Surveillance du temps de travail des salariés en Allemagne : vers le retour de la pointeuse ?

21 novembre 2022
Nicola Kömpf et Mathilde Gicquel

Dans une décision rendue le 13 septembre 2022[1], la Cour fédérale du travail allemande (Bundesarbeitgericht) semble revenir sur le système de contrôle de l’organisation et de la charge de travail, jusqu’ici basés sur la confiance (Vertrauensarbeitszeit) en déclarant que l’employeur est tenu de mettre en place un système permettant de contrôler et d’enregistrer les heures de travail effectuées par ses salariés.

Alors que l’obligation de l’employeur d’enregistrer les heures de travail était jusqu’à présent relativement limitée en Allemagne puisque, sauf exception, seules les heures de travail supplémentaires devaient être enregistrées par l’employeur[2], la Cour fédérale du travail allemande renforce l’obligation de l’employeur de contrôle du temps de travail de ses salariés.

Selon cette nouvelle lecture de l’article 3 §2 de la Loi allemande sur la protection au travail (ArbSchG) inspirée de précédentes décisions rendues par la CJUE[3], il en découlerait pour les employeurs une obligation de « mettre en place un système permettant d’enregistrer le temps de travail effectué par les salariés » et qu’ils doivent prendre les mesures nécessaires pour la sécurité et la santé des travailleurs et, à cet effet, « veiller à une organisation appropriée et mettre à disposition les moyens nécessaires ».

Cette décision s’inscrit également parmi plusieurs décisions récentes[4], plus protectrices des salariés allemands en matière d’accomplissement d’heures supplémentaires.

En l’absence de précision du législateur allemand quant aux modalités de contrôle à mettre en place, prudence est de mise pour tous les employeurs de salariés en Allemagne. En tout état de cause, il est vivement conseillé de mettre en place au plus vite un système de contrôle et d’enregistrement des heures de travail des salariés allemands ou de prévoir dans les contrats de travail des clauses d’exclusion ou de forfait efficaces, en vertu desquelles les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées ou ne le sont que sous forme de forfait. En outre, il est fortement recommandé de donner aux salariés des instructions précises sur la manière dont le temps de travail doit être enregistré et de vérifier régulièrement ces enregistrements et, à défaut, d’envoyer des avertissements.

Faute de contrôle et d’enregistrement de la part de l’employeur, les salariés pourraient facilement revendiquer l’accomplissement d’heures supplémentaires comme cela est déjà le cas en France.

Notre German Desk se tient à votre disposition pour toute question à ce sujet.

Nicola Kömpf, Avocat au Barreau de Paris et Rechtsanwältin, Berlin, et Mathilde Gicquel, Avocat au Barreau de Paris.

[1] Communiqué de presse de la Cour fédérale du travail allemande accessible en cliquant ici.

[2] Article 16§2 de la loi sur le temps de travail (ArbZG).

[3] En ce sens : Arrêt de la CJUE C-55/18 du 14 mai 2019 « Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO) contre Deutsche Bank SAE ».

[4] En ce sens : Arrêts de la Cour fédérale du travail allemande du 4 mai 2022 (5 AZR 359/21 et 5 AZR 474/21).