Investissements étrangers et Covid-19 : la France adopte une approche plus stricte

02 juillet 2020
Frédéric Saffroy et Jeanne Quéneudec

La crise du Covid-19 a confirmé et accéléré la volonté des pays occidentaux de renforcer le contrôle des investissements étrangers (voir notre Newsletter de mars 2019). Récemment, la France a décidé d’élargir le champ de ce contrôle et d’appliquer des critères plus stricts pour les prises de participation dans des entreprises sensibles.

La R&D dans les biotechnologies désormais soumise à autorisation

Le 27 avril 2020, le ministre de l’Économie a signé un arrêté ajoutant les « biotechnologies » à la liste des technologies critiques soumises à la procédure de contrôle des investissements étrangers, lorsque l’activité de la société cible française comprend la recherche et le développement dans ce secteur. La liste des technologies critiques comprend déjà la cybersécurité, l’intelligence artificielle, la robotique, la fabrication additive (ou impression 3D), les semi-conducteurs, les technologies quantiques et le stockage de l’énergie.

Comme c’est le cas pour toutes ces technologies, il n’existe pas de définition légale des « biotechnologies ». Toutefois, étant donné le contexte actuel, elles comprennent évidemment la recherche d’un vaccin contre le Covid-19. Cela ne s’y limite certainement pas et cette réforme permet de protéger les entreprises françaises des sciences du vivant, non seulement en santé humaine, mais aussi en santé animale ou en génétique végétale. Bien que la protection de la santé publique soit déjà un objectif de la réglementation sur le contrôle des investissements étrangers, elle la renforce encore en réduisant les possibilités de contournement. Enfin, cet ajout est cohérent avec le Règlement européen 2019/452 du 19 mars 2019 mettant en œuvre un cadre et une coopération européenne en matière de contrôle des investissements étrangers.

Abaissement du seuil de participation de 25 % à 10 %

Compte tenu de la chute des bourses avec le Covid-19, le risque était trop élevé de voir des investisseurs étrangers – pas nécessairement amicaux… – acquérir des actions de sociétés françaises sensibles à bas prix. Le ministre a donc également décidé d’abaisser temporairement le seuil d’acquisition des droits de vote dans les sociétés sensibles nécessitant une autorisation préalable.

Une autorisation préalable est obligatoire pour toute prise de contrôle (plus de 40% ou 50% des droits de vote selon la définition du contrôle) d’une société française sensible par un investisseur étranger. Cette obligation s’applique tant aux investisseurs de l’UE/EEE qu’aux investisseurs de pays tiers. Cette autorisation est également obligatoire lorsqu’un investisseur étranger hors UE/EEE franchit le seuil de 25 % des droits de vote au sein de la société (il était auparavant de 33,3 %).

Le ministre a décidé d’abaisser ce seuil à 10 %, sous certaines conditions :

-cela ne s’applique qu’aux sociétés cotées en bourse,

-cela ne s’applique pas aux investisseurs de l’UE et de l’EEE,

-cette mesure devrait prendre fin le 31 décembre 2020,

-une procédure spéciale est mise en œuvre, en vertu de laquelle le ministre disposera de 10 jours pour décider si l’opération doit faire l’objet d’un examen complémentaire (le délai habituel est de 30 jours).

Cette mesure aurait dû entrer en vigueur le 1er juillet 2020. Toutefois, à ce jour, le décret en Conseil d’État annoncé n’a pas été adopté.

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Le contrôle des investissements étrangers en bref

Tout investissement – direct ou indirect – réalisé par acquisition d’actions (prise de contrôle ou, pour les investisseurs hors EEE, acquisition de plus de 25 % des droits de vote de la société cible) ou acquisition d’un fonds de commerce ou d’actifs (tout ou partie d’une branche d’activité d’une société) d’une entreprise française sensible est soumis à autorisation préalable du ministre de l’Économie, sous peine de nullité et de lourdes sanctions financières.

Les secteurs contrôlés comprennent, pour les investisseurs européens et non européens, (i) les activités de nature à porter atteinte aux intérêts de la défense nationale, de l’ordre public ou de la sécurité publique (matériels de guerre et assimilés, biens à double usage, dépositaires du secret de la défense nationale, sécurité des systèmes d’information, cryptologie, stockage de données sensibles…) ou (ii) les mêmes activités lorsqu’elles portent sur des infrastructures, biens ou services essentiels (énergie, eau, transports, opérations spatiales, communications, intégrité, sécurité et continuité d’un opérateur d’importance vitale, santé publique, produits agricoles, presse) et (iii) les activités de R&D dans les secteurs précités et liées aux technologies critiques telles que définies dans l’arrêté du 31 décembre 2019 (cybersécurité, intelligence artificielle, robotique, biotechnologies…), ainsi qu’aux biens et technologies à double usage.

Enfin, le contrôle des investissements étrangers s’applique quel que soit le montant de l’opération : aussi bien aux grands groupes cotés qu’aux petites entreprises ou aux start-up dont le chiffre d’affaires n’est pas significatif.

Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à contacter l’équipe Conformité et Affaires réglementaires.

Frédéric Saffroy et Jeanne Quéneudec