Nouveaux outils : l’audience de règlement amiable et la césure du procès

06 novembre 2023
Sibylle MAREAU et Caroline MEUNIER

Le décret du 29 juillet 2023 n°2023-686 du 29.07.2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire est entré en vigueur et est applicable aux procédures introduites à compter du 1er novembre 2023. Annoncé en janvier 2023, le décret du 29 juillet 2023 s’inscrit dans la politique de l’amiable du Garde des sceaux et vise à réduire les délais de traitement des affaires. Le décret crée deux nouveaux outils qui ont pour objet de rechercher l’amiable au sein du procès, et d’adapter le cours de la procédure aux besoins du litige :

  • L’audience de règlement amiable (« ARA »)

Inspiré du modèle québécois, le dispositif prévoit la possibilité pour le Juge saisi du litige, d’office ou à la demande d’une partie, de convoquer les parties à une audience de règlement amiable, pour rechercher « la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige ». L’audience de règlement amiable est obligatoire pour les parties qui doivent y comparaître en personne et, lorsqu’il s’agit d’une procédure avec représentation obligatoire, être accompagnées d’un avocat.  En cela, la mesure est plus contraignante que les invitations à rencontrer un médiateur que l’on connaissait jusqu’alors devant le Tribunal judiciaire. Le dispositif reprend les principes fondamentaux des mesures de règlement amiable, et prévoit ainsi en particulier (i) que le juge qui tient l’audience de règlement amiable ne peut siéger dans la formation de jugement, outre (ii) la confidentialité des échanges, avec notamment la tenue de l’audience de règlement amiable en chambre du conseil. 

Le dispositif est applicable à l’ensemble des procédures devant le Tribunal judiciaire (écrites, orales, au fond, en référé, avec ou sans mise en état), ce qui laisse présager un large usage par les juridictions. La mise en place de l’ARA risque toutefois de se heurter au manque de moyens humains et matériels des juridictions, dès lors que le dispositif nécessite notamment des salles d’audience et des magistrats supplémentaires (autres que ceux de la formation de jugement), ce qui peut s’avérer particulièrement compliqué pour certains tribunaux.

  • La césure du procès

La mesure, inspirée de ce qui existe en Allemagne et aux Pays-Bas, a un champ plus restreint que l’ARA, puisqu’elle est réservée à la procédure écrite ordinaire.  Elle a été pensée pour les litiges longs et complexes. La césure du procès permet au juge de ne statuer que sur une partie des questions litigieuses, parce cela suffit à dissoudre tout le contentieux (par exemple si le Tribunal juge qu’il n’y a pas de principe de responsabilité, il n’est pas nécessaire qu’il se prononce sur le quantum des demandes), ou parce que les parties choisissent de résoudre à l’amiable ce qu’il reste du litige (par exemple, après que le Tribunal se soit prononcé sur le principe d’une faute, les parties s’entendent à l’amiable sur le quantum des dommages et intérêts).

Le dispositif permet ainsi au Juge de la mise en état de prononcer la clôture partielle de l’instruction, pour permettre au jugement de trancher certains points, qui donneront lieu à un jugement partiel, avec exécution provisoire facultative et soumis en cas d’appel à la procédure de bref délai. La césure du procès ne peut être imposée d’office par le juge et doit être demandée par les parties, par un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles elles sollicitent un jugement partiel. 

Les praticiens devront être prudents car le décret ne prévoit pas de suspension ou d’interruption de l’instance pendant l’instruction de l’affaire ayant fait l’objet d’une clôture partielle, de sorte qu’il existe un risque de péremption de l’autre partie de la procédure. Il y aura lieu, par précaution, de solliciter un sursis à statuer sur cette autre partie, en même temps que la clôture partielle sera demandée.

Les spécialistes de la procédure craignent que ce nouveau dispositif ne génère plus de contentieux et n’allonge la durée du procès, contrairement aux objectifs affichés.  Quoiqu’il en soit, vu l’échec que l’on connaît pour la procédure de mise en état participative, dont l’initiative appartient également aux parties, on peut douter que la césure du procès ait du succès.