID-19

Pour assurer la survie des auteurs, des artistes, des professionnels de la culture et des exploitants, le ministère de la Culture a annoncé, dans un communiqué de presse du 18 mars 2020 la mise en place des aides d’urgence suivantes relayées dans les jours suivants par les institutions compétentes :

• L’enveloppe la plus importante est accordée au secteur de la musique et des variétés avec la création d’un fonds de secours de 11,5 millions d’euros à destination des « professionnels les plus fragilisés » parmi les TPE et les PME titulaires d’une licence de spectacle. Ce fonds sera doté par le Centre national de la musique (CNM) mais également par la SACEM, l’ADAMI et la SPEDIDAM à hauteur de 500 000 euros chacun.

Chaque aide sera plafonnée à un montant de 8 000 euros qui pourra être porté à 11 500 euros dans l’hypothèse où certains cachets n’auraient pas été versés aux artistes du fait de l’annulation des représentations. 5% de cette aide sera reversée à un fonds de solidarité en faveur des auteurs et compositeurs. Les formulaires de demande sont téléchargeables depuis le 23 mars sur le site internet du CNM. Les critères d’éligibilité et les modalités de dépôt d’une demande sont à consulter ICI.

Pour le secteur du spectacle vivant hors musical, notamment le secteur du théâtre privé, des aides d’urgence pourront être allouées, à hauteur de 5 millions d’euros avec une attention particulière au maintien de l’emploi.

Pour la filière du livre, un plan d’urgence doté d’une première enveloppe de 5 millions d’euros est mis en place par le Centre national du Livre (CNL) pour répondre aux difficultés immédiates des éditeurs, des auteurs et des libraires et le CNL a annoncé que les subventions déjà acquises pour les manifestations littéraires resteront acquises. Le CNL va en outre reporter les échéances des prêts accordés aux libraires et aux éditeurs.

Pour le cinéma et l’audiovisuel, le Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC) a annoncé ses premières mesures de soutien d’urgence : le versement anticipé des subventions aux salles d’art et essai et des soutiens sélectifs aux distributeurs, la suspension du paiement de l’échéance de mars 2020 de la taxe sur les entrées en salles de spectacles cinématographiques, le maintien des subventions prévues aux manifestations annulées ainsi que la faculté donnée aux exploitants, distributeurs et producteurs de mobiliser par anticipation leur fonds de soutien.

Il convient également de noter que l’article 17 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 met en place un régime exceptionnel d’assouplissement de la chronologie des médias concernant les films qui faisaient déjà l’objet d’une exploitation en salles au 14 mars 2020, c’est-à-dire la veille de la fermeture des salles françaises. Pour ces films, le président du CNC pourra accorder, après examen des demandes au cas par cas, une dérogation au délai officiel de 4 mois pour pouvoir être exploités sous forme de VOD à l’acte ou de DVD/Blu-Ray. Pour les films non encore sortis en salles au 14 mars 2020, ils ne seront pas soumis à la chronologie des médias et certains pourront ainsi être exploités sur tout support par leurs exploitants selon les contrats conclus. Ils pourront donc être directement mis à la disposition du public sous forme de VOD à l’acte ou de DVD/Blu-Ray.

Pour les arts plastiques (arts décoratifs, création sonore, design, design graphique, dessin, estampe, gravure, film, vidéo, installation, nouveaux médias, peinture, photographie, sculpture), un fonds d’urgence doté dans un premier temps de 2 millions d’euros est créé en faveur des galeries d’art, des centres d’art labellisés et des artistes-auteurs et opéré par le Centre national des arts plastiques (CNAP) et les DRAC. A ce titre, le CNAP a d’ores et déjà annoncé accorder, sous réserve d’éligibilité, une aide forfaitaire d’un montant de 1 000 euros aux artistes résidant en France qui rencontrent des difficultés financières et sociales ne leur permettant plus d’exercer leur activité artistique de manière professionnelle et constante. Les critères d’éligibilité et les modalités de dépôt d’une demande sont à consulter ICI.

Dans le champ des médias, il apparaît fondamental de garantir l’accès à l’information de tous les citoyens, ce qui constitue un enjeu primordial dans le contexte actuel. C’est pourquoi le ministre de l’Intérieur a, dès l’annonce des mesures de confinement, déclaré que les cartes de presse pourraient tenir lieu d’attestation de déplacement « car l’information jouera un rôle essentiel contre le virus ». A noter que la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) a décidé de prolonger la durée de validité de la carte 2019 jusqu’au 31 mai 2020. Afin de garantir l’accès à l’information, Radio France a ainsi décidé de remanier l’intégralité de ses programmes pour concentrer ses moyens sur la production d’information sur France Inter, franceinfo ou France Bleu.

Par ailleurs, des mesures d’adaptation seront prises pour le plan de filière presse qui sera enrichi pour prendre en compte les effets de la crise sanitaire et pour les procédures du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) pour les radios associatives, etc.

Toutefois, il n’est pas certain que ces aides soient suffisantes pour soutenir le secteur de la presse papier, déjà fragilisé par l’avènement de la presse numérique et qui vit actuellement l’une de ses plus graves crises en raison du Covid-19. Ainsi, en réponse à l’annonce de la réduction du nombre de tournées de La Poste, l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) a rappelé que la distribution postale, mission essentielle de service public, est centrale pour de nombreux quotidiens nationaux et régionaux et que son interruption, même partielle, pose un problème d’accès pour tous à une information sûre et vérifiée et crée un risque économique majeur. La presse en ligne n’est pas non plus épargnée par la crise sanitaire actuelle, laquelle s’ajoute au contexte économique incertain causé par la publication le 14 janvier dernier du nouveau projet de recommandation de la CNIL visant à réguler plus strictement les « cookies ». Compte tenu de la situation actuelle, la CNIL a toutefois décidé le 25 mars dernier de reporter sine die l’adoption finale de sa recommandation sur les cookies et autres traceurs. Dans le but de ne pas bouleverser leur modèle économique basé sur la publicité digitale ciblée, une vingtaine de médias français couvrant une grande partie du trafic réfléchissent ensemble par anticipation à des solutions visant à convaincre les internautes de s’inscrire pour consulter leurs sites. Il s’agirait d’une inscription (« log in ») commune à tous ces sites, simple et assortie de services convaincants, afin de continuer à cibler la publicité sans pour autant entraîner un partage de données entre les médias.

Le ministre de la Culture, en lien avec le ministre du Travail ainsi qu’avec les organisations professionnelles, les organisations syndicales de salariés et d’employeurs et les organismes de gestion collective, étudie par ailleurs :

• des mesures spécifiques en faveur des intermittents du spectacle et des artistes-interprètes, qui ont vocation à être mises en œuvre rapidement avec notamment la neutralisation de la période de confinement dans le calcul de la période de référence ouvrant droit à l’assurance chômage pour les intermittents.

• des mesures de soutien spécifiques pour accompagner les artistes et les auteurs. A ce titre, il convient de relever que l’ordonnance n°2020-353 du 27 mars 2020 a prévu d’autoriser, à titre exceptionnel, les organismes de gestion collective à recourir aux sommes (issues en partie de la rémunération pour copie privée) que la loi leur impose de consacrer notamment à des actions artistiques et culturelles pour soutenir financièrement les auteurs et les artistes privés de recettes en raison des répercussions de la crise sanitaire du Covid-19. Le versement de ces aides devra intervenir avant le 31 décembre 2020.

Ces réflexions sont conduites en complément des actions et des mesures déjà prises pour les structures et les personnes qui y sont éligibles (chômage partiel, délais de paiement des échéances sociales et/fiscales, accélération du remboursement des créances liées au crédit d’impôts directs, etc.).

Ces mesures sont par ailleurs accompagnées des trois dispositifs transversaux précisés par le Ministre de l’économie et des finances :

• la mise en place d’un mécanisme de garantie à hauteur de 300 milliards d’euros apportée par l’Etat aux banques françaises pour tous les prêts accordés à une entreprise française, mesure emblématique portée par la loi n°2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 et dont les modalités ont été précisées par un arrêté du 23 mars 2020,

• la création par ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 d’un fonds de solidarité spécifique (1 milliard d’euros) pour les entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, et dont les modalités seront fixées par décret,

• l’adoption d’un plan d’action de la Banque publique d’investissement (3 milliards d’euros).

D’autres mesures viendront s’ajouter à ces premiers dispositifs de soutien, y compris celles qui seront prises par les collectivités locales, très impliquées dans le financement de la culture, en espérant que celles-ci rassureront davantage les acteurs et professionnels de la création qui, à ce jour, manifestent comme dans beaucoup d’autres secteurs une inquiétude grandissante quant à l’issue incertaine de cette crise et à ses conséquences.

Enfin, les initiatives privées et publiques (médias, institutions culturelles, etc.) méritent également d’être relevées, démontrant ainsi l’effort collectif et le soutien massif apportés pour contribuer malgré tout à la diffusion et au partage des œuvres et autres contenus informatifs notamment via les réseaux numériques :

• l’Opéra de Paris, en partenariat avec France TV, propose aux internautes de visionner les opéras, concerts et ballets en ligne ;

• la Philharmonie de Paris et la Cinémathèque française, proposent aux internautes de consulter des centaines de contenus en ligne sur leurs sites ;

• des musées tels que le Louvre, le Musée d’Orsay ou encore le Musée du Quai Branly, proposent des visites virtuelles de leurs collections ;

• l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) vient de lancer sa nouvelle offre de streaming illimitée Madelen et annonce une gratuité de 3 mois ;

• Canal+ propose, jusqu’au 31 mars et à tous les clients box internet, toutes les chaînes en clair à tout moment de la journée. Cette initiative n’a néanmoins pas été bien accueillie par le CSA, qui y voit notamment le risque d’un déséquilibre entre les chaînes gratuites et payantes et une possible remise en cause de la chronologie des médias ;

• les plateformes de VOD tels que Netflix – qui ne représentait pas moins de 20% du trafic Internet français en 2018 selon l’ARCEP –, YouTube ou AmazonPrime sont également mises à contribution.

A la demande de la Commission européenne, ces dernières ont ainsi été appelées à abaisser le débit de leurs vidéos afin de libérer de la bande passante pour des activités plus prioritaires que les loisirs, ce qu’elles se sont engagées à faire pendant une période de 30 jours, sans pour autant remettre en cause l’accès de leurs utilisateurs à l’ensemble des contenus proposés. Ces mesures, permettant d’éviter un risque de saturation des réseaux causé par des usages numériques massifs liés au confinement de la population, ont été saluées par le Gouvernement.

Nous ne pouvons que vous recommander de mettre également à profit cette période pour réfléchir à long terme sur une stratégie de protection et de valorisation de vos actifs immatériels, et de faire preuve de patience pour les défendre devant les juridictions nationales.

PARTIE 2 : LA PROTECTION DES TITRES DE PROPRIETE INDUSTRIELLE ET LA DEFENSE DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE PENDANT LA CRISE DU COVID-19

• La protection des titres de propriété industrielle

1 – Au niveau national: L’institut national de la propriété intellectuelle (INPI) – Malgré la fermeture des différents sites de l’INPI, l’examen et la délivrance des titres de propriété industrielle ainsi que la diffusion du Registre national du commerce et des sociétés (RNCS) sont maintenus.

Les procédures devant l’INPI étant dématérialisées, les démarches en ligne suivantes peuvent être effectuées pendant cette période de crise : les dépôts de marques, de brevets, de dessins et modèles et des enveloppes e-Soleau ; le renouvellement des marques ; le paiement des annuités de brevets ; les inscriptions aux registres ; les indications géographiques.

Concernant les délais prescrits par le Code de la propriété intellectuelle, et à l’exception de ceux résultant d’accords internationaux ou de textes européens comme par exemple les délais de priorité pour une extension internationale, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 prévoit que toutes les échéances intervenant dans la période entre le 12 mars et un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (dite « période juridiquement protégée ») sont reportées à :

• un mois après la fin de la période juridiquement protégée si le délai initial était d’un mois, et à,

• deux mois après la fin de la période juridiquement protégée si le délai initial était de deux mois ou plus,

étant précisé que, pour le moment, la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est fixée au 24 mai 2020, sous réserve d’un report ultérieur lié à l’évolution de la pandémie Covid-19.

Cela signifie donc que si la fin de l’état d’urgence est effectivement déclarée le 24 mai 2020, tous les délais censés se terminer entre le 12 mars et le 24 juin sont reportés au 24 juillet 2020 si le délai initial était d’un mois, et au 24 août 2020 s’il était de deux mois ou plus.

Concrètement, selon les précisions apportées par l’INPI dans son communiqué du 26 mars 2020, cela concerne les délais pour :

faire opposition à une marque ;

payer une annuité de brevet ;

renouveler une marque ou proroger un dessin ou modèle et pour bénéficier du délai de grâce correspondant ;

introduire un recours administratif ou juridictionnel ;

formuler des observations de tiers ou pour répondre à une notification de l’INPI.

Cette ordonnance annule et remplace la décision n°2020-32 du Directeur général de l’INPI du 16 mars 2020.

En revanche, l’entrée en vigueur des nouvelles procédures administratives de demandes en nullité ou en déchéance de marque et d’oppositions à l’encontre d’un brevet a été maintenue au 1er avril 2020, comme rappelé par l’INPI par son communiqué du 1er avril 2020. Les délais gouvernant ces procédures devant l’INPI sont toutefois concernés par les reports.

2 – Au niveau de l’Union Européenne, à ce jour, les institutions suivantes ont d’ores et déjà pris certaines mesures tout en précisant qu’elles maintenaient leurs services essentiels :

L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a prorogé les délais expirant entre le 9 mars et le 30 avril 2020 jusqu’au 1er mai 2020 (soit jusqu’au 4 mai 2020 puisque le 1er mai est un jour férié). L’EUIPO a précisé dans un communiqué du 19 mars 2020 que cette prorogation concerne notamment les délais pour :

payer la taxe de base d’une demande de marque de l’UE ;

revendiquer un droit de priorité ;

former opposition à l’enregistrement d’une marque de l’UE ;

payer la taxe d’opposition ;

demander le renouvellement d’une marque de l’UE ;

former un recours auprès de l’Office et payer la taxe de recours.

L’Office européen des brevets (OEB) a prorogé les délais expirant le 15 mars 2020 ou postérieurement jusqu’au 17 avril 2020. Il est précisé que si la perturbation venait à se poursuivre au-delà du 17 avril 2020, l’OEB pourrait publier un autre communiqué.

3 – Au niveau mondial: L’Organistaion mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a indiqué qu’elle continuait à traiter les principales demandes qui relèvent de sa compétence : celles déposées par l’intermédiaire des services mondiaux de propriété intellectuelle ; celles déposées dans le cadre du PCT (enregistrement international des brevets), du système de Madrid (enregistrement international des marques) et du système de La Haye (enregistrement international des dessins et modèles). Dans un avis n°7/2020, l’OMPI a par ailleurs rappelé les différents recours disponibles en cas d’inobservation d’un délai dans le cadre du système de Madrid et les possibilités de prorogation des délais en cas de fermeture de l’office national d’une partie contractante.

Enfin, un petit mot pour ceux qui seraient tentés de déposer à titre de marque le signe « Coronavirus » ou « Covid-19 » (ou encore « I survived coronavirus 2020 ») : certains offices de propriété industrielle dans le monde ont à se prononcer sur le dépôt de ces marques (notamment l’EUIPO, en Chine, aux USA et en Belgique) et ont déjà annoncé qu’il y avait peu de chances que ces demandes de marques soient acceptées. En France, une marque « Coronavirus » ou « Covid-19 » qui serait déposée pour désigner des médicaments ou des masques encourra certainement le risque de se voir rejetée par l’INPI pour défaut de distinctivité.

• La défense des droits de propriété intellectuelle devant les juridictions nationales

Toutes les affaires civiles et commerciales pendantes devant les juridictions françaises vont être fortement impactées par cette crise sanitaire, jusqu’à nouvel ordre, à moins qu’il ne s’agisse de « contentieux essentiels » selon le communiqué de presse du Ministère de la Justice du 15 mars 2020. Si les avocats peuvent continuer à traiter les contentieux, en revanche, seules les urgences civiles absolues, référés et requêtes, sont traitées par les juridictions depuis lundi 16 mars 2020. Il y a peu de chance qu’un contentieux en propriété intellectuelle puisse entrer dans le cadre de cette exception, sauf urgence impérieuse.

La mise en œuvre des procédures liées aux problématiques de propriété intellectuelle ne sera donc pas aisée en période d’état d’urgence sanitaire. Des plans de continuation d’activité ont néanmoins été adoptés afin de permettre la continuité du service public de la justice.

Pour les procédures en cours, toutes les audiences programmées sont supprimées, les délibérés prévus à compter du 17 mars 2020 sont prorogés et aucune diligence n’est requise par les parties. Les délais qui venaient ou viendraient à expiration pendant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (dite « période juridiquement protégée ») sont prorogés, comme rappelé ci-dessus. Il en va ainsi, par exemple, du délai prévu par le Code de la propriété intellectuelle pour introduire une instance au fond après un référé-contrefaçon, des délais applicables en procédure d’appel et des délais pour exercer une voie de recours. En revanche, les délais en cours, qui ne seront pas arrivés à terme pendant cette période, sont maintenus.

Attention, aucune automaticité n’est prévue, il est toujours possible et préférable d’accomplir les diligences dans les délais requis afin d’éviter tout retard lorsque tous les délais s’accumuleront au cours de l’été prochain (à moins que l’état d’urgence ne soit prolongé).

S’agissant des procédures non encore engagées, il est à noter qu’aucune saisie-contrefaçon ne pourra en principe être réalisée par les huissiers de justice. En revanche, malgré le confinement, il demeure possible pour toute personne victime d’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle de préparer son dossier en amont pour de futurs contentieux, notamment via :

• la réalisation par un huissier de justice de constats à distance, lesquels ne semblent pas poser de difficulté. Il en existe deux types :

o un constat Internet, en vue de rapporter la preuve de l’existence de contenus litigieux en ligne,

o un constat d’achat en ligne de marchandises ou d’œuvres présumées contrefaisantes, en vue de démontrer qu’elles font l’objet d’une commercialisation,

• le recueil d’attestations sur l’honneur,

• le dépôt dématérialisé d’une enveloppe e-Soleau auprès de l’INPI ou d’un code-source auprès d’un huissier de justice ou de l’Agence pour la protection des programmes (APP) afin de donner une date certaine aux créations.

Il est enfin toujours possible de faire délivrer une assignation par un huissier de justice puisque la plateforme Securact permet la signification des actes d’huissier de justice par le biais de la signature électronique qualifiée. Elle s’adresse à la fois aux entreprises et aux particuliers. Toutefois, si le destinataire de l’acte refuse de donner son consentement, l’huissier de justice devra alors procéder à une signification « sans contact » en se déplaçant au domicile du destinataire, mais en prenant toutes les précautions imposées dans le cadre de la crise sanitaire.

En tout état de cause, toutes les mesures sont prises afin d’adapter le fonctionnement des procédures contentieuses à la situation exceptionnelle, que ce soit au fond ou en référé. Ainsi, l’article 7 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 permet de tenir certaines audiences en visio-conférence ou par tout moyen de communication électronique, tandis que l’article 8 permet au juge de décider que la procédure se déroulera sans audience, de façon exclusivement écrite. Les parties disposeront d’un délai de 15 jours pour s’y opposer, sauf en référé où elles ne pourront pas s’y opposer.

Chacun s’accorde à dire qu’il y aura un avant et un après la pandémie liée au Covid-19 mais sachons préserver le capital artistique au moins autant que le capital humain et économique pour qu’une fois sortis de cette période de confinement, les créateurs puissent à nouveau embellir nos vies, alors même qu’ils nous auront permis de mieux supporter le confinement en nous ouvrant l’esprit vers d’autres territoires d’évasion.

Le département Propriété intellectuelle du cabinet Alerion se tient à votre entière disposition en cas de questions sur ces nouvelles mesures pour vous assister au mieux dans cette période délicate.

Corinne Thiérache, Associée, et Laura Raimondo, Collaboratrice en Propriété Intellectuelle. Avec le concours d’Alice Marie, Elève-Avocat à l’EFB.