Projet de taxe sur les holdings patrimoniales : Décryptage et perspectives
Introduction
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit l’instauration d’une nouvelle taxe sur les actifs des sociétés holdings non affectés à l’exercice d’une activité professionnelle. Cette mesure, qui vise à assurer une « juste contribution des personnes les plus fortunées », suscite déjà de nombreuses interrogations et pourrait avoir des conséquences significatives pour les structures concernées.
Rappelons que ce projet de loi va être soumis aux débats parlementaires et qu’il est donc susceptible d’évoluer, d’autant plus que le Premier Ministre s’est engagé à ne pas utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour son adoption, ce qui signifie qu’il fera l’objet d’un vote de l’Assemblée nationale.
Champ d’application
La taxe s’appliquerait aux holdings patrimoniales qui remplissent les conditions suivantes :
- Territorialité : Les sociétés ayant leur siège en France, assujetties à l’IS de plein droit ou sur option, ou celles ayant leur siège à l’étranger, assujetties à un impôt équivalent, ou qui sont des sociétés de capitaux dont au moins un associé qui contrôle la société a son domicile fiscal en France.
- Valeur vénale des actifs : Supérieure ou égale à 5 millions d’euros.
- Détention : Au moins une personne physique (ou son cercle familial) détient directement ou indirectement 33,33 % des droits de vote ou financiers, ou exerce le pouvoir de décision. Un pacte d’associés peut également être pris en compte.
- Revenus passifs : Plus de 50 % du total des produits d’exploitation et des produits financiers doivent être des revenus passifs (dividendes, intérêts, loyers, redevances de droits d’auteurs…). Le « cash pooling » résultant d’une convention de gestion de trésorerie est exclu de cette catégorie.
- Non-contrôle : La holding ne doit pas être contrôlée directement ou indirectement par une autre société soumise à la même taxe.
Mécanisme de la taxe
- Assiette : La taxe serait assise sur la somme des éléments suivants :
a. La valeur vénale des biens meubles corporels (œuvres d’art, voitures de collection, yachts…), des biens immeubles et des droits portant sur ces biens. Une déduction des dettes contractées pour l’acquisition des immeubles est prévue (similaire à ce qui est prévu pour l’IFI).
b. La valeur vénale des disponibilités et des titres détenus par la société. Des minorations sont prévues pour les sommes apportées lors d’une augmentation de capital récente et non encore employées, ainsi que pour les produits de cession de biens opérationnels ou de titres de participation.
c. La valeur vénale des participations directes et indirectes dans des filiales non cotées qui remplissent les conditions d’actifs et de revenus passifs ci-dessus évoqués, à proportion des actifs taxables détenus par la filiale et du taux de participation. Les créances détenues sur la filiale sou sur une société interposée par la holding viendraient majorer cette valeur, ainsi que certaines dettes contractées auprès du redevable ou de sociétés contrôlées, sauf à pouvoir justifier l’absence d’objectif principalement fiscal (rappelant ainsi les règles anti-abus applicable en matière d’IFI concernant la déduction des passifs sociaux).
- Exclusions de la base d’imposition : Les titres de participation comptabilisés comme tels ou représentant au moins 5% des droits de vote de la filiale (sous réserve des participations visées au c) ci-dessus), les titres de jeunes PME communautaires sous certaines conditions, les parts de FCPR/FPCI dits « fiscaux ».
- Taux : Le taux de la taxe serait de 2 %.
- Non-déductibilité : La taxe ne serait pas déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
Redevables et formalités déclaratives
- Si la société a son siège en France, elle devra joindre une annexe à sa déclaration de résultat. La taxe sera due à compter des exercices clos au 31 décembre 2025.
- Si la société a son siège hors de France, les personnes physiques résidentes fiscales de France qui contrôlent la société seront redevables de la taxe, et devront la déclarer lors de leur déclaration annuelle des revenus.
Notre avis sur ce texte et ses perspectives
Le projet présenté soulève de nombreuses questions pratiques non résolues à ce stade.
Il nous paraît en outre très fragile en raison du risque élevé de censure par le Conseil constitutionnel pour non-respect du principe d’égalité devant l’impôt et devant les charges publiques.
Parmi les nombreux motifs de censure, nous pouvons d’abord relever qu’à l’exception des actifs immobiliers, cette nouvelle taxe frappe la valeur brute des actifs sans tenir compte des passifs, ce qui devrait constituer une atteinte au principe selon lequel l’impôt doit tenir compte des facultés contributives des contribuables.
Par ailleurs, la taxation à titre personnel des associés de sociétés étrangères (les contraignant à mobiliser leur patrimoine personnel), alors qu’ils sont soumis à la même fiscalité que les associés de sociétés françaises, pourrait être considérée comme discriminatoire.
En frappant les holdings, cette taxe pénaliserait indirectement les associés qui ne contrôlent pas la société redevable, et ne remplissent pas individuellement les conditions pour être assujettis à l’IFI, créant ainsi une forme d’injustice fiscale. En pratique, ce ne serait donc pas uniquement les « personnes les plus fortunées » qui seraient mises à contribution.
S’agissant des sociétés foncières, dans certains cas cette taxe substituerait l’IFI (les actifs immobiliers soumis à cette taxe seraient exonérés d’IFI), avec toutefois un taux plus élevé et sans plafonnement possible. En outre, il ne serait pas possible de réduire l’impôt par des dons à des organismes à buts non lucratifs (ce qui pourrait priver le secteur associatif d’une importante source de revenus).
Notons également que pour régler la taxe, les contribuables pourraient devoir mobiliser leur patrimoine personnel si la société ne dispose pas de la trésorerie nécessaire.
Enfin, la conformité de ce texte avec la législation européenne pose également question, puisque le traitement différencié des holdings selon leur localisation porte une atteinte manifeste à la liberté d’établissement au sein de l’UE en pénalisant les actionnaires des holdings étrangères. En incitant les contribuables français à rapatrier leurs sociétés étrangères, cette taxe pourrait également constituer une entrave à la liberté de circulation des capitaux.
Conclusion
A date les incertitudes liées aux débats parlementaires et aux risques de contentieux constitutionnel sont nombreuses. Il est toutefois possible qu’une nouvelle imposition des holdings patrimoniales finisse par être adoptée. Notre équipe fiscale suit de près l’évolution de ce texte afin d’anticiper ses conséquences potentielles et se tient à votre disposition pour en discuter.
Rédigé par l’équipe fiscale