Renforcement de la loi de blocage ou Blocking Statute : le guichet unique du SISSE

29 mars 2022
Frédéric Saffroy et Alice Bastien

A partir du 1er avril 2022 (1), le Service de l’Information Stratégique et de la Sécurité Economique (le « SISSE ») accompagnera les entreprises françaises visées par une demande de communication d’une autorité étrangère portant sur des documents ou renseignements stratégiques et sensibles, renforçant les dispositions de la loi du 26 juillet 1968 modifiée, dite « loi de blocage » (2).

Le SISSE – en sa qualité de guichet unique – aidera notamment les entreprises à identifier les documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique pouvant – ou non – être transmis à ces autorités étrangères.

Les entreprises concernées devront informer le SISSE de toute demande de communication émise par une autorité publique étrangère ou par toute personne agissant pour son compte.
Un dossier devra être remis au SISSE (moyens sécurisés), comportant un organigramme permettant d’identifier les personnes contrôlant la société visée, une description de ses activités, une liste de ses principaux concurrents français et étrangers et les motifs de la demande de communication (3).

Le SISSE disposera d’un délai d’un mois pour instruire le dossier avec les autorités compétentes (ministères de la Justice, des Affaires Etrangères, Agence Française Anticorruption, Autorité des Marchés Financiers, etc.) et adresser un avis portant sur l’applicabilité des articles 1 et 1 bis de la loi de blocage.

Lorsque la demande de communication émane d’une autorité étrangère (article 1), le SISSE examinera l’existence de risques d’atteinte aux intérêts de la France et pourra, le cas échéant, assister l’entreprise pour contester ces demandes. Lorsque la demande s’inscrit dans une enquête judiciaire ou administrative (article 1 bis), le SISSE pourra solliciter le ministère de la Justice et donner pleine efficacité aux outils de coopération internationale.

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La loi de blocage, un bouclier contre l’extraterritorialité des lois étrangères

La loi de blocage interdit, sous réserve des traités ou accords internationaux (4), à toute personne, physique ou morale, de communiquer par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des autorités publiques étrangères (5) ou lors de procédures judiciaires ou administratives étrangères (6). Toute infraction à ces dispositions est punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 18 000 euros (7).

Les juridictions françaises n’ont appliqué ces dispositions qu’une seule fois, donnant lieu à une amende de 10 000 euros (8). Les autorités étrangères, en particulier les autorités américaines, refusent donc régulièrement de tenir compte de l’interdiction de communication au motif que le risque pénal est presque nul (9).

Le SISSE, créé en 2016 et rattaché à la Direction générale des Entreprises (ministère de l’Economie), est chargé d’animer la politique de sécurité économique française et coordonne la protection des technologies et des entreprises face aux menaces étrangères. Il se coordonne avec les autres ministères, services ou autorités indépendantes afin d’unifier la réponse étatique à apporter.

Confrontées à des demandes croissantes, principalement américaines (on se rappelle les affaires Alstom (2014), Société Générale (2018) ou Airbus (2020)), les entreprises françaises réclamaient un véritable « réarmement » de la législation – au-delà du rôle attribué à l’AFA par la loi Sapin II – pour se protéger des procédures extraterritoriales du type e-discovery, Cloud Act et autres subpoenas. Il reste à voir comment cette règlementation sera considérée par les autorités étrangères.

Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à contacter l’équipe Conformité et Affaires réglementaires.

Frédéric Saffroy, Associé & Alice Bastien, Avocat

(1) Décret n° 2022-207 du 18 février 2022.

(2) Loi n° 68-678 du 26 juillet 1968, modifiée par la loi n° 80-538 du 16 juillet 1980.

(3) Arrêté du 7 mars 2022 relatif à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, publié au JORF du 16 mars 2022.

(4) Tels que la Convention de La Haye du 18 mars 1970.

(5) Article 1 de la loi n° 68-678.

(6) Article 1 bis de la loi n° 68-678.

(7) Article 3 de la loi n° 68-678.

(8) Cass Crim, n°07-83.228, 12 décembre 2007.

(9) Société Nationale Industrielle Aérospatiale v. U.S. District Court for the Southern District of Iowa, 482 U.S. 522 (1987).